Mayotte parle en kiboŝy : un défi culturel et identitaire
Mayotte, terre de brassage linguistique, porte dans son histoire le kiboŝy, une langue austronésienne autrefois parlée par plus de 60 % de la population en 1870. En 2025, ce chiffre a chuté jusqu’à 20 %. « C’est une première édition et nous aimerions que la population et les institutions l’entendent, qu’ils soient dans une dynamique de valorisation du kiboŝy », déclare Boinali Toibib Toumbou, le président de l’association Marovoanio initiatrice de la journée de l’expression en kiboŝy.
L’ambition est claire : faire du 7 juillet une date annuelle où « Mayotte parle en kiboŝy » mais l’enjeu ne s’arrête pas là. L’association travaille à la création d’un alphabet spécifique pour la langue, car « l’alphabet classique ne convient pas pour certaines lettres. Par exemple, en kiboŝy, le “u” n’existe pas. » Ce travail permettra aux écrivains d’écrire en kiboŝy avec une orthographe officielle, favorisant ainsi la diffusion d’ouvrages et la lecture dans cette langue.
Pourquoi le kiboŝy est-il perçu comme étranger à Mayotte ?
La marginalisation du kiboŝy ne relève pas uniquement de l’oubli culturel. Elle est aussi le reflet d’enjeux historiques et socio-économiques. « Le kiboŝy est perçu comme une langue étrangère car c’est une question de commerce et de statut social », explique le président de Marovoanio.
Autrefois, la route des sultans passait par l’Afrique, donnant au shimaoré une place dominante, institutionnelle et formelle, notamment depuis la fin des sultanats. Le kiboŝy, quant à lui, est souvent associé au bushi malgache, renforçant l’image d’une langue étrangère. Pour renverser cette perception, l’association mise sur la revitalisation de l’écriture en kiboŝy comme premier pas vers une réappropriation collective.
L’alphabet participatif, clé de la renaissance linguistique

La journée du 7 juillet sera aussi l’occasion de présenter un projet novateur : le programme de validation alphabétique participative. « Le programme va consister à aller voir la population, leur proposer l’alphabet établi avec deux listes de lettres pour déterminer laquelle sera la plus convenable. Nous allons faire des tests à travers des petits textes et on leur donnera à lire », précise Boinali Toibib Toumbou.
Au-delà de cette démarche, des ateliers mensuels sont envisagés pour l’apprentissage du kiboŝy, donnant à la population les outils nécessaires pour renouer avec cette langue patrimoniale.
Vers le kiboŝy dans les écoles et administrations ?
L’avenir du kiboŝy reste toutefois à écrire. Son intégration dans l’enseignement ou dans la sphère administrative serait envisageable. « C’est un projet à long terme qui demandera du temps car le shimaoré a déjà des difficultés. Il faudra plus d’efforts pour le kiboŝy, mais nous espérons qu’il fera partie un jour des programmes scolaires et administratifs à Mayotte », déclare le président de Marovoanio.
En attendant, Marovoanio prépare un site Internet où sera mis en ligne un dictionnaire officiel du kiboŝy, pierre fondatrice d’une renaissance linguistique ambitieuse.
Nayar Said Omar