Violences faites aux femmes : « la peur doit changer de camp ! »

Ce vendredi, le Conseil départemental a organisé une matinée de sensibilisation et d’échanges à l’hémicycle Younoussa Bamana. L’objectif était d'informer, de prévenir et de mieux accompagner les femmes victimes de violences, au travail comme à la maison.

La conférence a débuté avec une ouverture faite par Zamimou Ahamadi et Zouhourya Mouayad Ben qui a tenu à rappeler l’importance de la mobilisation institutionnelle pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Deux tables rondes ont ensuite suivi, avec plusieurs acteurs du domaines qui ont répondu présent au rendez-vous : L’Acfav, l’Udaf, le Conseil départemental d’accès au droit (CDAD) ou encore la PMI.

Harcèlement au travail : briser le silence

La première table ronde a porté sur le harcèlement moral au travail.

La première table ronde a porté sur le harcèlement moral au travail, un phénomène considéré comme tabou et encore trop répandu sur le territoire. Laoura Ahmed, directrice du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles à Mayotte (CIDFF), a décrit la réalité vécue par de nombreuses femmes sur leur lieu de travail. « Beaucoup de femmes se voient confier des missions qui ne correspondent pas à leur niveau, simplement parce qu’elles sont des femmes », a exprimé la Mahoraise.  Elle a également insisté sur la banalisation des violences telles que les remarques sur l’apparence, la minimisation des compétences, les tâches dévalorisantes, etc. Des situations qui génèrent anxiété, isolement et parfois départ forcé de postes aimés de la part des victimes.

Après ce constat, Zabibou Djabiri, conseillère judiciaire à l’Acfav a expliqué que les victimes ont de nombreuses options : informer la hiérarchie, contacter l’inspection du travail ou les associations spécialisées. « Quand un collectif se lève, ça a du poids », a-t-elle rappelé. L’objectif est clair, il ne faut plus laisser les victimes seules face à leurs agresseurs. Le CDAD, a quant à lui souligné que l’employeur a une responsabilité légale en matière d’harcèlement au travail. Si aucune réaction n’est prise face à des comportements problématiques, l’entreprise peut être considérée comme responsable et complice.

Zarianti Nourdine Abdallah, conseillère judiciaire victime d’harcèlement au travail.

Entre les prises de paroles, le public a également pu témoigner. Deux agents du Conseil départemental ont raconté leurs expériences et le manque de soutien administratif, dont Zarianti Nourdine Abdallah. Conseillère judiciaire depuis dix ans elle a marqué l’hémicycle lors de son discours pour partager son quotidien depuis le mois de septembre. « Je subis des insultes et du dénigrement quotidiennement, j’ai tenté de relater les faits à ma hiérarchie, mais on m’a conseillée de laisser passer », a expliqué la jeune femme. En plus de nuire à son travail, ce poids impacte aussi sa santé mentale. « Cette situation a eu de graves conséquences sur ma santé mentale et physique, nuits sans sommeil, stress, j’ai même eu des pensées suicidaires ». Même si elle est désormais suivie par un spécialiste, son rétablissement complet reste compliqué car la conseillère continue a côtoyer son harceleur tous les jours pour le travail.

Accompagner les victimes de violences intra-familiales

La Gendarmerie, via la Maison des protections des familles a pris la parole pour parler des violences faites aux jeunes et de l’inceste.

Le deuxième temps d’échange a mis l’accent sur les violences intra-familiales comme l’inceste ainsi que les violences éducatives et leurs conséquences sur la mère mais aussi les enfants. Mathilde Lozano, coordinatrice sage-femme à la PMI, a rappelé que la grossesse est une période particulièrement vulnérable. « Une femme sur six qui poursuit sa grossesse est victime de violences conjugales ». Les conséquences physiques et psychologiques peuvent être graves pour la mère et le nourrisson, soulignant l’importance d’un dépistage systématique et d’un accompagnement adapté. La Croix-Rouge quant à elle, a présenté trois axes d’action de son organisation : la prévention, la protection ainsi que l’accompagnement. « Il est essentiel de libérer la parole et de protéger les victimes », a affirmé leur représentante.

En plus des professionnels de santé et des associations, la Gendarmerie via la Maison de protections des familles a insisté sur la prévention le plus tôt possible concernant les violences faites aux jeunes . Selon leur représentante, Vanessa Cuny, ils reçoivent énormément de cas où les victimes considèrent normal le fait de recevoir des coups de la part de leurs parents. Elle a aussi expliqué que pour palier le fléau de la violence éducative mais aussi de l’inceste il faudrait non seulement éduquer les enfants mais surtout les parents.

 Sensibiliser tout au long de l’année

Stand de l’Acfav animé par Amandine Galerne animatrice en santé relationnelle et sexuelle.

L’après-midi a été consacré à des ateliers interactifs, dont un animé par Amandine Galerne, animatrice à l’Acfav. Jeux, quiz et mises en situation ont permis aux participants de mieux comprendre ce qui relève du harcèlement ou des violences sexuelles, et de réfléchir à leurs impacts. « On est là pour que les gens puissent mettre des mots sur ce qui se passe, pour qu’ils sachent reconnaître ce qui n’est pas normal tout en créant un espace d’échanges », a partagé la jeune femme.  Une exposition de toiles peintes par des femmes ayant subi des violences avait également été mise en place par l’association. Parmi les participantes : Vanella, victime de violences intra-familiales, a présenté un tableau symbolique de son parcours : « ce tableau représente ce que j’ai vécu, l’abandon de mes parents mais aussi la prière qui m’a beaucoup aidée ».

En clôture de la matinée, Zouhourya Mouayad Ben a annoncé qu’un nouvel événement serait prochainement dédié aux violences faites aux hommes. Des cas moins fréquents mais encore plus tabous sur l’île comme ailleurs.

Shanyce MATHIAS ALI

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