Après avoir exercé la majeure partie de sa carrière dans la Nord de la France dans les juridictions de Douai, Boulogne, ou encore Lille, mais aussi à Compiègne (son dernier poste avant sa venue à Mayotte), Guillaume Dupont nous explique les raisons pour lesquelles il a rejoint le parquet. « Je suis rentré dans la magistrature en 2002… Ce que j’aime en tant que procureur c’est l’action publique, la gestion de l’urgence, l’adrénaline. De plus requérir lors d’une audience m’a toujours attiré. Vous représentez la société, c’est une symbolique forte, sans compter que vous devez expliquer, argumenter devant le tribunal, et ça c’est exceptionnel ».

Aussi, c’est avec un certain enthousiasme que Guillaume Dupont a décidé de poser ses valises sur l’île au lagon. « J’ai choisi Mayotte par choix. C’est un territoire que je ne connaissais pas et j’ai toujours été intéressé par une expérience en Outre-mer », nous a-t-il dit. Et le passage du cyclone Chido, en décembre dernier, n’a fait que conforté son choix pour venir exercer la fonction de procureur de la République dans le 101e département. « Chido a renforcé ma conviction de venir à Mayotte. C’est un territoire en souffrance…il faut retrousser ses manches pour répondre aux défis judiciaires après le passage du cyclone. C’est l’intérêt général qui a guidé mon choix pour Mayotte », ajoute le nouveau procureur.
La délinquance en col blanc et celle des mineurs : deux priorités absolues
« La délinquance en col blanc et celle des mineurs sont pour l’instant mes deux priorités. Concernant la corruption des élus, je serai sur la même ligne en matière de politique pénale que mon prédécesseur, Yann Le Bris. J’appliquerai la fermeté. Dès que la ligne rouge sera franchie, il y aura une intervention du parquet ».
Le procureur de Mamoudzou a aussi comme autre cheval de bataille la délinquance juvénile avec laquelle il compte appliquer de la pédagogie mais surtout de la fermeté. « Je suis là depuis 3 mois…dans la plupart des cas de barrages ou de caillassages ce sont des mineurs âgés entre 13 et 17 ans qui sont impliqués. D’autres ont des couteaux sur eux pour aller à l’école !? Il faut agir, instaurer une prise de conscience sur leur comportement, sur les choix qu’ils font car on n’a pas à avoir un couteau sur soi en allant à l’école. Il faut être pédagogue mais aussi ferme », insiste le magistrat.

Pour cela, il a décidé d’aller un peu plus loin en adaptant la loi et en mettant en place des outils supplémentaires, comme la convocation notamment. Ainsi les mineurs délinquants sont placés en garde à vue durant 24h. Ils arrivent ensuite menottés au tribunal, entourés de forces de l’ordre, pour rencontrer le procureur, et les parents sont convoqués. « Cela a pour effet des les impressionner… pour l’instant sur 16 mineurs qui ont été déférés devant la justice pour des cas de flagrance depuis le 13 juin, aucun d’entre eux n’est rentré en récidive. De plus, je leur demande de me ramener une lettre écrite dans un commissariat ou une gendarmerie dans laquelle ils s’engagent à ne plus recommencer ».
A travers ce dispositif Guillaume Dupont veut leur faire comprendre qu’en cas d’inscription d’actes de délinquance dans leur casier judiciaire cela leur fermera des portes pour leur avenir. « Je leur demande ce qu’ils veulent faire plus tard et je leur montre un casier judiciaire… je leur dit ensuite que s’ils sont poursuivis et condamnés par la justice, ils ne pourront pas accéder à certains métiers ou certaines fonctions. Ça les marque ! », assure le procureur.
Les autres chantiers…
Guillaume Dupont souhaite par ailleurs renforcer l’accompagnement des victimes en menant un travail pédagogique. « Nous devons accompagner immédiatement les victimes, dès que les faits ont été commis, afin des les rassurer et qu’elles n’aient pas peur de possibles représailles ». Interrogé sur la surpopulation carcérale à la prison de Majicavo, le procureur n’élude pas le problème et assume même le fait que cela puisse influencer son réquisitoire.

« S’il y a une surpopulation carcérale c’est bien la preuve que la justice n’est pas laxiste et qu’elle fait son travail. Ma responsabilité en tant que procureur c’est de poursuivre ceux qui commettent des infractions graves sur l’île…Pour celles qui sont davantage mineures, je reconnais que pour éviter d’augmenter la surpopulation à Majicavo j’aurais tendance à requérir un aménagement de peine comme le port d’un bracelet électronique par exemple. Mais à Mayotte c’est compliqué car tous les faits sont graves ici… », constate-t-il.
Au sujet des jurés de cour d’assises, qui sont quasi tout le temps les mêmes lors des sessions, Guillaume Dupont nous a indiqué qu’un processus était en cours afin de renouveler les jurés. « Nous avons reçu plusieurs candidatures pour être juré d’assises ces dernières semaines, nous procédons actuellement à l’enquête de moralité… ».
Enfin concernant ses impressions après 3 mois sur notre territoire, le nouveau procureur ne regrette absolument pas son choix. « C’est une île d’une grande beauté avec un lagon merveilleux. Il y a un énorme potentiel. J’ai choisi volontairement de vivre au cœur d’un village pour être en contact avec la population… les gens sont attachants, accueillants. C’est une expérience à la fois humaine et de vie extraordinaire ».
B.J.