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Rôle éducatif de la restauration scolaire : l’assiette d’aujourd’hui prépare les adultes responsables de demain

Ce jeudi, le collège de Kwalé à Tsoundzou 1 accueillait une conférence-débat sur les enjeux de l'éducation à l’alimentation pendant les différents temps scolaires et périscolaires. Un enjeu de taille pour le département au regard des situations d’extrême pauvreté et du déficit d’infrastructures de restauration collective.

« Le premier commentaire à faire, c’est que Mayotte est en train de vivre en accéléré ce que la métropole a vécu en cinquante ans ». Michel Le Jeune, ayant participé à de nombreux travaux de rédaction de documents nationaux notamment dans le cadre du Conseil National de l’Alimentation, entend poser un constat lucide sur la situation du 101e département.

Le public prenant peu à peu place dans l’amphithéâtre du collège

Développer le rôle éducatif de la restauration scolaire

Situation récemment mise en avant dans une enquête de l’Agence Régionale de Santé (ARS) datant de septembre dernier portant sur la « santé des jeunes de 10-12 ans » à Mayotte. En introduction, l’institution note que l’île au lagon « fait état d’une situation typique des territoires en transition nutritionnelle où les surcoûts liés à l’insularité, la persistance de la pauvreté, et l’accès à une alimentation de qualité et diversifiée sont des freins au développement d’une alimentation saine ».

Le temps de la pause méridienne à l’école devient alors le lieu de découverte culinaire pour les enfants. Cependant, note Diane Hardy, chargée de mission nationale à la Ligue de l’enseignement pour les restaurants d’enfants et de jeunes de la formation des éducateurs, « a contrario de Mayotte, la restauration scolaire a, en métropole, un rôle éducatif auprès des enfants ». « Cette lacune, poursuit-elle, conduit des enfants à ne pas acquérir une éducation alimentaire ». Une problématique, puisque « les consommateurs d’aujourd’hui, sont ceux de demain ».

Ouvrir le champ des possibles culinaires

Certes, si la place de la restauration scolaire est à relativiser en termes de quantité, cette dernière ne représentant que « 12 % de l’alimentation annuelle d’un enfant », note Michel Le Jeune, sur le plan éducatif l’enjeu est primordial. Pourquoi une place aussi prépondérante ? « C’est quasiment le seul endroit où les enfants vont apprendre à manger ensemble hors du domaine familial », explique-t-il, avant de poursuivre : « même si ce n’est pas important au regard des volumes consommés, c’est fondamental dans le cadre de la découverte culinaire ». Des propos à mettre en perspective au regard de l’étude de l’ARS publiée le mois dernier. Alors que « la précarité diminue la variété des consommations », mentionne l’enquête, les enfants en situation de surpoids ou d’obésité sont ceux ayant « l’alimentation la plus monotone ».

Diane Hardy et Michel Le Jeune

La découverte culinaire est indispensable à Mayotte comme elle l’est aussi « partout ailleurs en France », reprend Michel Le Jeune, mais les spécificités du département conduisent à une situation inédite entre manque d’infrastructures de restauration collective et grande pauvreté ; le repas scolaire constituant, dans certains cas l’unique repas du jour pour l’enfant. A ce titre, les deux interlocuteurs font part d’une anecdote jetant une lumière crue sur les difficultés locales : « on a vu l’année dernière des élèves prendre la collation et rentrer chez eux avec pour la donner à leur famille ».

Pas de solution miracle ne veut pas dire pas de solution du tout

Si des projets sont prévus pour pallier ces déficits, tels que la construction de la cuisine centrale à Kaweni à l’horizon 2025, quelles solutions mettre en place à court-terme pour donner les outils de décryptage alimentaire aux jeunes ? La réponse émerge après un silence mesuré, « on n’a pas de solution miracle », concède Michel Le Jeune. Néanmoins, il insiste sur le nécessaire caractère global de la réponse à apporter : « pour contrecarrer les dérives alimentaires, il faut agir au-delà du spectre du repas scolaire, tous acteurs confondus. Il faut contrer la publicité, il faut le dire clairement ». Le périscolaire, dont son développement à Mayotte est l’un des chevaux de bataille du rectorat, apporte une partie de la solution.

Le marché couvert de M’Tsangamouji récemment inauguré

Cette dernière est protéiforme et revêt de multiples dimensions au regard des mesures pouvant être prises comme la visite d’exploitations de maraîchages sur l’île, la formation du futur personnel des cuisines et autres réfectoires ainsi que le développement et la consolidation de la filière agro-alimentaire locale. Les marchés couverts, tels que celui de M’Tsangamouji récemment inauguré, participent à créer des débouchés pour les exploitants locaux tout en assurant une qualité de produits auprès des consommateurs. La structuration de cette filière, notait alors Said Maanrifa Ibrahima, maire de la commune, « représente un enjeu majeur de résilience alimentaire pour notre territoire et l’avenir de notre population ». Pour Michel Le Jeune, cet avenir passe par l’assiette des enfants : «  on prépare de futurs adultes qui seront de futurs parents et qui peut-être auront d’autres réflexes et d’autres habitudes ».

Pierre Mouysset

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