Rivalités interquartiers : Les acteurs de demain dessinent de nouvelles pistes pour Mayotte

Après un an d’enquête, douze jeunes de l'île ont restitué leur recherche-action sur les rivalités interquartiers et l’entrée dans les bandes, révélant des causes profondes mêlant précarité administrative, ruptures familiales et absence d’alternatives.

Les jeunes ont lu chacun leur tour leurs recherches pendant la restitution.

Vendredi dernier, huit des douze jeunes du groupe Piyassi Ritsochindra ont présenté à la mairie de Mamoudzou le fruit de plus d’un an de travail, mené avec la prévention spécialisée Mwelewano et de l’association Apprentis d’Auteuil. L’objectif était de comprendre pourquoi les jeunes entrent dans les phénomènes de bandes à Mayotte et comment les en empêcher.  « L’idée de ce projet est née en novembre 2023, la prévention spécialisée a voulu impliquer les jeunes sur des problématiques qui les concernent : la violence juvénile, les rivalités interquartiers et les phénomènes de bandes », explique Manon Daniel, éducatrice et co-chercheuse de l’association. Selon elle, cette démarche permet de proposer des pistes de solutions concrètes et adaptées, que les politiques et associations locales peuvent mettre en œuvre. La présence de la jeunesse était aussi nécessaire pour ce travail car selon la chercheuse « Les jeunes de Mayotte ont des connaissances précieuses sur ces sujets, une volonté de participer aux changements et des idées pour y parvenir ».

Comprendre les dynamiques de la violence et des bandes

Pour répondre à leurs questions, ils ont mené un questionnaire auprès de jeunes âgés de 11 à 25 ans, et réalisé une dizaine d’entretiens sur deux secteurs du territoire : le Grand Mamoudzou ainsi que la Petite-Terre, mais aussi échangé avec des professionnels de la protection de l’enfance et de la prévention de la délinquance. Leurs conclusions mettent en évidence plusieurs facteurs : le manque de titre de séjour, un système scolaire jugé excluant et peu adapté à un public hétérogène, et des difficultés de mobilité entre les quartiers.

La bande, expliquent-ils, vient alors remplir une fonction que la famille ainsi que les institutions n’assument plus : elle offre une protection, une appartenance, une identité et une survie. Comme le résume un des jeune  lors de la restitution : « Tu dois être avec des gens, sinon tu n’es rien ». Les réseaux sociaux jouent également un rôle clé dans ce processus  à travers les clips de rap, les provocations en ligne et les diffusions d’actes de violence qui se prolongent ensuite en conflits virtuels dans la rue.

Sortir d’une bande reste possible, mais  pas aussi simple, les jeunes chercheurs expliquent que ceux qui occupent une place élevée dans la hiérarchie font face à des menaces de la part des anciens membres et à un manque d’alternatives économiques, ce qui complique leur départ. Pour les professionnels qui ont été interrogés, deux issues principales existent : assumer de nouvelles responsabilités, ou encore se lancer dans un projet professionnel concret. La spiritualité et la médiation communautaire apparaissent également comme des soutiens précieux pour commencer ce changement.

Propositions concrètes et engagement des jeunes

Visionnage du clip de rap positif  » Au Paradis »,  disponible sur la chaine Youtube d’Apprentis d’Auteuil Mayotte.

Lors du rendu de leurs recherches, le groupe a présenté plusieurs pistes concrètes pour réduire la violence et prévenir l’entrée dans les bandes. Les jeunes proposent notamment de sécuriser les trajets entre quartiers, de créer davantage d’espaces sportifs, artistiques et culturels. Ils insistent également sur le renforcement de la médiation avec les aînés et les leaders respectés tels que les imams, la régulation des clashs sur les réseaux sociaux, ainsi que la mise en place de formations, de chantiers éducatifs et de soutien scolaire. La simplification des démarches administratives pour les jeunes sans papiers figure aussi parmi leurs priorités. Pour les jeunes, cette expérience a permis d’apprendre à travailler en équipe, à mener des entretiens et à échanger avec d’autres personnes de leur âge et des professionnels. Elle a aussi renforcé leur confiance en eux et leur capacité à s’exprimer en public. « On a travaillé pendant un an, ce n’était pas facile, surtout après le cyclone Chido. Je suis fier d’avoir participé et c’est moi-même qui a décidé de le faire », partage Ourfane Houmadi, 22 ans participant à l’enquête.

La restitution s’est conclue par la diffusion d’un clip de rap, sorti il y’a deux ans sur Youtube, pour faire de la prévention spécialisée. Il est intitulé : « Au Paradis » et a été réalisé par les jeunes de l’association d’Apprentis d’Auteuil Mayotte pour porter un message positif, en se servant d’un moyen d’expression habituellement utilisé par la jeunesse pour parler d’actes de violence. Un moment d’échange avec le public a suivi, permettant d’approfondir les solutions proposées et de valoriser les pistes d’action identifiées par les jeunes eux-mêmes.

Shanyce MATHIAS ALI

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