« J’avais envie de découvrir une autre culture mais aussi de rencontrer d’autres jeunes et de sortir de ma zone de confort », explique Ofelia, 18 ans, interrogée sur ses motivations à participer au voyage en Espagne organisé par le Centre régional d’information jeunesse de Mayotte (CRIJ) et son nouveau programme du programme « Discover EU », lancé ce mardi 17 juin. « C’est important de mieux comprendre les valeurs européennes et d’échanger avec les citoyens européens. Il est nécessaire de connaître leurs histoires pour pouvoir avancer ensemble », poursuit l’étudiante en première année de licence AES à l’université de Mayotte à Dembéni. « Les rencontres avec d’autres jeunes vont favoriser les échanges de cultures et d’idées », ajoute Raymoune, 18 ans. « Découvrir un autre pays c’est se découvrir soi-même », renchérit Kadina, elle aussi 18 ans.
Autonomie et débrouillardise pour mûrir
Le 22 juin prochain elles, les trois autres jeunes sélectionnés et leur accompagnateur, Said Ali Abdillah, prendront l’avion direction Paris avant de rejoindre l’Espagne et Barcelone en train deux jours plus tard. Leur séjour en Espagne durera près de deux semaines, jusqu’au 5 juillet, et le groupe visitera Barcelone (lieu de résidence), Montserrat, Tarragone et Valence. Un programme riche créé en autonomie par les jeunes qui préparent ensemble le projet depuis plusieurs semaines. « On va visiter le Centre de culture contemporaine de Barcelone, l’amphithéâtre romain de Tarragone, la Citée des arts et des sciences de Valence ainsi que les lieux qui ont été touchés par les inondations, on va aussi prendre le funiculaire de Monsterrat pour profiter de la vue et visiter le sanctuaire », détaille Kadina. « Le fait d’organiser le voyage, de rechercher les activités, ça nous fait gagner en autonomie, ça débloque les choses, ça nous fait mûrir et grandir », note Ofelia, enthousiaste.
L’autonomie et la débrouillardise sont d’ailleurs au cœur du projet, à commencer par la barrière de la langue. Aucun des jeunes du groupe ne parle couramment l’espagnol, mais Said Ali Abdillah, référent mobilité européenne au CRIJ ne voit pas ça comme une problème, au contraire. « Ne pas connaître la langue les force à essayer de comprendre, à se concentrer, et au final, avec les technologies actuelles, on arrive à s’en sortir ».
Trouver sa voie en Europe et à Mayotte
Si la plupart des jeunes, sélectionnés par le CRIJ suite à leurs candidatures, sont étudiants, d’autres ont connu des difficultés dans leurs parcours scolaires. « On souhaite les intégrer au groupe tout au long du processus pour qu’ils soient tirés vers le haut par les autres, mais ça demande aussi un effort de leur part », relève Said Ali Abdallah.
Les jeunes Mahorais ont également préparé une vidéo de présentation de la culture, l’histoire et la richesse de Mayotte destinée aux Espagnols qu’ils vont rencontrer sur place. Un moyen pour ces derniers de découvrir l’archipel et ses traditions mais aussi de montrer que le territoire fait partie de l’Union européenne, à plus de 7.000 km de l’Espagne.
« Le projet Discover EU a pour objectif de permettre aux jeunes de 18 ans de voyager de façon illimitée dans un pays européen en train, pour aller à la rencontre des gens et de la culture », explique Said Ali Abdillah. « Suite à ces voyages, certains d’entre eux pourront, pourquoi pas, s’imaginer une carrière professionnelle ou un parcours d’études en Espagne ou un autre pays européen », continue-t-il. Les voyages ont aussi vocation à créer un déclic quant à l’apprentissage d’une langue étrangère qui est un avantage certain sur le marché du travail à Mayotte, au moment où l’archipel s’ouvre de plus en plus vers ses voisins, notamment du Canal du Mozambique.
Casser les barrières administratives et la peur du voyage
Financé à 80% par le Conseil départemental de Mayotte (52.000 euros), « Discover EU » répond à un appel à projet du dispositif Erasmus +. A Mayotte, seuls les projets du CRIJ ont été sélectionnés et en novembre dernier un groupe de jeunes a pu se rendre en Belgique dans le cadre du dispositif. Le CRIJ souhaite en faire partir un autre en juillet au Portugal, avant de réitérer les voyages l’année prochaine jusqu’en Grèce. « Il faut saisir l’opportunité de développer de tels projets de mobilité pour permettre aux jeunes de profiter de sorties positives qui peuvent les aider à trouver leurs voies », ajoute Said Ali Abdillah, qui remarque que les barrières à la création de tels projets existent encore à Mayotte.
« Les jeunes ont peur de voyager, ce n’est pas naturel et ils appréhendent également les remarques et les réactions de leurs parents », analyse le référent qui travaille au CRIJ depuis 2015. « D’autres jeunes motivés sont empêchés d’effectuer les voyages en raison d’un titre de séjour qui ne couvre pas la période de l’échange par exemple. Enfin il y a peu d’associations qui lancent ces projets car elles trouvent difficile de les rédiger et de les soumettre. L’essentiel des échanges se fait en anglais et il y a un manque d’informations sur les démarches à effectuer ».
Pour sensibiliser les prochaines générations et leur montrer les bienfaits des échanges culturels, le CRIJ demande aux jeunes participants de devenir des ambassadeurs de la mobilité européenne à travers les villages de Mayotte. « A notre retour on va organiser des rassemblements avec les jeunes de différentes communes mais aussi les élus pour montrer comment ces échanges peuvent améliorer et faire évoluer notre territoire », indique Ofelia. En attendant, elle n’a qu’une chose en tête, rejoindre Barcelone…
Victor Diwisch
