« Faites de la science », avons nous titré ce vendredi. Les 1ères du lycée des Lumières ont pris l’injonction au mot. Leur stand central au village des sciences qui se tient jusqu’à mercredi sur la place de la République, ne laissait aucun doute : tout de chemise blanche de labo vêtu, ils exhibaient fièrement leur premier essai en recherche expérimentale : un sac confectionné avec de l’écorce de bananier. « Notre prof nous a dit, ‘je vous donne un tronc de bananier, inventez quelque chose !’ On l’a épluché, séché, découpé en morceau, laissé macéré dans une solution de NaOH, récupéré la pâte que nous avons fait chauffer à 250 degrés, et, une fois mixée avec de l’eau, filtrée, et étalée en couche fine, nous avons obtenu du papier ». Ça pétille dans les rangs, chacun veut expliquer, et les lycéens finissent par brandir fièrement un sac en papier agrémenté d’une lanière, façon pochette-cadeau pour les fêtes. De là à le commercialiser, il n’y a qu’un nom, ILME BAG, « un condensé de l’arabe ‘ilme’, savoir, et de l’anglais ‘bag’, sac. »
C’est avec ce label qu’ils ont répondu à un concours sur les petites entreprises, à l’invitation de leur enseignant, « le bananier, on en trouve partout, et c’est la partie qu’on donne à manger aux animaux une fois qu’on a récolté les bananes ». Un procédé écoresponsable en plus !
Ce petit village des sciences éphémère au cœur de Mamoudzou regorge de bonnes surprises. Il était inauguré ce vendredi à 11h par le recteur Gilles Halbout, sans la présence pourtant annoncée de la préfecture et du conseil départemental, mais aux cotés de l’adjointe au maire de Mamoudzou chargée de l’Excellence éducative, Inayatie Kassim. L’élue saluait l’événement, « qui contribue à la démocratisation de la science », et invitait les parents à s’en mêler, « votre investissement en soutien et en encouragement dans l’éducation de vos enfants est déterminant pour leur réussite. »
La rigueur vs les réseaux sociaux
La recherche fondamentale, c’est une de ses marottes : Gilles Halbout brandissait cette fête de la science comme un emblème : « On a souvent de la défiance vis à vis des scientifiques, mais on oublie ce qui a forgé notre nation, la primauté du savoir sur l’ignorance. La science, c’est une démarche avant tout, une méthode, qui se différencie foncièrement du fait d’émettre une opinion ou une croyance. C’est important dans notre époque de réseaux sociaux. On accumule du savoir, pas à pas, et que l’on structure avec des expériences. Ce qui peut déboucher sur des théories qui parfois sont validées des siècles plus tard, comme la relativité, la théorie des particules élémentaires ou le boson de Higgs. »
Chacun est un scientifique dans l’âme qui parfois s’ignore, « sur le volcan et les études sismiques, des études menées par des personnalités locales étaient en avance sur d’autres, plus normées certes, mais plus éloignées du terrain. Que ce soit pour le volcan avec le réseau Revosima, ou la biodiversité sous marine, avec TsiÔno, les observateurs que nous sommes tous peuvent enrichir la science. »
A chaque stand son univers particulier dans lequel il faut entrer un moment : celui des algues et de leurs déclinaisons, ou la découverte des micro-organismes avec un microscope à poste, ou encore l’exposition des Archives départementales « Des hommes et des bateaux », sans parler de l’archéologie funéraire du Muma ou de la maquette centrale du volcan sous-marin, tenue par le Bureau de Recherche géologique et Minière. La recherche agricole est aussi présente avec le stand Ecophyto et ses propositions d’alternatives aux pesticides ou du Cirad et ses auxiliaires de culture auxquels nous avions dédié un large chapitre.
Un village signé Fahoullia Mohamadi, Chargée de mission à la recherche et à la technologie au rectorat de Mayotte, et chercheur en chimie de substances naturelles. Vous avez jusqu’à mercredi pour parcourir ce condensé de matières grises.
Anne Perzo-Lafond