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mardi 28 janvier 2025

Mayotte absente de la 2ème Instance de Dialogue avec l’Islam à Paris

Discussions entre musulmans, protestants et catholiques
Les cadis avaient été moteur du rassemblement inter-religieux au lendemain des attentats

C’est l’étonnement chez les cadis comme en témoigne le porte-parole du Grand Cadi de Mayotte, El Mamouni Mohamed Nassur: «Houssen Amode, l’aumônier régional, nous a indiqué être à Paris pour une réunion, sans que soyons tenus informés de la teneur, nous n’avons même pas été invités.» Pour un 101ème département, à 95% musulman, c’est un peu fort.

Ils avaient pourtant assisté à la première rencontre, et avaient salué le discours de Manuel Valls qui avait par deux fois fait référence à Mayotte.

Ce 21 mars 2016, tous les représentants religieux des musulmans de France étaient réunis autour du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, et invités à participer à plusieurs ateliers. « Les Réunionnais ont parlé de Mayotte, m’a-t-on affirmé », rapporte El Mamouni Mohamed Nassur.

Le long discours de Bernard Cazeneuve résume les problématiques auquel la France doit faire face : accepter toutes les religions, toutes les communautés, en accompagnant les musulmans pour proposer une solution aux radicalisés qui tuent au nom d’un Islam.

« Baisse des actes antimusulmans »

Bernard Cazeneuve lors de sa visite à Mayotte en juin 2014
Bernard Cazeneuve lors de sa visite à Mayotte en juin 2014

Cette instance est avant tout réservée au « dialogue », comme le précise le premier ministre qui laisse donc sa place à tous, et au sein duquel le très critiqué Conseil Français du Culte Musulman « pouvait trouver une place centrale et dynamique ».

Elle aura permis depuis le mois de juin la mise en place de groupes de travail, permettant « de doubler le nombre des formations « civiles et civique » des aumôniers et des imams et de lutter contre les menaces et les agressions dont les musulmans sont l’objet (…) en baisse très sensible depuis le début de l’année 2016, avec 33 actes en janvier-février 2016 contre 196 actes en janvier-février 2015 ».

Avec un objectif, la prévention de la radicalisation. Comme le rappelle le ministre de l’Intérieur « la menace terroriste s’est considérablement transformée », passant « d’attentats du 13 novembre planifiés depuis la Syrie » à des attaques qui ont été « le fait de personnes ayant basculé sur notre sol. » Il chiffre à 2.000 le nombre de citoyens français impliqués dans les filières djihadistes.

On ne peut exclure la cause religieuse

Les religieux mahorais attentifs à l'intervention de Manuel Valls à Chirongui
Les religieux mahorais attentifs à l’intervention de Manuel Valls à Chirongui

Leurs profils sociologiques et psychologiques sont divers, détaille Bernard Cazeneuve : « Certains sont des délinquants de droit commun, d’autres sont des jeunes en situation d’échec social et de fragilité psychologique, d’autres encore, apparemment ‘sans problème’, souvent issus des classes moyennes, pensent trouver une réponse à leur
malaise identitaire dans une forme d’islam radical et violent. »

Et tout cela au nom d’un Islam, « De cette pluralité des causes, nous ne saurions déduire que la religion ne tient qu’une part marginale dans ce processus (…) à travers une lecture littéraliste dévoyée de la religion. »

En réponse, chaque préfecture dispose désormais d’une cellule de suivi et d’accompagnement des personnes radicalisées et de leur famille : « Ce sont donc 101 structures de premier niveau qui existent. » La prévention de la radicalisation dans les prisons constitue un autre objectif, ainsi que l’interdiction des sites et des vecteurs faisant l’apologie du terrorisme.

Le rôle des cadis auprès des jeunes mahorais

Pour Bernard Cazeneuve, ce sont d’abord les théologiens et les responsablesreligieux qui ont la légitimité pour opposer un contre-discours sur le plan théologique. C’est pourquoi les religieux ont proposé un « Conseil religieux » de l’islam de France, « qui aurait vocation à nourrir la réflexion sur la contextualisation de la pratique religieuse dans notre pays, ainsi qu’à élaborer un contre-discours fondé sur un argumentaire, pour lutter efficacement contre l’endoctrinement. »

Il est justement paradoxal que les cadis, imams et aumôniers de Mayotte n’aient pas été conviés, ayant été parmi les premiers à suivre un Diplôme universitaire sur « l’Islam et les valeurs de la République », et ayant un rôle fondamental auprès des jeunes qui composent la moitié de notre territoire.

Difficile de croire qu’il s’agit d’un simple oubli, « ce sont des règlements de compte », avance le porte-parole qui évoque un CRCM qui a pris ses distances avec les religieux mahorais.

Luttes intestines

Les cadis dont El Mamouni Mohamed Nassur (en blanc) lors du discours de Manuel Valls à Pororani
Les cadis de Mayotte (au centre El Mamouni Mohamed Nassur)

 Mais pas seulement, car des luttes intestines et internes à Mayotte, sont nuisibles. Une grande partie de la classe politique boycotte clairement les cadis. On a d’ailleurs pu constater l’absence des élus lors de la Journée de lutte contre l’explosion sociale, qui avait pourtant le mérite d’être pour une fois une proposition locale et de poser des problèmes cruciaux.

Mais qui prend le relai parmi les politiques pour orienter les politiques de lutte contre la délinquance, pour proposer des débats, pour partir à la rencontre de la population et réexpliquer la parentalité, redonner sa place à l’ascendance de l’adulte sur l’enfant ? Personne.

Les conseillers départementaux ont malgré tout décidé d’octroyer une Mission de cohésion sociale aux 19 cadis qui sont leurs propres agents, « mais sans en définir de contenu. »

Ils ont rendez-vous à la Direction nationale de la Cohésion sociale, le 12 avril, pour expliquer leur mission, mais se sentent bien seuls pour la définir.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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