Dans son salon en France hexagonale, entre mails, messages WhatsApp et recherches internet, Tessy Desfontaines, 35 ans, jongle avec passion entre son quotidien de mère, son travail et son rôle de créatrice de magazine. Partie de la Guadeloupe il y’a 12 ans pour ses études, elle y est restée pour le travail et la famille.
Titulaire d’un Master en environnement et assistante en ressources humaines, son parcours n’avait rien de linéaire et ne la prédestinait pas à la création d’un magazine pour enfants. Pourtant, c’est précisément ce chemin atypique qui a façonné son projet : transmettre la richesse culturelle des territoires ultramarins à la nouvelle génération. « Quand ma fille est née, je me suis vraiment posée la question de la transmission culturelle », confie la jeune femme. Sa fille, dont les deux parents sont originaires de Guadeloupe, grandit ainsi avec une double culture.
« Petit Péyi Magazine » : découvrir les Outre-mer autrement

Fondatrice de « Petit Péyi Magazine », Tessy Desfontaines propose un ouvrage jeunesse qui explore un territoire ultramarin par numéro. « Le premier numéro était sur la Nouvelle-Calédonie, le deuxième sur la Guadeloupe et le troisième, que nous préparons actuellement, sera consacré à Mayotte et verra le jour en 2026 ! », nous a expliqué la fondatrice. L’objectif est simple : aller au-delà des cartes postales et montrer aux enfants que chaque île possède une richesse culturelle, patrimoniale et naturelle uniques. Pour cela, elle recherche des illustrateurs locaux pour chaque ouvrage afin de restituer fidèlement l’identité visuelle et culturelle de la région. Les magazines se construisent comme un portrait illustré avec des images, des jeux, des recettes et des informations adaptées aux plus petits.
Avant même la rédaction, la créatrice organise l’atelier « Mon péyi en jeux », une étape par laquelle les élèves de l’école publique de Tsararano dans la commune de Dembéni se penchent actuellement. Cette activité, à la fois pédagogique et ludique, invite les enfants à devenir de véritables reporters de leur territoire. Ils explorent l’île, répondent à des questions sur sa faune, sa flore, sa gastronomie ou ses personnalités emblématiques, et créent un portrait artistique libre et créatif de leur culture. « Ce sont des éponges, ils ont envie de découvrir et de participer. Je voulais que ce magazine soit écrit par les enfants, pour les enfants », a partagé la Guadeloupéenne. La communication avec les enseignants se fait entièrement à distance via mails, WhatsApp et supports pédagogiques.
Mayotte sous les projecteurs

Le choix de Mayotte pour la troisième édition n’est pas anodin. La jeune femme souhaite mettre en avant un territoire peu représenté dans les médias, selon elle, et encourager les enfants à s’intéresser à des cultures différentes de la leur. Après une première partie consacrée à un tour de l’île, les élèves passeront à la création de leur portrait imagé du département, identifiant par exemple une fleur, un plat, une personnalité connue et d’autres éléments en lien avec les traditions.
Tessy Desfontaines se chargera ensuite de rédiger les articles du magazine à partir de ces contributions, enrichis par ses propres recherches pour rendre le contenu accessible et ludique. La visée est double : permettre aux petits lecteurs de découvrir la biodiversité, les langues locales, tout en donnant aux enfants de Mayotte la fierté de voir leur île représentée : « même si l’île est petite, sa richesse culturelle, naturelle et patrimoniale est immense. Les enfants peuvent être fiers de ce qu’ils partagent ».
Vers de nouveaux horizons
Si le chemin de l’édition jeunesse semble passionnant, il n’est pas sans obstacles. La création d’entreprise a demandé à la jeune femme de se familiariser avec un univers qu’elle ne connaissait pas. « Au début, on découvre au fur et à mesure, on se fait aider par des entreprises et des associations spécialisées dans l’accompagnement des créateurs », nous a-t-elle confié. Elle doit également convaincre certains interlocuteurs de l’intérêt de son projet, qui dépasse largement la simple valorisation des territoires ultramarins, ce qui fait que pour l’instant, le projet est financé par ses propres moyens et par des partenaires privés.
Pour autant, les retours sont encourageants : le cas des enseignants et participants de Dembeni qui lui ont témoigné de leur enthousiasme . « Les élèves sont curieux, impliqués et fiers de participer à la création d’un magazine qui parle de chez eux, et les enseignants apprécient d’avoir un outil à la fois ludique et pédagogique, parfaitement intégré au parcours scolaire », a souligné Tessy Desfontaines. Elle, de son côté, voit chaque volet comme une découverte : « Même moi, je découvre de nouvelles choses sur chaque territoire en rédigeant ».
Et les ambitions ne s’arrêtent pas là, l’initiative pourrait bientôt être proposée dans d’autres communes et établissements de l’île, notamment en Petite-Terre, tandis que le magazine prévoit de futurs hors-séries sur des îles francophones en dehors des Outre-mer.
Shanyce MATHIAS ALI.



