Il y a deux semaines, l’association UM-Mentor soufflait sa première bougie. La fondatrice nous a partagé cette aventure avec une voix posée et calme, mais remplie de fierté et détermination. « C’est fou de se dire qu’en un an, ce projet né d’un besoin personnel est devenu une structure qui agit concrètement », confie l’entrepreneuse. En douze mois, UM-Mentor a déjà accompagné deux promotions, réuni plus d’une trentaine de mentors actifs, vingt jeunes suivis, une vingtaine d’ateliers organisés et un partenariat solide avec la Fondation Pierre Bellon.
Apprendre à se construire seule

Pourtant, le parcours de la jeune femme n’a rien d’un long fleuve tranquille. Née et ayant grandi à Nyambadao, un petit village du sud de Mayotte, elle quitte son île à seulement seize ans, un bac Sciences et Technologies du Management et de la Gestion (STMG) en poche, direction La Réunion, puis Toulouse. Là-bas, tout est nouveau : le système universitaire, les codes, la solitude. « J’ai découvert un monde où il fallait être autonome tout de suite, sans vraiment savoir comment s’y prendre. Je ne connaissais même pas les autres voies possibles, comme les BTS », raconte la mahoraise.
Sans repères, elle décroche au bout de deux mois. Commence alors une période de survie : de ses seize à vingt ans, elle enchaîne les petits boulots dans la vente, la restauration ou encore l’alimentation. « J’ai touché à tout ! J’ai commencé à coudre, coiffer, mais aussi à gérer des pages sur les réseaux sociaux… ». Mais derrière cette énergie se cachent aussi des années de précarité. « J’ai connu des périodes très dures, notamment une année où je n’avais pas de logement fixe », confie celle qui a créé UM-Mentor avec une pointe de tristesse. En 2021, Chaybia Maftaha décide de retourner sur les bancs de l’école. Elle entame alors un BTS MCO (Management commercial opérationnel) en alternance, en tant qu’assistante manager.
Mais très vite, la Mahoraise va se rendre compte que ce n’est pas la voie qu’elle a envie de suivre. « Moi je voulais créer, entreprendre et construire quelque chose à mon image ». Elle va donc se réorienter en BTS Négociation et digitalisation de la relation client (NDRC), qu’elle obtiendra en 2024. En parallèle, la jeune femme travaille dans l’accompagnement de startups à impact social et environnemental notamment dans le secteur de la DeepTech. Une expérience qu’elle juge de décisive. « C’est là que j’ai compris que j’aimais aider les autres à structurer leurs projets », partage l’entrepreneuse avec un grand sourire.
UM-Mentor, un projet né d’un besoin personnel

Petit à petit, Chaybia Maftaha commence à accompagner des entrepreneurs à son compte, dont la plupart sont d’origine mahoraise. Et puis, en 2023, un déclic : alors qu’elle cherche un mentor pour l’un de ses projets, elle se rend compte qu’il n’existe aucun dispositif pensé pour les jeunes venant des territoires ultramarins. « Je me suis dit : si moi je ressens ce manque, combien d’autres le vivent aussi ? ». C’est de ce constat qu’est née UM-Mentor. Créée en octobre 2024, UM pour “Ultramarins”, l’association propose une plateforme 100 % distancielle où les jeunes peuvent être accompagnés par des tuteurs issus des Outre-mer, participer à des ateliers et échanger dans un cadre bienveillant. « Je voulais créer un espace d’identification, un réseau où chacun peut avancer sans se sentir seul », explique la fondatrice.
Les débuts sont compliqués : « J’ai tout fait seule : la communication, les entretiens, la création des ateliers, le suivi mensuel, les interventions quand ça n’allait pas. Je travaillais souvent jusqu’à tard dans la nuit ». Mais la détermination finit par payer, le bouche-à-oreille fonctionne, les mentors s’engagent, et les étudiants rejoignent l’aventure. Parmi les souvenirs marquants, elle cite sans hésiter la clôture de la première promotion, en avril 2025. « C’était la première fois qu’on se rencontrait tous physiquement : mentors, étudiants, équipe. Voir cette énergie, ces sourires, ces échanges sincères… c’était bouleversant. Je me suis dit : voilà, j’ai créé quelque chose qui unit ».
Un an plus tard, une communauté soudée et tournée vers l’avenir

Aujourd’hui, l’association poursuit sa croissance. Des simples ateliers mensuels, UM-Mentor est passée aux “Causeries UM-Mentor” : des discussions gratuites, ouvertes à tous, autour de thèmes variés. L’objectif, à horizon 2026 : organiser ces rencontres en présentiel, renforcer les partenariats avec les associations, les écoles et les institutions, et bâtir un véritable écosystème ultramarin durable. En parallèle, la jeune femme développe son entreprise d’accompagnement entrepreneurial et souhaite y créer un volet dédié pour l’association, tout en gardant un lien fort avec son île natale. « J’aimerais y développer quelque chose. J’aimerais préparer les jeunes de Mayotte avant leur départ, les aider à comprendre le système, à construire leur projet. Mon rêve, c’est qu’aucun jeune ne parte sans bagage », dit-elle avec enthousiasme.
Quand on lui demande ce qu’il manque le plus aux jeunes des Outre-mer, elle répond sans hésiter : la confiance. « Ce n’est pas le talent ni la motivation qui manquent, c’est la confiance. On nous renvoie souvent une image d’échec, comme si c’était normal de ne pas y arriver. Mais ce n’est pas vrai ». La Mahoraise insiste aussi sur l’importance des modèles et de la représentation. « Quand on voit quelqu’un qui nous ressemble réussir, ça change tout. Ça nous donne de l’espoir, du courage. C’est tout le sens du mentorat ».
Et si Chaybia Maftaha devait livrer un dernier conseil aux jeunes Mahorais ou ultramarins qui hésitent à se lancer, ce serait celui qu’elle s’applique à elle-même : « Transforme tes obstacles en force ! ». Puis elle ajoute, « Tout ce que tu vis peut devenir une ressource. Rien n’est perdu. Et surtout, entoure-toi bien. Les bonnes personnes, c’est ce qui fait toute la différence ».
Shanyce MATHIAS ALI.


