La stratégie de l’État pour sortir Mayotte de la crise de l’eau d’ici 2027

Face à une pénurie chronique, l’État engage un plan quinquennal pour garantir un accès équitable à l’eau potable et à l’assainissement.

Mayotte, 101ème département français d’outre-mer, vit depuis 2017 dans une crise de l’eau permanente. Les tours d’eau imposés — jusqu’à cinq jours par semaine sans distribution en 2023 — symbolisent les profondes inégalités d’accès à ce bien pourtant vital. La stratégie quinquennale 2026-2031 de l’État, qui vise l’égalité des droits pour les Mahorais, entend y mettre un terme. « Disposer d’eau potable en quantité suffisante pour l’ensemble de la population (…) et d’un système d’assainissement performant » constitue l’un des objectifs prioritaires du Plan eau Mayotte.

Une infrastructure dépassée par une démographie galopante

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À Mayotte, où près de 30 % de la population n’a pas accès à l’eau potable, les bornes-fontaines et rampes d’eau installées pour pallier l’absence de raccordement ne couvrent qu’environ 2 % de la consommation totale des habitants.

Le réseau d’eau potable de Mayotte est l’un des plus récents de France. Développé depuis les années 1980, il a été conçu pour 150.000 habitants. Aujourd’hui, le territoire en compte plus de 320.000, avec une croissance de la demande estimée à 4 % par an. Cette pression démographique a de lourdes conséquences : « 30 % de la population ne dispose pas de l’eau courante ». Pourtant, la consommation moyenne d’eau par habitant n’est que de 80 à 90 litres par jour, soit la moitié de la moyenne nationale.

Depuis 2017, l’île vit sous un régime permanent de coupures. La crise aiguë de 2023 a particulièrement marqué les esprits. Le syndicat unique Les Eaux de Mayotte (LEMA), chargé de la production et distribution d’eau, assure le service pour environ 52.000 abonnés. Mais il reste contraint par des capacités de stockage et de traitement nettement insuffisantes.

Une réponse structurée sur trois phases jusqu’en 2031

La stratégie quinquennale prévoit trois phases d’intervention. Dès 2025-2026, l’État souhaite « consolider les financements du Plan eau de Mayotte » et entamer des travaux de grande ampleur : construction de l’usine de dessalement d’Ironi Bé, mise en service de nouvelles stations d’épuration (STEP) à Koungou et dans le Centre de l’île, poursuite du système d’assainissement à Mamoudzou Sud, et développement de l’assainissement non collectif (ANC).

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De nombreuses associations et ONG, jugent nécessaire de penser à une extension de la distribution de l’eau pour garantir un accès à la ressource à l’ensemble des habitants de l’île.

L’année 2027 est présentée comme une échéance décisive avec la « mise en service de l’usine de dessalement d’Ironi Bé » et le début des travaux sur la troisième retenue collinaire, équipement présenté comme « stratégique » pour garantir l’accès à une ressource stable. Le lancement d’une STEP en Petite-Terre est également prévu.

Enfin, entre 2028 et 2031, la stratégie vise la généralisation du traitement des eaux usées, la réhabilitation des installations existantes, et la création d’infrastructures structurantes comme la plateforme de stockage des boues ou les nouvelles stations de Tsingoni, Chirongui et M’Tsamboro.

Une gouvernance renforcée et des arbitrages à venir

Pour piloter cet effort, le syndicat Les Eaux de Mayotte (LEMA) bénéficie du soutien technique de la DEALM et du CEREMA, ainsi que de l’expertise d’Yves Kocher, spécialiste de l’eau auprès du préfet, que nous avions interrogé le 20 mai dernier. Il nous avait alors détaillé les réponses techniques envisagées par l’État, à court, moyen et long terme, pour faire face à la crise de l’eau dans le département.

Avec la future usine d’Ironi Bé, Mayotte deviendra le seul département français à disposer de deux unités de dessalement sur son territoire — une situation paradoxale, alors que celle déjà en service à Petite-Terre, censée garantir son autonomie en eau, ne parvient toujours pas à éviter les coupures.

En matière de qualité sanitaire, le contrôle de l’eau reste assuré par l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte. Un Office de l’eau a par ailleurs été créé en 2024. Le Comité de suivi de la ressource en eau (CSRE) réunit désormais élus, opérateurs publics et représentants de la société civile.

Plusieurs conditions de réussite ont été identifiées : poursuivre l’appui à la maîtrise d’ouvrage du LEMA par l’État et ses opérateurs, normaliser les relations avec les usagers — notamment sur le paiement des factures — et connecter les projets liés à l’eau avec la production et la distribution d’électricité.

L’objectif est clair : mettre fin aux tours d’eau d’ici 2027. Encore faut-il que cette ambition se traduise en résultats concrets, dans un territoire soumis à une pression démographique, sociale et environnementale sans équivalent en France.

Mathilde Hangard

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