Constatant un compte administratif 2023 du syndicat mixte Les eaux de Mayotte en déficit, le préfet de Mayotte saisissait en septembre dernier la Chambre régionale des Comptes, comme la loi l’y oblige. Et vu le contexte de l’approvisionnement en eau sur le territoire, l’analyse était rapidement menée sur les deux budgets, Eau et Assainissement. Rappelons que traditionnellement, le premier est plutôt en équilibre, pas le second étant donné le déficit de raccordements des particuliers aux stations d’épuration à Mayotte.
Le résultat de clôture pour l’exercice 2023 de la section Eau présente un excédent d’exploitation de 20,3 millions d’euros et un déficit d’investissement de 27,6 millions d’euros, soit un résultat de clôture en déficit de 7,2 millions d’euros. Mais une correction s’impose selon la Chambre.
Le fait que pour les deux budgets Eau et Assainissement, le LEMA ait décidé en 2022 que les opérations d’investissement non engagées par le passé – et on sait que l’ancienne mandature n’en a pas réalisé beaucoup – soient gérées dans le cadre d’autorisation de programme et de crédits de paiement, permet une meilleure lisibilité de son budget, salue la CRC, « au moment où le syndicat arrête un programme pluriannuel d’investissement dans le cadre d’un nouveau contrat de progrès 2022 -2026 signé le 23 août 2022 et de son avenant n° 1 du 5 juillet 2024 ».
D’autre part, dans le cadre d’un emprunt de 25 millions d’euros octroyé le 13 juillet 2023, par l’Agence française de développement (AFD), le syndicat a demandé le versement de 10 millions d’euros afin de financer les dépenses du plan pluriannuel d’investissement (PPI). Un bonus qui améliore le quotidien !
Enfin, la méthode de comptabilité du LEMA sur les recettes et dépenses anciennes à réaliser, fait l’objet d’une clarification. A première vue, le compte administratif du budget « Eau » se présente en excédent en fonctionnement de 8,8 millions d’euros et en déficit en investissement de 23 millions d’euros, soit un résultat comptable de -14,2 millions d’euros. Pour autant, selon la Chambre, si des sommes restent à recouvrer en recettes, d’autre restent à effectuer en dépenses, certaines trop anciennes pour être comptabilisées, auraient dû faire l’objet d’un rappel avec la mention « dans les plus brefs délais ». Réactualisées, elles font apparaitre un excédent de 114.458 euros pour 2023 au lieu d’un déficit de 14 millions d’euros.
Des recommandations malgré tout
Sur la section Assainissement, même état des lieux que pour la section Eau, avec un excédent en fonctionnement, de 730.465 euros et un déficit en investissement de 3,5 millions d’euros, soit un résultat comptable de – 2,8 millions d’euros.
Mais le même flou dans l’origine des anciennes recettes et dépenses « à classer et à régulariser » incite la CRC à corriger l’ensemble avec une situation plus compliquée, puisque s’affiche un déficit de près de 6 millions d’euros au lieu de 2,8 millions.
En retenant un budget Eau de +6,8 millions d’euros, et d’Assainissement de -3,5 millions d’euros, le résultat obtenu par la CRC sur 2023 pour les deux budgets cumulés est de +3,3 millions d’euros. Ce qui ne nécessite donc pas de mesures spécifiques, « il n’y a pas lieu de proposer de mesures complémentaires relatives à ce budget », indique la CRC.
Qui émet des encouragements envers le LEMA sur la « poursuite de ses efforts en matière de fiabilisation de ses comptes », en l’incitant à travailler avec le comptable public, sur le suivi des restes à recouvrer et à payer, sur sa dette financière et l’apurement des comptes d’imputations provisoires, « à ce titre il est anormal qu’un compte ‘recettes à classer ou à régulariser’ présente un solde débiteur », et à « procéder à l’émission des titres de recettes en fonction de l’exigibilité des créances et non de leurs versements effectifs ». Car comme on a pu le voir, les corrections de la Chambre se fondent sur ces modifications.
Le budget 2024 du LEMA s’annonce donc sous de bons auspices, c’est quasiment un scoop. Que ne savoureront pas à sa juste valeur les habitants qui subissent toujours les coupures d’eau, mais elles sont justement liées à une gestion défectueuse de l’ancienne mandature, celle de Bavi, qui a rendu – de mauvaise grâce en plus – son tablier en 2020, avant que le Parquet national financier ne perquisitionne sur sa période de gestion. Le procès doit se tenir début 2025.
Avec la campagne d’investissements massifs dans les forages, une 2ème usine de dessalement en vue, le colmatage de fuites, et un retour à une gestion saine du syndicat qu’on espère durable, tout porte à croire que, le rêve du préfet Bieuville d’une suppression des tours d’eau en 2026, pourrait se réaliser.
Anne Perzo-Lafond