C’est cette fois-ci sur la place de la République à Mamoudzou qu’a retenti le maoulida shengué. « C’est un chant d’espoir, un chant qui exorcise les peurs », nous a expliqué Zaïdou Bamana au milieu des femmes qui chantaient et dansaient, toutes vêtues du fameux salouva jaune, rouge et noir qu’arborait jadis Zéna M’déré, la plus célèbre des chatouilleuses. « Vis-à-vis de l’insécurité, l’état est absent. Nous avons le sentiment qu’il n’y a plus d’état sur le territoire. Vis-à-vis de la délinquance, la réponse judiciaire est molle, même les syndicats de police dénoncent cela ! Il n’y a plus de justice à Mayotte ! « Les délinquants s’en tirent avec de simples rappels à la loi alors que ce sont des multi-récidivistes ! », s’est indigné Zaïdou Bamana. Nous avons identifié des cibles et notre but est de les faire fermer aujourd’hui. Il s’agit du tribunal et des associations humanitaires qui favorisent la venue d’immigrés clandestins sur le territoire », a-t-il poursuivi. Le cortège s’est donc mis en mouvement direction le Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou, drapeau français flottant au vent pour rappeler l’attachement des Mahorais à la France et au statut de département tant revendiqué par le passé.
Le Tribunal avait été archi-protégé en amont par les gendarmes qui avaient entendu que « les manifestants allaient attaquer le tribunal ». Un cordon de gendarmes se tenait donc devant le bâtiment pour empêcher toute intrusion. « Nous voulons juste entrer pour discuter avec un responsable du tribunal », ont expliqué plusieurs manifestants. Devant le refus catégorique des gendarmes de les laisser entrer, la situation a dégénéré. Une trentaine de manifestants ont avancé vers les gendarmes pour créer « une marée humaine » et entrer malgré l’interdiction. Pris de peur devant ce qu’ils ont considéré comme « une attaque », les gendarmes ont chargé et aspergé les manifestants de gaz lacrymogène. « L’Etat est violent envers sa population et lâche envers les hordes de délinquants », a déclaré Anli Rigotard. « Les Mahorais sont venus pacifiquement pour réclamer leurs droits auprès d’un Etat auquel ils ont déclaré à de nombreuses reprises leur amour et voilà comment on nous reçoit ! C’est scandaleux ! », a-t-il ajouté.
Les élus « à la rescousse »
Finalement, les manifestants se sont calmés et ont eu l’idée d’appeler leurs élus « à la rescousse ». « On verra si l’Etat aura l’idée de gazer nos élus ! », ont déclaré plusieurs manifestants. Le maire de Mamoudzou, le président du conseil départemental et plusieurs autres élus sont donc arrivés pour jouer les intermédiaires. Point de gazage et une délégation d’une dizaine de personnes, élus et forces vives compris ont été autorisé à entrer dans le tribunal pour y rencontrer le procureur Yann Le Bris. « Il a été attentif à nos paroles et a accepté de faire fermer le tribunal symboliquement aujourd’hui comme nous le souhaitions », a déclaré Safina Soula à l’issue de cette réunion. Le procureur a même convié « toute personne qui le souhaite » à venir le rencontrer ce mercredi 7 février à 10h dans l’hémicycle Younoussa Bamana où il a accepté de s’expliquer sur le fonctionnement de la justice à Mayotte.
Après le tribunal, les Forces Vives ont poursuivi leur manifestation direction Cavani où se situent les association Solidarité Mayotte et M’lézi Mahorais. Ces dernières ont été cadenassées. Les Forces Vives sont ensuite rentrées chez elles, sauf une poignée d’irréductibles qui ont fait un sit-in sur le rond-point du stade, Safina Soula à leur tête. Les manifestants sont partis vers 18h, mais des réunions les attendaient encore pour décider des actions de la journée suivante. Le mouvement n’est pas près de s’éteindre !
Nora Godeau