Tribunal judiciaire : une fin d’année sur les chapeaux de roues !

La dernière audience de l’année au tribunal judiciaire de Mamoudzou était consacrée aux comparutions immédiates ce vendredi. Sans surprise, les kwassa du nouvel an ont occupé les débats avec de nombreux passeurs qui comparaissaient pour « aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger sur le territoire ».

En ces fêtes de fin d’année les audiences se suivent et se ressemblent au tribunal judiciaire. Après la condamnation mercredi à la prison ferme de deux pilotes de kwassa tentant d’entrer sur le territoire français avec des passagers en fin de semaine dernière, vendredi ce fut bis repetita avec de nouveaux passeurs qui devaient être jugés. Sauf qu’au dernier moment d’autres affaires se sont rajoutées au rôle de l’audience de vendredi. En effet, en l’espace d’à peine 24 heures, du 28 au 29 décembre, pas mois de six pilotes de kwassa se sont faits intercepter avec plusieurs de dizaines de personnes à bord. Comme à chaque fin d’année les passeurs profitent de cette période, croyant le dispositif de surveillance plus souple, pour entreprendre des traversées depuis les Comores voisines.

La fameuse salle d’audience B du Tribunal judiciaire de Mamoudzou qui en voit passer bien des affaires de toutes sortes !

Ainsi les deux premiers prévenus à comparaitre vendredi après-midi avaient tenté de rentrer sur le territoire le 26 décembre au soir. Vers 18h30 un écho suspect apparait sur les écrans radar de la gendarmerie. À 18h45, le kwassa est repéré puis est intercepté sans résistance. A son bord 12 personnes dont deux pilotes, six hommes, trois femmes et trois enfants. Comme souvent le pilote maintient devant le tribunal qu’il était seul à transporter les passagers et a reconnu les faits. Chose bien sûr qu’a du mal à croire le président du tribunal : « En général il y a toujours deux pilotes… », fait-il remarquer aux deux accusés. Et pour cause le second accusé, qui se prétend être un simple passager, est en récidive légale…

Mayotte, un endroit très prisé en cette fin d’année mais pas par les touristes…

Il faut croire que le 101e département français attire les convoitises faisant prendre des risques démesurés aux passeurs et à leurs passagers. A l’image de l’un de ces deux passeurs, âgé de seulement 20 ans, et qui a perdu ses deux parents dans un naufrage de kwassa il y a quelques années. « Selon l’enquête vous avez perdu vos parents dans une tentative de traversée en kwassa entre les Comores et Mayotte… Vous faîtes courir le même risque à d’autres parents ? s’interroge le président du tribunal. En plus c’est la première fois que vous preniez la mer seul. Vous risquez pour ces faits une peine de 10 ans de prison. – Je n’ai pas réfléchi, si j’avais su je ne l’aurais pas fait. – Vous ne pouvez pas contrevenir à la loi et mettre la vie d’autres personnes en danger, insiste le président. Vous deviez être payé combien pour cette traversée ? demande un des deux assesseurs. – Deux cents euros. – Vous trouvez que cela vaut le coup ? – Non c’est vrai », répond le premier prévenu.

Le cas du deuxième passeur est un peu plus problématique, en cas de récidive légale et déjà condamné pour les mêmes faits en février 2018, il nie son implication en tant que pilote et comme souvent il y a des contradictions dans les déclarations. « Je n’ai pas piloté, j’ai juste tenu la barre pendant qu’il urinait, j’étais assis à côté de lui. – En prenant la barre même 30 secondes vous participez, lui indique le président. – Je n’avais pas compris ». Le procureur s’interroge et prend alors la parole. « Que comptiez-vous faire à Mayotte, vous avez pourtant une interdiction de séjour ? – Mes enfants sont ici, je comptais subvenir à leurs besoins. – Comment ? – En pêchant ou en faisant des boulots de manœuvre… ».

L’ancien bâtonnier du barreau de Mayotte, maître Idriss.

Le représentant du ministère public commence alors son réquisitoire : « C’est une affaire encore trop répétitive, le mode opératoire est connu et standard… Ils entretiennent par leur action un réseau de passeurs et de criminels. Une fois de plus les explications ne sont pas claires et souvent confuses ». Il a ainsi demandé 9 mois de prison pour le premier individu ainsi qu’une ITF (interdiction du territoire français) de 5 ans ; et pour le second, 30 mois de prison et une ITF définitive. L’avocat de permanence pour la défense, maître Idriss, commence sa plaidoirie et regrette que les deux dossiers n’aient pas été dissociés. « L’un est un primo délinquant, il n’a pas de casier judiciaire, il aurait dû être jugé à part. De plus, 9 mois de prison c’est beaucoup trop ! Il faut des peines conformes aux propositions du parquet proposées en CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou « plaider coupable), s’insurge l’ancien bâtonnier. Quant au second prévenu, il n’a pas été confronté aux témoins qui l’ont mis en cause et qui l’ont dénoncé, là aussi je demande une peine conforme à la situation ».

Après avoir délibéré, le tribunal a reconnu coupables des faits reprochés les deux accusés et les a condamnés pour l’un à 8 mois de prison avec une ITF de 5 ans et pour l’autre à deux ans de prison et une ITF définitive.

B.J.

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