Les habitants de Petite-Terre informés sur l’alimentation saine et la dénutrition

Ce lundi, au stade Alain-Poher à Labattoir, le Département de Mayotte a lancé la Semaine de la dénutrition, en partenariat avec la PMI, la Croix-Rouge et plusieurs acteurs locaux. Une matinée de stands, ateliers et dépistages a permis aux habitants de s’informer sur l’importance d’une alimentation équilibrée, pour petits et grands.

Dès l’arrivée dans le quartier Mouzdalifa, la musique et les voix des agents du Département et de Général des Services résonnent dans les rues, invitant les passants à entrer dans l’enceinte du stade. Plusieurs chapiteaux blancs sont installés, chacun animé par un professionnel prêt à répondre aux questions des habitants, à expliquer les gestes simples pour mieux se nourrir et à montrer que, même avec peu de moyens, il est possible d’équilibrer son assiette.

Sensibilisation et promotion du manger local

Islami Ali M’colo, chef du service Éducation pour la santé au Département de Mayotte.

Pour Islami Ali M’colo, chef du service Éducation pour la santé au Département, l’événement a un double objectif : sensibiliser la population et montrer qu’une alimentation saine est possible, même avec des revenus moindre. « La Semaine nationale de la dénutrition, c’est dans tous les territoires de France. Ici à Mayotte, ça a tout son sens : beaucoup de familles sont en situation de précarité, la vie est chère et l’accès à une alimentation équilibrée n’est pas évident », explique-t-il. C’est donc pour toutes ces raisons que le Département de Mayotte s’est rapproché de ses partenaires institutionnels et associatifs. Pour pouvoir mobiliser la population et encourager le “manger local”, le chef de service a aussi insisté sur le rôle de la prévention, car les maladies chroniques comme le diabète et l’hypertension sont en augmentation sur le territoire.

La roue des aliments utilisée par Santé Sud pour présenter les aliments sains.

Cette mobilisation a également pu voir le jour grâce à la présence d’associations telles que Santé Sud. Sous leur chapiteau, la médiatrice Neemat Abdou Bacar qui s’affaire autour de la fameuse “roue des aliments”. « On a trois couleurs : bleu foncé, bleu clair et rose, pour représenter les féculents, les légumes et les protéines. On explique aux gens comment composer une assiette équilibrée, et souvent, on leur montre qu’avec ce qu’ils ont déjà chez eux, ils peuvent très bien manger », détaille-t-elle. La professionnelle raconte que souvent, quand elle parle de légumes aux familles, elles répondent qu’elles n’ont pas les moyens. Alors Neemat Abdou Bacar leur montre leurs propres jardins, où poussent bananes, maniocs, brèdes et papayes. « Même la papaye verte peut servir pour des salades. Et les légumineuses, c’est comme de la viande, ça peut remplacer un plat de viande ou de poisson », ajoute-t-elle. Pour elle, sensibiliser, c’est surtout aider les foyers à prendre conscience que bien manger n’est pas forcément cher ni compliqué, qu’il suffit parfois de repenser son assiette.

En plus d’expliquer comment mieux se nourrir, Santé Sud prend aussi le temps de parler avec les enfants : « beaucoup de parents sont venus nous voir pour nous demander de parler à leurs enfants pour expliquer que les bonbons et les chips ne sont pas bons pour la santé et qu’il faut favoriser les fruits ». Enfin, l’association effectuait un travail de repérage en lien avec la PMI, grâce au périmètre brachial, codé par couleurs, qui indique si la nutrition est correcte ou si un suivi est nécessaire. Pour les enfants en jaune ou rouge, la Protection maternelle et infantile (PMI) ainsi que la Croix-Rouge prenaient le relais.

Stand d’Hibiscus Café, avec des ingrédients qui pour la majorité viennent du lycée de Coconi.

Un peu plus loin, Anliati Attoumani, fondatrice d’Hibiscus Café, a troqué sa casquette de responsable du pôle insertion du Centre communal d’action sociale de la commune pour celle de restauratrice spécialisée en fruits et légumes. Elle propose des jus faits maison, des salades de fruits et des vinaigrettes sans mayonnaise pour montrer que nous pouvons cuisiner équilibré et local. « La moitié de nos fruits viennent de Mayotte, du lycée de Coconi. On peut les manger crus, en salade, ou même les intégrer dans les sauces. L’objectif, c’est que les habitants comprennent qu’avec des produits locaux, on peut manger sainement, limiter les sauces industrielles et varier les repas », explique-t-elle.

Tout est préparé en direct, accompagné d’explication sur le bien-être de chaque aliment sur le corps. Elle a également insisté sur le fait que ce n’est pas seulement un message diététique mais aussi une manière de valoriser les producteurs locaux et de montrer qu’une alimentation saine peut rimer avec simplicité et plaisir.

Dépistage et accompagnement des enfants

La PMI et la Croix-Rouge, quant à eux, étaient sur place pour dépister les tout-petits et conseiller les parents. Les agents avaient pour mission de peser, mesurer et vérifier le périmètre brachial des enfants âgés de zéro à six ans.

Anchoura, infirmière à la Protection maternelle infantile de Labattoir, a déjà reçu deux enfants en situation de dénutrition. « Ils vont entrer dans le protocole de malnutrition et seront suivis par la PMI et la Croix-Rouge jusqu’à récupération des kilos perdus », dit-elle. Elle en a profité pour rappeler que beaucoup de mauvaises habitudes viennent de la routine. « J’ai expliqué à l’une des mamans que si l’enfant refuse les légumes, on ne peut pas chaque jour céder et faire du riz et des ailes de poulet. Il faut revenir aux légumes, proposer des fruits au goûter et arrêter les jus sucré, pareil pour les gâteaux ».

La PMI et la Croix-Rouge ont donné du lait et des compléments aux parents pour aider à la prise de poids de l’enfant.

La Croix-Rouge était justement là pour renforcer ce travail. Hilda Abdou Karim, responsable du dispositif de lutte contre la malnutrition, raconte qu’un petit en situation de dénutrition sévère a été repéré dès le début de la matinée. « Le fait qu’on soit tous là ensemble permet un dépistage rapide et une orientation immédiate », dit-elle. Son équipe accompagnera ensuite la famille, distribuera du lait spécialisé, des compléments et ira à domicile comprendre ce qui bloque la prise de poids.

Les habitants présents ont pu constater l’importance de cette démarche. Sourayat Madi, venue récupérer sa fille à l’école a saisi l’opportunité pour la faire occulter. « Aujourd’hui, on apprend que ce qu’on donne aux enfants a un vrai impact. Avant, nos grands-parents mangeaient local et vivaient bien longtemps, nous maintenant très jeunes on a des gros problèmes de santé, il faut réapprendre à bien nourrir nos enfants », a partagé la mère de famille.

Les seniors et la prévention au quotidien

Pour les personnes âgées, Général des Services et le CCAS de Labattoir étaient présents pour sensibiliser au « manger moins gras, moins salé, moins sucré », ainsi que pour montrer des gestes simples pour rester en forme. La responsable de secteur de Général des services, a expliqué leur travail du quotidien : « Nous intervenons habituellement à domicile pour l’accompagnement et l’aide, mais aujourd’hui, nous sommes ici pour montrer aux seniors comment prendre soin d’eux au quotidien, même en restant actifs à la maison ».

Instant fitness pour les seniors sur les musiques de Zily et B. Junior.

Les participants de l’atelier ont tous salué l’initiative. Parmi eux, des habitants du quartier comme Faouzia Abdallah.  « Tous les matins je fais le tour du stade six fois en marchant, je trouve que c’est bien de pouvoir rencontrer d’autres personnes de ma génération et d’apprendre des choses sur la santé », a-t-elle partagé le sourire aux lèvres. Sur la chaise d’à côté, Fatima Bacar, une abonnée des événements du Centre communal d’action sociale de Labattoir. « Bien manger, c’est important pour éviter les maladies. À notre âge, on n’a pas besoin d’attraper le diabète ou encore l’hypertension », souligne-t-elle. Quant à Batule Ali Sidi, elle a appuyé sur la dimension sociale et a demandé plus d’actions du genre expliquant que cela permet à certaines personnes âgées de pouvoir sortir et parler de mal-être qu’elles n’arrivent pas à exprimer à leur famille. « Beaucoup restent à la maison, ne bougent pas et ne rencontrent personne. Ici, on échange, on parle santé et sport, parfois y’a des vieux ils ne se sentent pas bien mais ne le disent pas à leurs enfants, mais avec ce genre d’initiative c’est plus facile de parler car on a tous les mêmes problématiques », a partagé la sexagénaire.

Pour clôturer cette matinée, un fitness a été organisé pour les séniors, mené par un coach sportif avec des exercices assis ou debout, sur des musiques de Zily et B. Junior, pour faire bouger les participants tout en gardant le sourire. D’autres rendez-vous de ce type sont déjà prévus dans plusieurs autres communes de l’île jusqu’au dimanche 23 novembre 2025, afin de continuer à sensibiliser petits et grands à Mayotte.

Shanyce MATHIAS ALI

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