« Si je suis un organisme de formation (OF) et que je n’ai pas fait attention à la police d’écriture des documents, aux supports utilisés, aux couleurs… , une personne qui souffre de troubles dys, par exemple, ne pourra avoir accès, de façon effective, à la formation », remarque Aïda Perichon, déléguée régionale La Réunion-Mayotte de l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (AGEFIPH), venue signée, ce lundi 23 juin, une convention de partenariat avec le GIP Carif-Oref Mayotte et le FIPHFP (Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique). « Pour les OF et les centres de formation d’apprentis, proposer des formations aux personnes en situation de handicap demande un gros travail d’ingénierie », poursuit Aïda Perichon, « la convention a donc pour objectif de faciliter cette tâche en rassemblant tous les acteurs de façon structurée ».
Rendre les formations accessibles et rassembler les acteurs

« La situation est urgente, mais le problème c’est qu’à Mayotte on part de zéro pour accueillir en formation les personnes en situation de handicap », alerte Youssouf Moussa, directeur du GIP Carif-Oref Mayotte, un groupement qui à un rôle de premier accueil auprès des personnes souhaitant rejoindre une formation. « Il faut des préalables qu’on n’a pas, au niveau des infrastructures mais aussi de l’accompagnement. Aujourd’hui très peu d’organismes de formation, sur les 192 présents à Mayotte, peuvent accueillir chez eux ces personnes en situation de handicap », relève-t-il, « par exemple la plupart des OF n’ont pas de référents « handicaps » dans leur structure et il faut donc les accompagner dans tous les aspects, au niveau des outils, des infrastructures et des compétences ».
La convention signée permet de mettre en application au niveau régional la convention nationale signée entre le GIP Carif-Oref, l’AGEFIPH et le FIPHFP, et donc d’y décliner les moyens pour soutenir l’écosystème de la formation afin de mieux accueillir et accompagner les personnes en situation de handicap. Acteurs d’orientation, de formation et d’insertion, et personnes en situation de handicap, le but est que tout le monde s’y retrouve. Afin de faciliter les échanges, la convention officialise la mise en place d’une personne ressource à Mayotte dès 2026 auprès de laquelle les acteurs pourront venir chercher des informations.
Des freins persistants pour les personnes en situation de handicap

« Ce n’est pas organisé ici à Mayotte et on ne peut pas rester les bras croisés », continue Youssouf Moussa, qui reconnaît faire face à des difficultés lorsqu’une personne en situation de handicap se présente au Carif-Oref pour se renseigner sur les formations. « La difficulté c’est déjà de comprendre ce dont la personne a besoin et ensuite de lui trouver quel organisme de formation propose une formation qui lui est possible de suivre ! », explique-t-il. « Enfin il faut davantage que les personnes en situation de handicap sachent vers qui elles peuvent se tourner ! Il faut qu’on collabore avec les opérateurs d’orientation comme France Travail, la mission locale, le CRIJ, la Cité des métiers, pour que lorsqu’une personne vient ici on puisse l’orienter plus facilement ».
Si Mayotte est dans cette situation c’est que les freins sont nombreux pour les personnes en situation de handicap, à commencer par la mobilité et les infrastructures mais aussi les problématiques familiales et la méconnaissance du handicap. « A Mayotte on a un enjeu culturel du handicap et pour avancer, il faut qu’on arrive à aborder cette question en montrant les opportunités de formation et d’emploi qui existent pour ces personnes », confie Aïda Perichon. La déléguée régionale estime qu’il faut aussi utiliser l’élan de la reconstruction pour prendre en considération le handicap dans tout nouveau projet, que ce soit dans la construction des bâtiments mais aussi dans la mise en place des formations. L’objectif est de gagner les réflexes dans la prise en charge de ces personnes.
Des taux d’emploi encore faible

Sur le volet de l’emploi, en France toutes les entreprises (privées ou publiques) d’au moins 20 salariés, doivent employer au moins 6% de personnes en situation de handicap. En 2021 à Mayotte, ce taux d’emploi était inférieur à 0.7% dans le privé, pour le public cela s’élève à 2,32% en 2024. Des chiffres en dessous de la moyenne nationale mais en progression lente. Les entreprises ne respectant pas les 6% d’employés en situation de handicap doivent verser une contribution financière à l’AGEFIPH (secteur privé) ou au FIPHFP (secteur public). Des sommes qui peuvent vite devenir contraignantes pour les entreprises, et une meilleure structuration permettra de mieux guider les entreprises et de montrer pour éviter les situations de sur contribution. « Si les entreprises ne sont pas prêtes pour accueillir, elles ont quand même des opportunités de participer à la dynamique », note Aïda Perichon, « on a une entreprise adaptée sur le territoire, les entreprises peuvent s’y tourner pour répondre partiellement à leurs obligations, elles peuvent aussi prendre un apprentis en situation de handicap ».
Afin d’améliorer davantage la professionnalisation des acteurs sur le sujet du handicap, une autre convention va être signée demain entre l’AGEFIPH, le FIPHFP, France Travail, et la MDPH, et un atelier de sensibilisation est prévu à la MJC de Miréréni. L’AGEFIPH met également régulièrement en place des formations pour devenir référents handicaps et pour sensibiliser les entreprises.
Victor Diwisch