Projet de loi contre la vie chère en Outre-mer : « Ce n’est pas la panacée, mais c’est un premier signal »

Alors que le projet de loi contre la vie chère en Outre-mer a été adopté par le Sénat la semaine dernière, le JdM a pu s’entretenir avec Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy et présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer.

Pendant que les députés du palais Bourbon débattaient, voire s’écharpaient la semaine passée sur le projet loi de Finances 2026 (PLF), les sénateurs du palais du Luxembourg, eux, examinaient le projet de loi contre la vie chère en Outre-mer, une des priorités de l’ancien ministre Manuel Valls.

Des avancées pour lutter contre la vie chère même si tout n’est pas parfait

La sénatrice de Saint-Barthélemy et présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, Micheline Jacques

La présidente de la délégation aux Outre-mer nous a d’abord indiqué que les sénateurs avaient supprimé l’article 1er du projet de loi. « Cet article concernait les petits commerçants…nous avons enlevé les frais d’approche dans le calcul des seuils de vente à perte pour empêcher la destruction des commerces de proximité. Nous avons également mis en place davantage de mesures de transparence concernant la comptabilité financière et voté des sanctions en cas de non déclaration ». Objectif : simplifier les procédures contre les pratiques commerciales abusives.

L’article 4 sur le déploiement du e-commerce dans les DROM a quant à lui été adopté, tout du moins sur le fond. « Cela concerne plus spécifiquement la Martinique… Il s’agit de créer une plateforme pour les petits commerçants qui sont absents de la chaîne de distribution », explique Micheline Jacques. La sénatrice de Mayotte, Salama Ramia, avait déposé un amendement pour que Mayotte soit aussi concernée par cet article 4 mais il a été « jugé irrecevable car en dehors du texte initial », poursuit la présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer. Et d’ajouter que ce dispositif n’est pas encore tout à fait ficelé. « Il faut encore l’améliorer…le Gouvernement ne voulait pas proposer un dispositif dont les contours ne sont pas encore bien définis ».

Dans le cadre du BQP, un « panier pays » va être créé afin de mettre en valeur les produits locaux à des tarifs compétitifs

Concernant le Bouclier Qualité Prix (BQP), Micheline Jacques nous a dit que de nouveaux produits vont y être intégrés, notamment ceux des services. « La téléphonie ou encore la réparation automobile vont rentrer dans le BQP. En ce qui concerne l’alimentaire, un « panier pays » va être créé afin de mettre en valeur les produits locaux à des tarifs compétitifs. Cela devrait permettre de relancer certaines filières locales », souligne-t-elle. De plus, parmi les principales mesures figurent le renforcement du pouvoir de contrôle de la DGCCRF (direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) accompagné de certains assouplissements. « Nous avons abaissé à 25% le seuil de chalandise au lieu de 50%… cela devrait permettre de voir s’il est nécessaire d’installer de nouveaux supermarchés ou pas ».

Au sujet de l’OPMR (observatoire des prix, des marges et des revenus), la sénatrice de Saint-Barthélemy nous a fait savoir que son président, qui est un magistrat, pourra « saisir et accéder à des données confidentielles afin d’avoir une meilleure visibilité ».

Accompagner le développement des territoires ultramarins

Grâce à cette loi contre la vie chère en Outre-mer, « il y aura, à court terme, une amélioration au niveau des tarifs, assure Micheline Jacques. Mais la vie chère est un problème plus large, la baisse des prix dans les supermarchés ne suffit pas, il faut trouver d’autres moyens, d’autre leviers, cela passe notamment par un accompagnement de chaque territoire ultramarin ».

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À gauche, la sénatrice, Micheline Jacques, lors de sa venue sur le territoire en mai 2024

La sénatrice plaide ainsi pour un meilleur développement économique « au sens large » et une revalorisation des salaires à la hausse. « Il faut valoriser le potentiel de chaque territoire et inciter les jeunes à rester. Il faut aussi identifier les filières dites « précieuses et de savoir-faire » à haute valeur ajoutée, lutter bien évidemment contre l’économie informelle, et accompagner les porteurs de projets et les micro entrepreneurs dans leurs déclarations administratives notamment afin qu’ils puissent bénéficier d’une protection sociale ».

Même s’il reste encore du chemin, Micheline Jacques considère que c’est « un premier signal » qui demeure positif. « Ce projet de loi est tout d’abord une marque de respect pour nos concitoyens ultramarins. On ne peut pas se plaindre… car certains élus ne voulaient pas le voter… Certes, ce n’est pas la panacée, il faut continuer à travailler, mais cela permet d’alerter les collègues parlementaires sur les difficultés dans nos Outre-mer. Il faut que l’on ait une culture « Outre-mer » dorénavant ».

Revoir les normes…

Durant l’entretien, la sénatrice a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les territoires ultramarins doivent être mieux intégrés dans leurs bassins géographiques proches, tout en fustigeant par ailleurs certaines normes, européennes notamment, qu’elle juge incohérentes avec nos territoires. « Il faut éviter les normes européennes qui ont leurs spécificités mais qui ne sont pas forcément adaptées aux territoires d’Outre-mer ».

Commission européenne,
Pour Micheline Jacques, « Il faut éviter les normes européennes qui ont leurs spécificités mais qui ne sont pas forcément adaptées aux territoires d’Outre-mer ». (photographie/Dati Bendo/Commission européenne)

Pour cela, elle nous a donné l’exemple de la crevette de Madagascar et du citron brésilien. « Ces produits doivent d’abord être envoyés en France métropolitaine, notamment à Rungis, avant d’être renvoyés à Mayotte ou en Guyane pour y être consommés ?! », s’exclame-t-elle. « Il faut revoir les dynamiques et l’aberration de certaines normes sans pour autant mettre la santé des citoyens en jeu. Il faut être vigilant ».

En outre, la sénatrice estime que la France doit soutenir davantage ces territoires auprès de l’Union européenne, notamment lors de négociations commerciales avec d’autres pays. « La France doit soutenir ses territoires ultramarins auprès de l’UE. Les RUP sont encore trop méconnues, il faut les faire connaitre ! », insiste la présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer.

Enfin, pour être déjà venue à Mayotte, Micheline Jacques a vu dans notre territoire « un potentiel énorme » et se dit « optimiste » sur la direction que prendra le 101e département, une fois ses principaux problèmes maîtrisés…, car les Mahorais sont « un peuple humain et volontaire ».

B.J.

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