Parce que le SGAR, sous-préfet qui est en charge notamment des fonds européens, pourra en expliquer les rouages autant de fois qu’il veut, parce que les médias pourront en proposer la meilleure des vulgarisations, rien ne vaut un échange et une collaboration de tous les acteurs sur ce sujet.
C’est un des objectifs du Réseau Rural de Mayotte qui veut mettre en relation les différents acteurs pour mieux faire connaître aux élus, et à tous les acteurs privés et publics du développement des territoires, les difficultés à surmonter et les fonds auxquels ils peuvent désormais accéder. Ce mardi, il s’agissait par exemple de réfléchir sur la manière de faire émerger des projets qui vont réussir.
Managé par la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la Forêt (DAAF) de l’Etat, chargé également de la mise en œuvre du fonds agricole FEADER, il est animé à Mayotte par le lycée agricole de Coconi. « Sa particularité est de réunir des personnes qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble », nous explique Cécile Morelli, Chargée de mission au lycée agricole, « des élus, des cadres des collectivités, des agriculteurs, des représentants de syndicats, des services déconcentrés de l’Etat, se parlent et apprennent à connaître leurs contraintes. »
Déjà des difficultés avec les fonds nationaux…
Jeudi dernier, deux ateliers s’étaient tenus sur les projets européens, avec une question centrale : comment débloquer le frein essentiel des projets, le préfinancement, avant son remboursement par l’Europe ? « Nous avons évoqué les solutions comme le micro-crédit, la tontine, le financement participatif ou des coopératives, les apport de l’AFD ou les cessions de créances qui permettent à l’Europe d’avancer les fonds », rapporte Cécile Morelli.
Alors que la départementalisation n’est toujours pas effective, on demande à Mayotte de s’organiser pour bénéficier des fonds européens aux normes de consommation draconiennes.
Une preuve que quelque chose cloche dans nos consommations de fonds, même nationaux, comme le faisait remarquer une juriste : « alors que le fonds de coopération régional (FCR) existe depuis 2003, et 3,8 millions d’euros dépensés, il n’y a toujours pas de projets économiques pérennes entre les îles de la région ! »
Muter d’un esprit « fonctionnarial » à entrepreneurial
Certains projets ont malgré tout abouti : « une trentaine, comme l’envoi de médecins spécialistes des grands brûlés en Grande Comore, les stages partagés pour les étudiants des lycées agricoles respectifs, ou le travail de Tama sur la prise en charge des mineurs isolés pour les rapprocher de leurs familles en Union des Comores. »
On peut donc espérer quelques réussites avec l’Europe… Le programme de la journée se poursuivait sur les possibilités de développement régional induites par les fonds européens, qu’ils soient transfrontaliers avec l’Union des Comores (Madagascar ayant décliné) avec 12 millions d’euros de fonds européens disponibles, ou transnationaux avec l’Afrique de l’est et du sud, géré par La Réunion, « 15 dossiers ont été déposés et sont à l’instruction. »
La grande difficulté est que l’Europe demande une coopération gagnant-gagnant. Il ne s’agit donc pas d’une aide, mais d’un co-développement Mayotte-Comores, ou Mayotte-Madagascar. Avec une exigence : trouver des partenariats fiables sur la durée, « alors qu’il est difficile de faire naître un esprit entrepreneurial dans les îles voisines qui fonctionnent plutôt sur le fonctionnariat », soulignait un acteur. Autant de difficultés diagnostiquées et qu’il va être malgré tout difficile de surmonter rapidement, avec une difficulté inhérente de consommation des fonds européens.
De l’illettrisme à la lecture européenne
RITA apporte une réponse. Ce n’est pas une belle blonde, mais quand même : mis en place en 2011, les Réseaux d’Innovation et de Transfert Agricole (RITA) visent à accompagner le développement local des productions de diversification animale et végétale dans les Départements d’Outre-Mer (DOM). Ils regroupent donc l’ensemble des acteurs du dispositif Recherche-Formation-Développement et permettent de se baser sur ces interlocuteurs pour avancer.
Idem, les GAL, et il y aura 3 groupes d’Action Local qui couvriront l’ensemble du territoire de Mayotte, regroupent des communes et un partenariat public-privé dans une stratégie locale de développement définie. Le GAL sud, déjà constitué, était présent ce matin.
On le voit, des stratégies sont mises en place pour cerner les problèmes et les surmonter ensemble.
Car comme le soulignait Julie Viard, Représentante du Guichet unique à la préfecture : « Il aura fallu avant tout s’adapter aux particularités du territoire comme l’illettrisme. La mise en place des différents fonds, c’est une technique à apprendre, mais il faut avant tout s’intéresser à l’humain. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte