Lutte contre les fraudes : le CODAF a multiplié par cinq ses opérations en un an

La réorganisation du CODAF autour de trois axes — lutte contre l’immigration clandestine, sécurité publique et fraude — a renforcé la coordination entre les services et accru leur capacité d’intervention. Cet effort doit désormais se traduire par des actions concrètes devant la justice.

Avec une augmentation de plus de 500 % des opérations du Comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) entre 2023 et 2025, passant de 41 à 260 interventions, le préfet François-Xavier Bieuville et le procureur de la République Guillaume Dupont, co-présidents du dispositif, ont tenu, ce lundi 1ᵉʳ décembre, une conférence de presse. Ils ont dressé le bilan annuel du CODAF et lancé un message clair aux potentiels fraudeurs :  » ne pensez pas que cela ne vous concernera pas ! « .

Plus d’opérations et plus d’efficacité grâce à une réorganisation du service

Le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville et le procureur de la République, Guillaume Dupont, co-président le CODAF. Ils en ont tiré le bilan annuel, au siège de la DEALM.

Cette hausse s’explique, selon le préfet, par sa volonté d’intensifier l’activité du dispositif depuis sa prise de fonction en février 2024, et surtout par une réorganisation visant à améliorer la coordination entre les différents services. Lors de certaines opérations, plus de huit services — de la gendarmerie à la police, en passant par l’ARS, la DETTS ou les douanes — peuvent être mobilisés conjointement pour renforcer l’efficacité des contrôles.

« Pas plus tard que ce week-end, nous avons contrôlé une activité de vente de médicaments non déclarés, mettant en danger la santé publique. Des individus en situation irrégulière ont été arrêtés et interpellés. Des conséquences fiscales et judiciaires sont prévues », souligne François-Xavier Bieuville. « Cette opération illustre parfaitement le fonctionnement du CODAF : l’ARS pour la santé publique, la DRFIP pour le volet fiscal, et l’OLTIM (Office de lutte contre le trafic illicite de migrants) et le LIC pour la lutte contre l’immigration clandestine, avec le soutien de la gendarmerie pour sécuriser l’ensemble ».

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En 2025, la CODAF a détruit 3 tonnes de marchandises dans les supermarchés, jugées non conformes. (Photo d’illustration).

Initialement créé pour détecter et mettre fin aux fraudes dans tous les secteurs économiques — des marchands de sommeil au travail clandestin, en passant par les taxis « mabawa », les vendeurs à la sauvette, la pêche et l’agriculture illégales, le BTP, la restauration ou encore les petites et grandes surfaces — le CODAF, en place depuis de nombreuses années à Mayotte, s’est depuis réorienté autour de trois axes principaux : la lutte contre l’immigration clandestine, la sécurité publique et la fraude, désormais traitées de manière coordonnée pour renforcer son efficacité.

« Nous faisons ce lien car, en réalité, les individus amenés à frauder sont souvent en situation irrégulière et à l’origine de problématiques de sécurité publique et d’ordre public », explique le préfet. « Nous avons mis en place une meilleure coordination et une politique de ciblage plus précise. Les moyens existaient déjà, mais ils n’étaient ni suffisamment coordonnés ni organisés. Il suffisait de remettre du sens ».

Des sanctions judiciaires à la hauteur des comportements

Et si le nombre d’opérations continue d’augmenter, il est essentiel que les auteurs soient sanctionnés par la justice lorsqu’une culpabilité est reconnue.

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En 2025, 18 procédures ont été lancées à l’encontre de marchands de sommeil. (Photo d’illustration).

« Sur les 260 opérations menées, la moitié ont donné lieu à des procédures simples devant la justice. Pour les autres, les infractions étant plus complexes, des investigations supplémentaires sont nécessaires avant de présenter un dossier complet aux juges en vue d’une éventuelle condamnation », explique Guillaume Dupont.

« La justice a durci les sanctions pénales dans le cadre du CODAF. Les auteurs de fraude s’exposent à de fortes amendes et à une inscription au casier judiciaire. Les sanctions doivent correspondre à la gravité des comportements, car beaucoup ne réalisent pas le danger que leurs activités représentent pour la population », ajoute le procureur. « L’idée que ‘ça n’arrivera pas à moi’ est fausse. Prenons l’exemple des marchands de sommeil : grâce aux CFE (Commissions de Fiscalité et d’Expropriation), il est possible de saisir un immeuble appartenant à un marchand de sommeil, même avant un jugement ».

Le préfet a également rappelé que le CODAF vise à préserver le tissu économique de Mayotte et à lutter contre la concurrence déloyale. « Lorsque vous ne déclarez pas vos impôts, vos travailleurs ou pratiquez des prix artificiellement bas, vous faîtes de la concurrence déloyale. Le CODAF rétablit l’équilibre et protège les entreprises qui respectent la loi. Au-delà du gain économique, il s’agit aussi de protéger le social et l’ordre public ».

Le bilan en chiffres

Les chiffres détaillés du bilan 2025.

Dans le secteur de la protection de la santé de la population, le CODAF a mis en demeure ou fermé administrativement 23 commerces alimentaires pour raisons sanitaires, détruit 3 tonnes de marchandises non conformes dans les supermarchés et 1.480 kg de produits dans les restaurants contrôlés, et saisi 366 kg de végétaux vendus à la sauvette.

Sur le volet lutte contre les facteurs d’attractivité de l’immigration clandestine, 18 procédures ont été engagées contre les marchands de sommeil, 13 hectares de cultures illégales détruits et 43 étrangers en situation irrégulière placés au Centre de Rétention Administrative (CRA).

Pour la protection du tissu économique mahorais, le dispositif a lancé 98 procédures contre les taxis clandestins — dont 85 scooters saisis — détruit 2.504 articles de contrefaçon, saisi 3.464 kg de produits issus de la pêche illégale et 295 kg de viandes d’espèces protégées, avec l’interpellation de 13 braconniers.

« Dans certains secteurs comme la pêche, les messages sont passés, mais il reste des domaines où nous devons redoubler de vigilance, notamment les marchands de sommeil, la vente à la sauvette, les cultures illégales, les fraudes sociales et agricoles, ainsi que certaines activités du BTP », a conclu François-Xavier Bieuville.

Victor Diwisch

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