« Trente ans, c’est une génération. C’est pourquoi je voudrais que les anciens transmettent leur vécu aux actuels collégiens qui sont plongés dans la modernité », introduisait le principal. L’ancien conseiller général de Bandraboua, Issoufi Boura, ses actuels successeurs au Département, Aynoudine Salimé et Toyfriya Anassi, le maire Soulaimana Boura, ou Ali Nizary, président de l’UDAF Mayotte, ils ont tous usé les bancs de l’établissement, aux côtés de beaucoup d’anonymes. Ils étaient revenus pour une matinée s’asseoir sagement sur les chaises.
Nathalie Costantini brisait d’ailleurs les codes du protocole pour donner aux premiers rangs en costume du « chers anciens élèves », et qui appelait les actuels collégiens à « prendre un jour notre place ». Un collège au taux important de contractuels, « mais ce n’est pas le statut qui fait l’engagement, il faut avoir confiance. »
« Etre ici en tant que maire est un honneur, et en tant qu’ancien élève, un plaisir ». Soulaimana Boura faisait parler sa mémoire : « Les difficultés de déplacement pour se rendre au collège, et pour réunir les informations nécessaires à un exposé sans internet. La plupart des écoles étaient en feuilles de cocotier ou en terre battue, sans équipement de première nécessité ».
L’angoisse de l’examen d’entrée en 6ème
Il nous expliquait son angoisse de rater l’examen d’entrée en 6ème, « Nous n’étions que deux de notre localité à l’avoir réussi », et la difficulté de poursuivre ses études, « j’avais 17 de moyenne en 3ème, mais mon professeur principal m’incitait à m’orienter vers du travail manuel. J’ai présenté un projet, mais mon grand frère s’est entêté pour que je continue mes études, et je suis parti à La Réunion. A l’époque, beaucoup qui avaient 14 de moyenne partaient en PPF*, faute d’alternative ». Aux collégiens rassemblés dans la salle commune, il lancera « allez le plus loin possible dans votre scolarité. »
C’est donc en 1987 que la signature d’une convention Etat Mayotte permet de voir naître le premier collège du nord, le 4ème de l’île après Dzaoudzi, Mamoudzou et Tsimkoura, avec un financement de 108 millions de francs, « considérable pour l’époque, et c’est d’ailleurs Bernard Pons, alors ministre des Outre-mer qui est venu l’inaugurer ».
Retour à Mayotte 30 ans après
En passant le portail d’entrée, Jean-François Vigier, le premier principal du collège, âgé maintenant de 76 ans, ne cachait pas son émotion : « C’est la première fois que je reviens à Mayotte depuis 30 ans ! Tout est magnifique, les travaux, les routes. » Il est venu depuis son lieu de retraite à Tanger, et se souvient lui aussi : « L’inauguration de ce collège reste un souvenir extraordinaire, nous l’avons monté avec les moyens du bord. L’entreprise Colas en était à ses débuts ici, et l’architecte était plutôt dépassé par l’enjeu, n’ayant pas l’habitude de concevoir de tel bâtiment. » Un tout petit bâtiment pourtant puisqu’il n’y avait que 3 classes de 6ème et 3 de 5ème. Il accueille actuellement 1.257 élèves.
Plusieurs photos d’anciens élèves s’affichent en grand, et nos élus se retrouveraient presque en culottes courtes, « tu te souviens de celui qui mettait le bazar ? Hé bien, il est surveillant maintenant ! », plaisante-t-on dans le rangs.
Une jeune-ancienne élève sourit, « ça fait bizarre de se retrouver là ! ». Bachelière depuis l’année dernière, Hidaya est gendarme adjoint volontaire, et pompier volontaire, « après ce collège, je suis allée en Bac pro Métiers de la Sécurité en petite Terre, avec un proviseur qui se bat continuellement pour notre réussite. Nous avons tous eu notre Bac d’ailleurs dans la classe. »
Agents administratif, pompiers, comptable ou surveillants… depuis tous ont roulé leur bosse et leurs portraits affichaient leurs sourires au pied de celle qui veille depuis toujours sur le collège, la tour de l’usine sucrière.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* Classes préprofessionnelles de formation