Est-ce un hasard le fait que le navire Plastic Odyssey quitte Mayotte le même jour où commencent de nouvelles négociations concernant le traité mondial sur les plastiques ? En tous les cas à cette occasion, 350 organisations francophones issues de 40 pays et territoires se mobilisent pour faire entendre leurs voix à travers la signature d’une lettre ouverte appelant à un traité « contraignant, équitable et centré sur la réduction de la production plastique » afin de limiter la pollution à la source. « Nous voulons un monde libéré de la pollution plastique, pas un monde qui s’adapte à elle », déclare le collectif.
Une production de plastique synthétique et industriel exponentielle depuis plus de 50 ans

Dans les années 1960, la population mondiale a été multipliée par 2,5 alors que la production de plastique, quant à elle, a été multipliée par 40. Aujourd’hui, selon les données de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), la consommation globale est de 60 kg par personne et par an en moyenne dans le monde. USA : 220 kg/an/ habitant – Europe : 114 kg/ an/ habitant – Ethiopie : 1,5 kg par an/habitant. Environ 22% des plastiques finissent en déchets sauvages en pleine nature et dans l’Océan. Chaque minute, l’équivalent d’1 camion poubelle de plastique est déversé dans l’Océan (soit 15 à 18 tonnes de plastique).
Aussi, selon les projections de l’OCDE, si rien n’est fait, en 2040, le rejet de plastique dans l’environnement augmenterait de 50%. Les plastiques accumulés dans l’environnement s’élèveront à 300 millions de tonnes (Mt) rien que dans les cours d’eau et les océans. Toujours selon l’OCDE, des milliers d’additifs chimiques sont présents dans les différents types de plastique, dont plus de 4.000 ont une toxicité avérée (et parmi ces derniers seulement 4% sont interdits). De plus, d’après une étude de Nature Medicine, la quantité de microplastiques retrouvés dans nos cerveaux aurait augmenté de 50 % entre 2016 et 2024 !
Une responsabilité environnementale et sanitaire

De nombreux pays francophones ont déjà signé des déclarations ambitieuses, comme le Nice Wake Up Call, déclaration lancée à Nice lors de la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’Océan il y a quelques semaines. Aussi la lettre ouverte appelle les États à :
– Réduire la production de plastique afin de limiter la pollution à la source avec pour objectif final, la sortie progressive du plastique vierge ;
– Protéger la santé humaine, la biodiversité et l’environnement en éliminant les substances chimiques dangereuses et en évitant les substituts regrettables ;
– Assurer des financements équitables et prévisibles, notamment de la part des pays développés, des principaux producteurs et pollueurs, pour soutenir la transition, l’adaptation et la justice sociale ;
– Faciliter une transition juste pour les travailleurs, les communautés impactées, les peuples autochtones et les ramasseurs de déchets informels, en leur assurant reconnaissance, protection et pleine participation aux décisions ;
– Mettre un terme au colonialisme des déchets et l’injustice environnementale qui fait peser le poids de la pollution sur les plus marginalisés, au Sud comme au Nord ;
– Prioriser le réemploi et le remplissage, plutôt qu’un modèle basé sur le recyclage et les fausses solutions comme le recyclage et l’incinération ;
– Permettre aux États de voter à la majorité pour permettre au traité d’évoluer et être renforcé, tout en évitant que quelques pays peu ambitieux freinent la volonté commune
« Nous fabriquons déjà chaque année l’équivalent du poids total de l’humanité en plastique (460 Mt). En d’autres termes : chaque année, nous mettons au monde un « jumeau plastique » de notre espèce. Et si rien ne change, nous en produirons trois par an d’ici 2060. Ce n’est pas une crise des comportements individuels, c’est une crise systémique », alerte Jules Vagner, président d’Objectif Zéro Plastique.
« Chaque bouteille jetée aujourd’hui est une dette environnementale pour demain », ajoute Medza N’Doye, fondateur du Club de réflexion et d’action citoyenne (CRAC).