Depuis bientôt un an, le virus du chikungunya connaît une résurgence préoccupante à l’échelle mondiale. Dans un point de presse tenu à Genève le 22 juillet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a averti d’une dynamique épidémique rappelant celle observée en 2004-2005 dans l’océan Indien. Cette année-là, près d’un demi-million de personnes avaient été infectées. En 2025, l’inquiétude est d’autant plus grande que le virus circule désormais activement dans des zones où il était jusqu’ici peu ou pas présent, y compris en Europe. À l’échelle mondiale, plus de cinq milliards de personnes sont désormais considérées à risque.
Mayotte et La Réunion face au retour massif du virus
C’est dans l’océan Indien que la dynamique épidémique a redémarré. À La Réunion, les premiers cas autochtones sont apparus à la fin de l’été 2024, dans la commune de Saint-Paul. En l’espace de quelques mois, l’épidémie s’est étendue à toute l’île, atteignant un pic mi-mars 2025, avec plus de 4.000 cas recensés par semaine.

Depuis le début de l’année, Santé publique France dénombre 54.490 cas confirmés, 2.861 passages aux urgences, 579 hospitalisations et 28 décès. Si la circulation virale a depuis ralenti, la transmission autochtone se maintient avec 24 cas confirmés la semaine dernière sans nouveau passage aux urgences. Face à cette situation, l’Agence régionale de santé a adapté sa réponse en abaissant le niveau d’alerte, tout en poursuivant les actions de prévention. Ce retour massif du chikungunya intervient près de vingt ans après la grande épidémie de 2005–2006, qui avait infecté environ 300.000 personnes sur l’île.
À Mayotte, le chikungunya circule activement depuis plusieurs mois. L’île est passée en phase épidémique le 27 mai dernier. Entre mars et début juillet, plus de 1.000 cas confirmés ont été recensés, selon Santé publique France. Si les foyers historiques comme Mamoudzou ou Pamandzi restent surveillés, l’épidémie s’étend désormais à d’autres communes, jusque-là peu touchées.
Les autorités sanitaires redoutent une sous-estimation de la situation, en raison d’un faible recours aux tests et à la médecine de ville. « Dans les territoires peu immunisés, le virus peut infecter jusqu’à trois quarts de la population », rappelle l’OMS, évoquant le précédent réunionnais de 2005. En parallèle, 26 cas de dengue ont été recensés depuis janvier. Face à cette circulation virale intense, les opérations de démoustication ont été renforcées.
L’Europe concernée, la France en alerte face à la progression du moustique tigre
Longtemps considéré comme un virus tropical, le chikungunya circule désormais activement en Europe. En France métropolitaine, plus de 860 cas importés ont été détectés entre mai et fin juillet 2025. Plus notable encore, 19 foyers de transmission locale ont été confirmés, répartis dans des départements variés comme les Landes, les Bouches-du-Rhône, la Corse, ou encore le Bas-Rhin. Au total, 55 cas autochtones ont été recensés, un niveau sans précédent qui témoigne d’une implantation inquiétante du virus. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ces signaux sont alarmants : « L’histoire se répète », avertit Diana Rojas Alvarez, cheffe d’équipe sur les arbovirus. « Le chikungunya, autrefois limité aux zones tropicales, gagne du terrain et s’installe dans des régions jusque-là épargnées. La vigilance et la préparation sont désormais cruciales pour éviter une épidémie majeure en Europe ».

La progression du moustique tigre en métropole, vecteur principal du virus, s’accompagne d’un risque structurel : ce moustique est désormais implanté dans plus de 70 départements français. Par ailleurs, les épisodes de chaleur et d’humidité, devenus plus fréquents et prolongés avec le changement climatique, favorisent son expansion et la transmission du virus. Face à cette menace, la prévention demeure le principal rempart. Deux vaccins, Ixchiq et Vimkunya, ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européen, mais leur usage reste limité à certaines tranches d’âge et groupes à risque, laissant une large partie de la population sans protection vaccinale.
Au niveau mondial, la situation est tout aussi préoccupante. Le chikungunya est désormais présent dans 119 pays, exposant 5,6 milliards de personnes à ce virus. L’Afrique de l’Est et l’Asie du Sud sont particulièrement touchées, avec une hausse des cas signalée au Kenya, à Madagascar ou en Somalie. Concernant la situation en Europe, l’OMS a exprimé des inquiétudes face à l’augmentation des cas importés et à la transmission locale détectée en France, avec des cas suspects également en Italie. Ce virus, longtemps cantonné à certaines régions tropicales, s’impose désormais comme une menace épidémique globale.
Mathilde Hangard