Nice, juin 2025. Dans un contexte de réchauffement climatique accéléré, d’acidification des océans et d’effondrement de la biodiversité marine, la ville azuréenne accueille deux rendez-vous diplomatiques majeurs : la 3ᵉ Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3), du 9 au 13 juin, et le Forum mondial des îles, du 8 au 10 juin. Bien que ces deux événements suivent des logiques différentes, ils dessinent ensemble les contours d’une gouvernance planétaire de l’océan, tout en révélant les tensions persistantes entre ambition écologique, souveraineté économique et vulnérabilité territoriale.
Dans les débats, Mayotte apparaît comme un terrain d’observation privilégié des contradictions actuelles : département français ultra-périphérique, territoire insulaire soumis à de fortes pressions climatiques, migratoires et sociales.
L’océan, un bien commun mondial entre ambition diplomatique et limites structurelles

Co-organisée par la France et le Costa Rica, cette conférence a rassemblé plus de 50 chefs d’État, 30 organisations internationales et des centaines de représentants de la société civile. Le président français a appelé à « une nouvelle architecture de la gouvernance maritime mondiale » avec des engagements « concrets, mesurables et vérifiables » dans le cadre de l’Agenda 2030.
Les débats ont porté sur sept thèmes clés : pollution plastique, pêche durable, résilience côtière, financement de l’économie bleue, protection de la haute mer notamment à travers le Traité sur la biodiversité en haute mer (BBNJ), entré en vigueur cette année. La France a réaffirmé son rôle de puissance maritime avec une zone économique exclusive de 11 millions de km² et son objectif de protéger « 100 % de son espace marin, dont 10 % sous protection forte d’ici 2030 ».
Des voix critiques pour une diplomatie océanique plus juste

Cependant, plusieurs ONG, dont Bloom et Wild Legal, ont souligné les limites de ces engagements. Bloom rappelle que les navires industriels de plus de 25 mètres, bien que représentant seulement 3,4 % de la flotte française, capturent près de la moitié des poissons. Cette concentration est observée ailleurs, par exemple en Allemagne où 1 % des navires capturent 83 % des poissons.
Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, dénonce « le double langage des États, qui annoncent des protections marines tout en subventionnant la pêche industrielle ». Les ONG demandent l’interdiction des subventions aux grandes flottes, la fin du chalutage profond et la reconnaissance de l’océan comme sujet de droit dans les négociations internationales. Cette revendication rejoint des propositions pour la création d’une Cour mondiale de justice environnementale, soutenue notamment par des États insulaires comme Tuvalu ou les Seychelles. Les données scientifiques montrent que 66 % de l’océan mondial est déjà significativement modifié par l’activité humaine, à travers la surpêche, la pollution chimique et le réchauffement.
Mayotte : entre vulnérabilité et souveraineté écologique

Six mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, certaines zones du lagon de Mayotte restent très abîmées. L’île, 101ᵉ département français, est aussi confrontée à des défis majeurs : pauvreté, pollution, pressions migratoires et sociales. Ces réalités rappellent que les engagements internationaux doivent s’accompagner d’actions concrètes, adaptées aux territoires. Le Forum mondial des îles, organisé en marge de l’UNOC3, rassemble décideurs, scientifiques et représentants insulaires pour encourager des réponses locales et concertées. Il vise à reconnaître la contribution spécifique des territoires insulaires à la durabilité globale.
Pour le ministre Thani Mohamed Soilihi, « il ne s’agit pas seulement de parler climat ou biodiversité, mais aussi d’économie, de culture et de gouvernance, pour un développement durable et inclusif ». Ce forum doit favoriser les rencontres, les échanges et les partenariats concrets, pour que des solutions émergent de la coopération entre îles.
Le lagon de Mayotte, encore peu touristique et d’une richesse écologique exceptionnelle, demeure un écosystème précieux à protéger. Malgré les dégâts causés par le cyclone Chido, il représente un modèle potentiel de résilience et de gestion durable des espaces marins insulaires.
Mathilde Hangard