Sous les dorures de l’Élysée, les bijoux de Mzuri Sana s’apprêtent à capter une autre lumière, celle de la reconnaissance. Ce week-end, la petite maison mahoraise représentera Mayotte à la Grande Exposition du Fabriqué en France, vitrine annuelle des savoir-faire français.
« C’est un honneur immense », confie Sylvain Arnoux, co-fondateur de la marque. « On est fier, surtout pour notre île. Cela va permettre de montrer qu’ici aussi, on fabrique, on crée, on innove à partir des traditions ».
Créée en 2019, Mzuri Sana, « la grande beauté » en shimaoré, est née d’une rencontre entre l’horloger Sylvain Arnoux, installé depuis une quinzaine d’années sur l’île, et Marcel Rinaldi, commerçant chevronné, accompagné de son épouse Maya. Ensemble, ils ont voulu unir le geste traditionnel à l’ambition contemporaine. D’abord une petite bijouterie, puis un atelier à Petite-Terre, une autre boutique à Mamoudzou, et aujourd’hui un savoir-faire qui franchit la mer pour entrer à l’Élysée.
Des fils tissés à la lumière de la patience

Dans l’atelier, l’odeur du métal chauffé se mêle au ronronnement discret des machines laser. Ici, l’or et l’argent se plient, s’enroulent, se soudent, jusqu’à devenir dentelle. « Le filigrane mahorais est un des plus fins du monde », affirme Arnoux. « On travaille sur des fils d’or et d’argent de 0,10 à 0,20 millimètre. C’est extrêmement fin ».
Le filigrane, ce tissage de fils entrelacés, demande un doigté patient, presque méditatif. Trois semaines pour une pièce, parfois davantage. « C’est un savoir ancestral transmis sur l’île depuis des générations », explique-t-il. « On a voulu le préserver, tout en le modernisant ». Grâce à des subventions européennes, Mzuri Sana s’équipe sans renier son âme : « On a acheté des machines laser, mais l’esprit reste celui de la finesse du geste ».
Après la tempête, la renaissance

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a tout balayé. L’atelier éventré, les machines noyées, les outils brisés. « La toiture s’est arrachée, l’eau est entrée partout », se souvient Sylvain. Pourtant, l’équipe a tenu bon, repartant du strict nécessaire. « Notre force, c’est de pouvoir fabriquer un bijou à partir de presque rien. C’est ce qui nous a sauvés en quelque sorte ».
La reconstruction a été lente, à l’image de leur travail : fil après fil, bijou après bijou. Aujourd’hui, l’atelier ne désemplit plus : la production s’emballe, les ventes s’envolent, et Mzuri Sana, portée par un succès inattendu, file vers un avenir plus grand qu’elle n’osait l’imaginer. La structure imagine déjà l’ouverture de nouvelles boutiques, mais surtout, veut inspirer. « À Mayotte, il existe une filière en bijouterie au lycée de Chirongui, mais peu de jeunes poursuivent cette voie, par manque de connaissances sur les débouchés, peut-être… On veut montrer que ce métier peut faire rêver ».
Sous les ors de la République, la beauté d’un geste

À l’Élysée, les visiteurs découvriront cette semaine un filigrane qui ne ressemble à aucun autre : une dentelle d’or née au cœur de l’océan Indien. Entre un ballon dirigeable du Vaucluse et une tomme de chèvre de Saint-Pierre-et-Miquelon, les bijoux mahorais diront quelque chose de rare : la beauté patiente d’un territoire souvent oublié.
« On veut faire rayonner Mayotte, son artisanat, son talent. Il y a ici un vivier de gens avec un potentiel énorme », insiste Sylvain Arnoux. Et dans cette volonté de « faire briller », il y a tout l’esprit de Mzuri Sana : une maison née du cœur et du feu, forgée dans la lumière et la persévérance, qui fera scintiller la tradition mahoraise sous les lustres du pouvoir.
Mathilde Hangard


