Fani Maoré : les signaux discrets d’un volcan toujours actif

Les instruments du REVOSIMA traquent en continu les secousses, déformations et anomalies géophysiques liées au volcanisme sous-marin, révélant en octobre 2025 un système toujours agité malgré un calme apparent en surface.

Six ans après la mise en évidence du volcan sous-marin de Fani Maoré, Mayotte vit toujours au rythme d’un phénomène géologique dont l’ampleur a surpris la communauté scientifique. Chaque mois, le Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (REVOSIMA) publie son état des lieux. Celui d’octobre 2025 décrit un mois « calme en apparence », mais traversé de signaux subtils confirmant que la structure profonde continue de bouger.

Les stations GPS disposées autour du territoire enregistrent une déformation lente et persistante. L’île s’enfonce toujours imperceptiblement tout en glissant vers l’est. Ces variations, de l’ordre de quelques millièmes de degré sur les instruments, témoignent d’un système magmatique qui poursuit sa réorganisation depuis l’évacuation massive de lave liée à l’épisode éruptif de 2018-2021. Les scientifiques parlent d’une « respiration » du sous-sol, un ajustement profond qui ne présente pas de signe de recharge brutale mais qui montre bien que le réservoir n’a pas retrouvé un état totalement stable.

Les mesures de CO₂ réalisées à Mamoudzou et Pamandzi vont dans le même sens. Elles ne montrent aucune anomalie, aucun dégagement soudain susceptible de signaler une intrusion rapide de magma. La surface reste calme, mais le volcanisme ne cesse pas pour autant.

Une activité sismique discrète mais toujours présente 

En février 2019, un sismomètre de fond de mer (OBS) est largué au-dessus du volcan sous-marin de Mayotte. Chaque mois, le REVOSIMA collecte et analyse ces données pour suivre l’activité du volcan et les mouvements subtils du sous-sol.

Le mois d’octobre a également été marqué par une activité sismique faible, très loin des essaims qui avaient secoué l’île il y a quelques années, notamment en 2018. La plupart des secousses enregistrées relèvent du bruit de fond ou de petits événements sans conséquences. Seul un séisme de magnitude significative a été détecté, au large de Madagascar, sans impacts directs sur Mayotte.

Pour autant, ce calme relatif ne doit pas être interprété comme une extinction du phénomène, rappellent les scientifiques. Les stations captent toujours des signaux à longue période, caractéristiques de mouvements lents de fluides en profondeur. « L’absence de sismicité forte n’équivaut pas à une absence d’activité volcanique », rappelle le REVOSIMA, insistant sur l’importance des signaux ténus qui, cumulés, racontent l’évolution complexe du système.

En effet, l’île vit dans un régime de sismicité diffuse, beaucoup moins spectaculaire mais riche d’informations. Elle témoigne d’un phénomène toujours en cours, inscrit dans la longue durée.

Sous l’île, les variations du champ électromagnétique racontent une autre histoire

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Samedi 15 novembre 2025, deux petites secousses ont été enregistrées près de Mamoudzou via le Réseau National de Surveillance Sismique (RENASS) : un séisme de magnitude 1,8 à 07h51 et 1,3 une minute plus tôt, rappelant que le sous-sol de Mayotte reste actif.

Au-delà des secousses et des déformations, une autre technologie scrute ce qui se trame sous Mayotte : la magnétotellurique. Cette méthode mesure les variations naturelles des champs électrique et magnétique de la Terre pour dresser une image du sous-sol. Elle permet de repérer les zones où le courant passe plus facilement.

Trois stations permanentes enregistrent ces signaux : à Moya, au Mont Combani et sur le terrain de l’aéroport de Dzaoudzi. Leur fonctionnement reste fragile, car il dépend beaucoup de l’humidité du sol, de la qualité des électrodes et du bruit électromagnétique environnant, souvent élevé à Mayotte.

En octobre, la station de Combani est tombée en panne. Cette défaillance a bloqué le traitement des données de la station de l’aéroport, qui en dépend pour fonctionner. Le REVOSIMA annonce donc ne pas pouvoir publier le bulletin magnétotellurique du mois : les informations seront rattrapées en novembre, une fois les données récupérées. Seule la station de Moya est restée pleinement opérationnelle, et ses mesures montrent un sous-sol stable, sans anomalies notables dans les modèles mensuels de résistivité.

Un volcan discret mais vivant

La surveillance volcanique s’accompagne aussi de sensibilisation et d’éducation auprès des jeunes.

À la fin du mois d’octobre, les chercheurs décrivent un volcan qui ne présente pas de danger immédiat pour la population, mais qui continue de bouger en profondeur. Les déformations restent faibles, les émissions de gaz sont stables, la sismicité est modérée et les mesures électromagnétiques ne montrent rien d’inquiétant.

Mais tout n’est pas figé. Le système évolue lentement, presque en silence, comme un moteur à bas régime. Mayotte se relève à peine du cyclone Chido, rappel que même rares, les phénomènes extrêmes existent. Le risque principal reste souterrain : un séisme majeur pourrait bouleverser l’île en un instant. La surveillance continue, jour après jour, pour suivre ce volcan discret mais actif et guider une reconstruction adaptée aux risques naturels.

Mathilde Hangard

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