À Mayotte, il est encore rare de croiser des véhicules électriques sur les routes et cela s’explique par plusieurs facteurs. Le territoire dépend presque entièrement d’une électricité produite à partir de combustibles fossiles et ne dispose que de très peu d’infrastructures adaptées. Les bornes publiques sont peu nombreuses, leur installation reste coûteuse et les temps de recharge sont longs. À cela s’ajoutent des prix d’achat de véhicules élevés et des frais logistiques importants pour leur importation. Résultat : les voitures 100 % électriques représentent moins de 2 % des ventes. Au 1er trimestre 2025, selon les données récoltées par la plateforme spécialisée dans l’automobile Oovango, la part de marché des véhicules 100 % électriques (BEV) à Mayotte était de 1,1 %, contre 4,0 % un an plus tôt.

Une baisse qui s’explique par l’attrait de la population envers les véhicules hybrides qui représentent désormais plus de la moitié des immatriculations neuves à Mayotte. Les voitures hybrides apparaissent comme un compromis adapté aux contraintes du territoire. Elles rechargent leur batterie en roulant, ce qui convient aux courtes et moyennes distances qui sont fréquentes sur l’île. Elles sont souvent moins chères à l’achat que les véhicules électriques équivalents, et plus faciles à importer à Mayotte. Enfin leur maintenance reste similaire à celle des véhicules thermiques classiques, ce qui est primordial dans un territoire où les services spécialisés pour véhicules électriques sont rares.
Pas de filières de recyclage des batteries
Mais quelles soient 100% électriques ou hybrides, ces voitures amènent sur le territoire une problématique importante : la gestion des batteries.

Les véhicules 100 % électriques utilisent de grandes batteries lithium-ion, pouvant atteindre 40 à 100 kWh. Les hybrides embarquent des batteries plus petites, de 1 à 2 kWh pour les hybrides simples et jusqu’à 20 kWh pour les hybrides rechargeables. Certaines sont en nickel-hydrure métallique (NiMH), moins inflammables, mais beaucoup de modèles récents utilisent désormais le lithium-ion.
Le sujet de la gestion des batteries se pose dans l’ensemble des Outre-mer et notamment à La Réunion, actuellement le département ultramarin avec le parc automobile le plus électrifié. Sans filière de recyclage, les batteries s’entassent déjà sur l’île Bourbon. A Mayotte, la situation est identique, le territoire ne dispose d’aucun centre de traitement ni de recyclage.
Des restrictions drastiques pour exporter les véhicules et les batteries de Mayotte
Pour évacuer les véhicules et leurs batteries, la solution de l’exportation vers d’autres territoires, dont la métropole, est plausible mais se heurte à des contraintes importantes. Depuis plusieurs accidents, dont des incendies à bord de navires en raison des batteries, des compagnies maritimes ont imposé des restrictions drastiques.

Par exemple la CMA-CMG, impose que seuls les véhicules de moins de sept ans, en bon état, n’ayant subi aucun accident, et dont les batteries sont également âgées de moins de sept ans et exemptes de défauts, peuvent être expédiés. Une lettre d’indemnisation doit être fournie par l’expéditeur ou le destinataire, garantissant notamment que le niveau de charge des batteries est adapté et que les marchandises peuvent supporter les conditions du transport maritime. Tout signe de dommage, de fuite ou de déformation de batterie entraîne un refus d’expédition. En pratique, le coût d’un tel transport dépasse souvent la valeur du véhicule d’occasion.
De plus, aucun expert habilité à Mayotte ne peut certifier l’état des batteries. Les compagnies maritimes exigent souvent une expertise indépendante, ce qui oblige à faire venir un technicien de La Réunion ou de métropole.
Au-delà de la logistique, les batteries posent un problème de sécurité. Les lithium-ion, présentes dans de nombreux hybrides récents, peuvent entrer en emballement thermique. Un incendie de batterie est extrêmement difficile à maîtriser, nécessitant de longues opérations de refroidissement ou des produits spécialisés, souvent indisponibles localement.
Des déchets dangereux pour l’environnement et la santé
Aujourd’hui, les batteries en fin de vie sont encore peu nombreuses à Mayotte, mais d’ici quelques années, leur volume augmentera fortement avec le vieillissement du parc hybride. Faute d’anticipation, l’île risque de se retrouver avec un stock croissant de batteries usagées, dangereuses à stocker et coûteuses à exporter.

Un dépôt de batteries électriques non traitées représente un danger majeur pour l’environnement et la santé humaine. Les métaux lourds et solvants qu’elles contiennent peuvent polluer durablement les sols et les nappes phréatiques, tandis que les risques d’incendie ou d’explosion dégagent des fumées hautement toxiques. Pour l’homme, l’exposition à ces substances entraîne brûlures, intoxications et maladies chroniques, en particulier pour les populations vivant à proximité.
Pour rappel, en juin 2022, le Parlement européen a voté la fin de la vente de voitures neuves à moteur thermique : essence, diesel et hybrides, à partir de 2035. L’objectif est de réduire de 55 % les émissions de CO₂ du secteur automobile d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Concrètement, seules les voitures zéro émission, comme les électriques ou à hydrogène, pourront être mises sur le marché après 2035.
L’enjeu pour Mayotte est double : le territoire doit rattraper son retard en infrastructures et en énergies renouvelables afin que la transition imposée au niveau européen ne se traduise pas par une inégalité d’accès à la mobilité des Mahorais. Mais il doit aussi anticiper la mise en place d’une filière locale de traitement et de gestion des batteries, pour éviter que la réponse au défi climatique ne se transforme demain en nouveau problème de santé publique.
Victor Diwisch