Le chronomètre en main, Mououminou Attoumani Salim donne le top départ. Trois minutes : c’est le temps dont disposent les stagiaires pour rejoindre la victime, à près de 150 mètres du rivage, sous l’œil attentif du formateur.

« Surtout ne perdez pas de vue la victime ! », rappelle-t-il. Sur le sable, chacun s’affaire à enfiler palmes, masque et tuba, conscient que la consigne sera loin d’être facile à respecter.
Une fois dans l’eau, chaque seconde compte. Les participants nagent au plus vite, les bras fendillant les vagues. À une dizaine de mètres, ils plongent en apnée pour passer sous la victime et la prendre en charge par l’arrière, sécurisant la situation sans se mettre eux-mêmes en danger. L’exercice, bien que réalisé en formation, reproduit fidèlement les conditions d’un sauvetage en mer, exigeant précision, rapidité et sang-froid.
1km à la nage en moins de 20 minutes

Depuis lundi 20 octobre, dix sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, suivent la formation SAV 2 – Nageur Sauveteur Côtier (niveau 2), organisée par le Service Départemental d’Incendie et de Secours de Mayotte (SDIS) à Longoni. L’objectif est clair : acquérir la capacité d’intervenir rapidement en mer et sur les plages pour prévenir les noyades et porter secours aux personnes en danger. Une compétence essentielle dans un territoire qui vient tout juste d’inaugurer son premier poste de secours sur la plage de Sakouli, en juillet dernier, où le nombre de secouristes formés reste limité et où le risque de noyade demeure élevé. Dimanche dernier, le 19 octobre, un petit garçon de cinq ans a perdu la vie, victime d’une noyade sur la plage des Badamiers à Dzaoudzi.
La semaine de formation est rythmée par des exercices pratiques, mais aussi par des modules théoriques sur la sécurité en mer, l’évaluation des risques et la prévention des noyades. Pour valider leur formation lors du test final, vendredi 24, les stagiaires doivent réussir plusieurs épreuves. Outre le test de sauvetage en mer, ils doivent parcourir 1 km à la nage en moins de 20 minutes, apprendre à secourir des victimes coincées sur des rochers depuis un bateau, et effectuer des recherches dans l’eau. Chaque exercice est chronométré, supervisé et analysé par le formateur, qui corrige les gestes et donne des conseils techniques précis.

« C’est très compliqué », reconnaît Abdou Irchad, 29 ans, en revenant légèrement essoufflé sur la plage après un premier exercice, un gilet de sauvetage à la main. « On découvre les épreuves et on ne maîtrise pas encore toutes les compétences attendues. Lorsqu’on fait de l’apnée, on ne dispose pas de beaucoup de temps, il faut beaucoup d’entraînements ». Déjà titulaire de la formation de niveau 1, il compte poursuivre jusqu’au niveau 3 pour acquérir davantage de compétences et former à son tour de nouveaux nageurs sauveteurs côtiers. « Depuis que j’ai commencé, je ne fais qu’apprendre et me familiariser avec l’eau », confie le sapeur-pompier basé à la caserne de Pamandzi.
Une quarantaine de pompiers formés, un besoin d’infrastructures pour intervenir
Pour Hamza Oumar, 40 ans, sapeur-pompier volontaire, la formation est une manière d’élargir ses missions. « En tant que pompier, il faut être prêt physiquement, surtout pour secourir une victime loin de la côte », explique-t-il. « J’avais hâte de passer le niveau 2 pour pouvoir intervenir sur les côtes et les îlots autour de Mayotte. La formation nous permet d’aider davantage de personnes, au-delà des missions d’ambulance ou d’incendie. On espère que de nouvelles vocations apparaîtront, pour que les plages soient mieux protégées ».
Selon Abdou, la formation est également un moyen de renforcer la sécurité du territoire. « C’est rassurant d’être bien formé et de disposer des compétences pour intervenir rapidement, d’autant plus sur ce territoire », dit-il, « il est important d’augmenter le nombre de sapeurs-pompiers compétents ».

« Pour le moment, Mayotte comporte une quarantaine de sapeurs-pompiers formés dans le sauvetage en mer », explique Mououminou Attoumani Salim, titulaire du diplôme de niveau 3 depuis 2020. « Lorsqu’une intervention est nécessaire on regroupe l’effectif formé et on part en mission. Former c’est une bonne chose, plus on est mieux c’est ! Mais il faut aussi améliorer les moyens. Nous ne disposons que d’un seul bateau d’intervention nautique et d’une seule équipe pour assurer les interventions de garde à la caserne de Kawéni ». « Le manque d’infrastructure de mise à l’eau des bateaux pose un réel problème pour le maillage du territoire et la création de nouveaux piquets d’intervention », remarque l’encadrant, avant de lancer un nouveau binôme à l’eau.
Victor Diwisch


