Le moins que l’on puisse dire est qu’il se sera fait discret. Mais Naël reprend bel et bien les affaires. L’attente aura duré un peu plus de 10 ans.
Pourquoi cette absence et pourquoi revenir maintenant ?
Nous l’avons précisé plus tôt, le rappeur originaire de Pamandzi, s’est absenté plus d’une décennie. Il nous explique les circonstances de son absence, mais aussi celles de son retour : « Rapper est une passion pour moi, ce n’est pas mon gagne pain. Donc arrivé à un moment, avec le travail, la vie de famille, les enfants, on est débordés. Là, disons que j’ai réussi à trouver un peu de temps pour moi, tout en continuant à respecter mon rôle de père, notamment. Je n’en ai pas encore fini avec la scène musicale, j’ai encore des comptes à régler ! »
Débuts, un talent naturel
Qui est-il ? Faisons un petit bon dans le passé, afin d’en savoir plus sur notre interlocuteur. Naturellement doué pour la musique, Naël nous en dit davantage sur ses débuts, et notamment ses inspirations : « Vous n’allez peut-être pas me croire mais j’aime la musique grâce à Michael Jackson. J’ai littéralement été foudroyé par son talent, lui qui est certainement le plus grand artiste qu’on ait connu. C’était vraiment dès mon plus jeune âge. D’ailleurs je suis monté sur scène pour la première fois à 8 ans à l’AJP de Pamandzi. À l’époque j’étais connu comme le danseur de Michael Jackson (rires). Puis c’est à l’âge de 14 ans que j’ai découvert un nouveau style de musique, le rap. Grâce à ce dernier je pouvais faire part de mes maux, en m’exprimant avec mes propres mots. »
Rap mahorais sous des sonorités Westcoast*, un style singulier
Naël commence à rapper en 97 avec son binôme de toujours, Delsad, puis avec d’autres artistes, comme Zed Cee, entre autres. Tout comme ce dernier, il faisait partie du groupe « KLBS »*. Même s’il avait déjà ce côté « tranchant », il rappait encore en français. Il nous explique comment il s’est progressivement penché sur sa langue natale, avec quelques anecdotes croustillantes à la clé : « On est à Mayotte, quand tu rappes il ne faut pas oublier à qui tu t’adresses. Donc dans nos textes, on plaçait quelques mots en shimaoré au début, que ce soit moi ou les autres MC. En parallèle, j’aimais beaucoup les sons américains de type Westcoast. Snoop dogg tout ça, j’aimais beaucoup. Mais à cette période, la musique n’était pas aussi libre d’accès avec internet comme aujourd’hui. Je me suis dit qu’il y avait un moyen d’emmener ces vibes là d’Amérique, à base de Westcoast et de G-funk, et de les chanter intégralement en shimaoré, du début à la fin. En plus, je n’avais entendu personne avant moi le faire. Je vais vous raconter une petite anecdote qui m’a conforté dans mon choix : j’ai eu l’occasion de rencontrer l’ancien manager des ‘Psy 4 de la rime’*, à qui j’avais fait écouter un morceau assez original, où j’avais chanté en français. À la fin, il m’a sorti ‘si un jour ton album et celui de NTM* sortent en même temps dans les bacs, qu’est-ce qui pourrait me pousser à choisir le tiens?’. À ce moment j’ai compris que je devais tirer mon épingle du jeu, avoir un truc à moi. M’exprimer totalement en mahorais dans mes sons, c’était ça mon style. »
Textes trop crus ?
Le rap a toujours fait polémique, à cause des paroles souvent jugées trop crues par l’opinion publique. En s’exprimant en shimaoré, Naël a choisi de s’exposer à des critiques beaucoup plus sévères. En effet, il n’hésitait pas à employer certains mots, « tabous », pour extérioriser ses états d’âme. Il nous en raconte davantage à ce sujet : « Le rap est une manière d’extérioriser ce qu’on ressent au plus profond de soi-même, être honnête. Mais par rapport à l’éducation qu’on nous a donné, il a toujours fallu se taire par rapport à tel ou tel sujet. Mais moi je n’ai jamais eu peur de regarder les choses en face et d’aborder certains sujets sensibles, quitte à me mettre à dos quelques personnes, mécontentes. Car on le sait déjà, certaines vérités font plus mal que d’autres. Mais de toutes façons, il y a toujours eu beaucoup d’hypocrisie, surtout de la part des médias. Dites-vous qu’avec Djesh, on a été nominés en 2013 dans la catégorie ‘meilleurs artistes de la décennie’, tout en sachant que nous n’étions jamais diffusés à la radio. Ça veut dire que le public était quand-même satisfait, qu’on avait un bon retour, malgré un certain boycott de ‘l’opinion publique’. »
« Madi habi za trambwi* » et nouvel album solo
Comme annoncé, Naël prépare son retour, tout d’abord avec un morceau plus ou moins « original ». Mais après tout, ça fait partie de son nom de scène donc rien d’étonnant, si ? Il abonde : « Pour mon retour, j’ai préparé une chanson où je m’identifie à une bestiole très crainte à Mayotte, le scolopendre. Je compare l’impact de mes paroles à ses piqûres douloureuses. Mais je ne vous spoile pas plus, restez connectés comme on dit. Ensuite, j’ai aussi un album solo autobiographique, que j’ai décidé de reprendre sérieusement. Je vais m’ouvrir, parler de ma vie, de moi. »
On pourrait continuer à en parler jusqu’à demain, tellement il y a de chose à dire sur notre artiste, mais nous laissons son prochain album vous éclairer davantage. Si aucune date n’est encore évoquée, la sortie s’annonce imminente.
*Le rap « Westcoast » ou « west coast », qui signifie littéralement « côté ouest », tire bien évidemment son origine de l’ouest des États-Unis et notamment de la Californie. On en compte pas mal de rappeurs marquants comme Dr Dre, Ice Cube, Tupac ou Snoop Dogg, pour ne citer qu’eux. Ces derniers étaient souvent confrontés aux rappeurs « East coast », dans le côté est des États-Unis, comme New-York entre autres. Chez les rivaux on pouvait notamment compter Notorious B.I.G et Puff Daddy.
*KLBS était un groupe de rap local dont Naël et notamment Zed Cee faisaient partie.
*NTM et Psy 4 de la rime étaient des groupes de rap français très connus durant les années 90
*Trambwi = scolopendre en shimaoré
Houmadi Abdallah