Le collège de Majicavo et ses élèves mobilisés contre le harcèlement scolaire

Collégiens, personnels et enseignants du collège de Majicavo ont organisé toute la semaine, du 3 au 7 novembre, des actions et des ateliers de sensibilisation afin de lutter contre le "harcèlement". Un fléau encore méconnu, alors que 35 % des jeunes y ont été confrontés en 2025, selon les chiffres de l'Observatoire de la Cybersécurité de l’Océan Indien.

À l’ouverture du collège de Majicavo, vendredi 7 novembre, Djoniza, Hania, Kaëlys et Nasra interpellent les élèves pour leur accrocher au poignet un ruban bleu, symbole de la lutte contre le harcèlement. Depuis le début de la semaine, ces collégiennes de 14 ans en classe de 3e, membres du Conseil de vie collégienne, réalisent des ateliers, des animations, des affiches et des concours de poèmes et de dessins afin d’alerter et de sensibiliser leurs camarades sur le harcèlement et les souffrances qui en découlent.

Une semaine pour que les élèves « retiennent le message »

Harcèlement, sensibilisation, lutte, collège de Majicavo, Mayotte
Les élèves ont récupéré des rubans bleus, couleur emblématique de la lutte contre le harcèlement.

« Tu sais ce qu’est le harcèlement ? », demande Kaëlys à un jeune élève avant de lui remettre le ruban bleu. « C‘est quand quelqu’un se fait frapper », répond-t-il. « Le harcèlement c’est quelque chose qui se répète. Quand on t’embête à chaque fois que tu viens au collège ça c’est du harcèlement, et la violence physique peut faire partie de cela », lui explique la collégienne, vêtue d’un tee-shirt bleu pour l’occasion.

Si la journée nationale de lutte contre le harcèlement est le 6 novembre, le collège de Majicavo a décidé cette année de dédier toute la semaine à ce combat. Lundi les élèves étaient invités à venir habillé en bleu, ils ont ensuite posé pour une photo durant la récréation munis de lettres géantes sur lesquelles étaient notées : « Stop, non au harcèlement ! ». Les jours suivants, des professeurs de l’établissement ont effectué des interventions dans les salles de classe en diffusant un court-métrage sur le sujet et en débattant avec les collégiens. Ce vendredi, certains élèves ont trempé leurs mains dans de la peinture bleue et verte pour créer une fresque anti-harcèlement et la matinée s’est conclue avec la lecture des poèmes gagnants.

« On avait envie de faire des actions toute la semaine pour que les élèves retiennent bien le message », souligne Djoniza. « Ici personne n’ose vraiment parler du harcèlement ou de ce qu’ils subissent, ils ont peur derrière que cela continue », remarque Kaëlys. L’adolescente a déjà observé plusieurs signes de harcèlement au sein de l’établissement, notamment envers une élève en situation de handicap, ou bien un jeune plus âgé qui profite de son âge pour soumettre l’autre. « Le plus souvent cela se passe par les réseaux sociaux ou les messages, il arrive qu’on t’ajoute dans un groupe (une messagerie commune) et on t’insulte ou on partage des photos de toi », indique Hania. « C’est pour cela que cette semaine est importante parce que certains ne respectent pas trop les autres. Mon petit cousin a subi du harcèlement, c’était triste. Je ne veux pas que cela affecte les autres élèves ».

Le silence, piège du harcèlement

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Des ateliers et affiches ont été organisés pour sensibiliser les élèves comme des concours de poèmes et de dessins, mais aussi une fresque de mains.

Au-delà de sensibiliser sur le harcèlement, les activités et les interventions des professeurs ont pour objectif de mettre les mots sur ces violences afin de les détecter et mieux les dénoncer. Car si les atteintes physiques sont visibles, et malheureusement connues par les élèves, le harcèlement sous toutes ses formes, dans l’établissement et en dehors, est plus difficile à concevoir et à appréhender. « Le gros piège du harcèlement, c’est le silence, les autres élèves n’osent pas parler », insiste auprès des élèves, Damien Robert, professeur d’éducation musicale. « Quand vous voyez une scène de harcèlement vous ne voulez pas la dénoncer par peur, mais il faut être courageux. Les gens que vous voyez en difficulté ils ont besoin de vous ! ».

Cette entraide est d’autant plus essentielle dans un établissement qui compte plus de 1.800 élèves. Dans une telle foule, n’importe quel espace peut devenir le lieu d’un harcèlement et pas seulement les toilettes ou les vestiaires. Même si les surveillants sont présents et vigilants, il reste difficile de tout voir.

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Yousrat Daoud, CPE de l’établissement,  aux côtés de Nasra, Djoniza, Kaëlys et Hania, élèves au sein du Conseil de vie collégienne et très impliquées durant toute la semaine.

Depuis 2023, afin de renforcer la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire, les établissements du second degré ont l’obligation de disposer d’une équipe « ressource » formée à la prise en charge des situations de harcèlement. Ils doivent également préconiser la formation « d’élèves ambassadeurs » pour servir de relais dans les salles de classe. Tous les élèves sont aussi invités à remplir au moins une fois par an un questionnaire d’auto-évaluation sur leur situation à l’école (sentiment d’appartenance, de sécurité, vécu de harcèlement…).

« Pour repérer ces situations les équipes de la vie scolaire et les enseignants quadrillent le terrain, tout comme nos élèves ambassadeurs. Toutes les sources sont bonnes à prendre », note le principal adjoint du collège, Guillaume Dupré Wekesa. « De plus, sur le nouveau questionnaire les élèves peuvent préciser leur nom à la fin, ce qui nous permettra de mieux les aider ».

35% des jeunes victimes en France

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Selon l’OCOI, 25 % des victimes de harcèlement ont eu des pensées suicidaires ou des comportements d’automutilation.

Dans son dernier communiqué daté du 6 novembre, l’Observatoire de la Cybersécurité de l’Océan Indien (OCOI) rappelle que 35 % des jeunes en France ont été confrontés à du harcèlement en 2025 contre 24 % en 2024. Il note également que 18 % des enfants ont subi du cyberharcèlement, avec un pic chez les filles au lycée et que 25 % des victimes ont eu des pensées suicidaires ou des comportements d’automutilation.

« Je fais attention au quotidien, quand je vois un élève à l’écart, parfois seul, je vais lui demander s’il va bien. C’est difficile pour eux, ils ne partagent pas leurs problèmes. J’essaye de communiquer le plus possible », confie un surveillant.

Et s’il arrive que la parole se bloque, sur le papier, les mots, eux, se dénouent, comme à travers le poème de Koudja Attoumani, élève de 5ème : « Le harcèlement, comme pluie de pierre ; Peut briser, marquer, rendre amer ; Mais même blessé, un être humain ; Peut renaître et dire : « Je suis mien » « . 

Victor Diwisch

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