Où en est-on concernant l’autonomie alimentaire à Mayotte ?

La semaine dernière la députée de la première circonscription de Mayotte, Estelle Youssouffa, est intervenue en tant que rapporteure en délégation aux outre-mer au sujet de l’autonomie alimentaire sur notre territoire. Sans surprise cette autonomie est loin d’être une réalité actuellement.

Estelle Youssouffa a tout d’abord rappelé les mesures prises par le Gouvernement pour alimenter Mayotte lors de la crise du Covid : « Le gouvernement a dû mettre en place un pont maritime et aérien pour importer et distribuer de la nourriture », a-t-elle indiqué. Puis elle a poursuivi en mettant en avant le potentiel agroalimentaire de Mayotte. « Une terre particulièrement fertile et disponible ; des financements européens disponibles, même si leur décaissement est souvent virtuel ; la présence d’un marché solvable ; une restauration scolaire qui représente un marché de 100.000 élèves. Pourtant, le secteur agroalimentaire peine à décoller et la tradition agricole mahoraise tend à disparaitre. Ainsi, malgré la grande jeunesse de sa population, la population agricole est vieillissante puisque les chefs d’exploitations et les co-exploitants sont principalement âgés de 50 à 75 ans » a expliqué la députée devant la délégation. Aussi, selon elle, 100 hectares agricoles supplémentaires pourraient permettre à notre île d’être autosuffisante sur le plan alimentaire.

Une immigration incontrôlée faisant pression sur les ressources agricoles

Puis l’élue du Palais Bourbon a mis en exergue le rôle de l’immigration dans les difficultés que connait Mayotte pour nourrir sa population. « Le caractère clandestin de l’immigration rend difficile pour les autorités de savoir quelle est la population sur notre île et combien de bouches il faut nourrir », a-telle déclaré. Même si l’Insee estime la population Mahoraise aux alentours de 310.000 habitants au 1er janvier 2023, Estelle Yousssouffa se base sur les naissances, les importations de riz et la consommation en eau comme « indicateurs objectifs ». Toujours d’après elle, ce seraient ainsi 450.000 personnes qui vivraient sur notre territoire, dont plus de la moitié seraient étrangère et largement en situation irrégulière : « Cette situation hors normes se traduit par une pression extraordinaire pour l’accès aux ressources avec des violences sur les agriculteurs (ndlr – meurtres et agressions) un accaparement des terres agricoles pour construire des villages clandestins et cultiver ; et le vol des récoltes qui alimentent le marché parallèle ».

La députée de la première circonscription de Mayotte déplore également l’arrivée massive de clandestins de manière illégale qui transportent dans leurs bagages des produits phyto sanitaires dangereux et interdits et « représentent une clientèle consommatrice de biens alimentaires mais aussi une main d’ouvre surabondante à Mayotte engendrant une concurrence déloyale pour les agriculteurs Mahorais. Vous avez donc à Mayotte une très forte demande alimentaire avec d’un côté une production officielle bio de qualité et de l’autre des produits clandestins impropres à la consommation ».

Des fonds européens mal utilisés et mal gérés

L’élue dénonce aussi le manque d’effectifs permettant de réaliser des contrôles sanitaires et des investissements nécessaires. « Il est certain que le manque d’effectifs de la préfecture de Mayotte par rapport à des départements de taille comparable ne favorise pas la consommation des crédits alloués. Le pôle concurrence de la préfecture de Mayotte ne compte que six fonctionnaires pour 400 000 habitants contre près d’une trentaine à La Réunion pour 800 000 habitants ». Elle condamne, par ailleurs, la mauvaise gestion et l’utilisation des fonds européens alloués à l’île au lagon : « La gestion des fonds européens à Mayotte est notoirement conflictuelle entre la Préfecture et le Conseil départemental. L’État est aux manettes depuis plusieurs années avec un bilan peu reluisant : suspension des paiements sur décision de Bruxelles suite à des manquements graves. Malheureusement, il existe un écart substantiel entre les subventions obtenues et les sommes réellement consommées. Pire, certains projets sont parfois abandonnés. Ainsi, pour l’année 2021, sur 85 millions d’euros engagés, moins de 42 millions ont réellement été payés », d’après la députée.

Renouveler la flotte de pêche mahoraise

Enfin, Estelle Youssouffa a parlé de la nécessité de réguler et régulariser la pêche : « Historiquement, le poisson a été la principale source protéinée dans l’alimentation traditionnelle à Mayotte. La pêche mahoraise pâti d’une flottille vieillissante qui gagnerait à être renouvelée.  À Mayotte, le renouvellement de la flottille de pêche est présenté comme une priorité par les acteurs économiques du secteur ainsi que les services de l’État ». À cet égard, malheureusement la France a reçu un avis défavorable de Bruxelles concernant le financement de ce renouvellement, du fait de l’absence de pouvoir produire des chiffres suffisamment fiables et des séries suffisamment longues. Laissant ainsi la place à la pêche illégale…

Ainsi, en dépit d’une fertilité exceptionnelle et un climat propice pouvant favoriser le développement d’une autonomie alimentaire, Mayotte est confrontée à des difficultés dues notamment à « des raisons structurelles et un manque de courage politique », a conclu la députée.

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