Pourquoi le projet de piste longue ne pourra pas se faire en Petite-Terre…

Un comité de projet concernant la réalisation de la piste longue s’est tenu la semaine dernière au technopôle de Dembéni sous l’égide du préfet de Mayotte. Et selon toute vraisemblance la piste longue sera bel et bien construite du côté de Bouyouni, en Grande-Terre, en dépit du choix des élus mahorais.

Pendant près de 2 heures, Christophe Masson, délégué en charge de la piste longue de l’aéroport depuis 2019 a présenté les différentes études de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) concernant les projets de piste longue à la fois en Petite-Terre mais aussi celui en Grande-Terre. Le premier s’élève à plus de 7 milliards d’euros et le deuxième à un peu plus d’1 milliard.

7 milliards d’euros pour le projet de piste longue en Petite-Terre qui ne serait pas viable à long terme

Quand on construit un aéroport on voit sur une centaine d’années…Des études ont ainsi été faites pour voir la viabilité de ce projet à Pamandzi. En 2018, lorsque le volcan sous-marin Fani Maoré a surgi, l’aéroport s’est enfoncé de 19 centimètres et selon l’Institut de Physique du Globe de Paris l’enfoncement va se poursuivre menaçant ainsi l’aéroport en cas de vagues de submersion. Sur 100 ans les études indiquent que l’enfoncement de Mayotte devrait s’accentuer de 78 cm et avec le réchauffement climatique le niveau de la mer devrait, lui, augmenter d’environ 1,50m, soit une hausse globale de 2,28m ! « D’ici 2035, il y aura des submersions régulières ce qui provoquera nécessairement des problèmes… Ce ne sont plus des hypothèses, c’est un constat ! », insiste Christophe Masson.

Christophe Masson a présenté les différentes études faites sur les projets de la piste longue

Ainsi, si ce projet devait se faire en Petite-Terre, il faudrait surélever la partie nord de la piste de 5 mètres. « Cela nécessiterait de faire venir des matériaux de Grande-Terre, construire des infrastructures routières et portuaires supplémentaires qui occasionneraient des nuisances sonores et environnementales. Il faudrait aussi fermer l’aéroport pendant 18 mois…tout cela coûterait au bas mot 450 millions d’euros et le problème de la fragilisation des sols ne serait toujours pas réglé, et avec toujours des incertitudes sur les hypothèses concernant les séismes et les tsunamis. Nous n’aurions pas une piste résiliente… ce ne serait absolument pas viable à long terme », poursuit-il.

Toujours selon Christophe Masson, ce que l’on peut faite en attendant un autre aéroport situé en Grande-terre, c’est de renforcer régulièrement les sols. Par ailleurs, autre inconvénient de ce projet en Petite-Terre, il ne serait pas possible d’avoir une longueur de piste au-delà de 2.600 mètres. « Actuellement la piste fait 1.930 mètres, et même en l’augmentant, la capacité d’exploitation aérienne pour les avions de types A350 et A330, etc. serait de 85%… »

De plus, rien que pour le remblai de la piste et la réorganisation de l’aéroport, il y en aurait pour 1,1 milliard d’euros. Une solution a bien été étudiée mais elle est difficilement réalisable même sur le papier. Elle consisterait à construire une partie de la piste sur pilotis pour l’élever à 11 mètres de hauteur. « Ce serait un ouvrage gigantesque rien qu’en volume de béton qui serait nettement supérieur à celui de la route du Littoral située à La Réunion, à titre de comparaison », explique le délégué en charge de la piste longue. La moitié de la piste serait constituée de remblai et de digues et l’autre moitié serait posée sur une dalle elle-même installée sur pilotis enfoncés à plusieurs dizaines de mètres dans la mer. Au-delà des nombreuses infrastructures adjacentes qu’il conviendrait de construire (routes…), il faudrait fermer l’aéroport 18 mois avec l’absence de vols directs pendant 3 ans. Un chantier de 9 ans de travaux estimé à 7 milliards d’euros.

Le site de Bouyouni / M’Tsangamouji comme seule alternative?

Les études qui ont été faites ces dernières années avaient ciblé différents endroits dans l’île : au centre, au sud, à l’est et à l’ouest… Les dénivelés étant nombreux et la topographie de Mayotte étant ce qu’elle est, le site de Bouyouni présente, toujours selon les études, une solution alternative avec des contraintes, certes, mais sans communes mesures avec d’autres sites et a fortiori avec celui de Pamandzi. D’un coût total estimé à 1,2 milliard d’euros, piste longue et aéroport inclus, ce site aurait, à en croire Christophe Masson, de nombreux avantages en termes de réalisation avec notamment une piste longue de 2.730 m avec la possibilité de la rallonger si besoin. Un potentiel de développement important également avec l’accueil de plus de 1,2 million de passagers par an.

« Le site s’inscrit parfaitement dans la volonté de rééquilibrage du territoire mahorais porté par le projet de schéma d’aménagement régional et d’essor d’un territoire multipolaire en particulier sur la façade nord-ouest de Mayotte, en synergie avec le port de Longoni. Il participe ainsi au souhait de Mayotte de devenir un hub économique régional au débouché du canal du Mozambique. Par ailleurs, le site s’inscrit plus favorablement dans les orientations environnementales du projet de
SAR (préservation espaces à forte valeur environnementale, réduction de l’exposition aux risques naturels, réduction des nuisances sonores… », souligne l’étude. Ainsi, Bouyouni serait largement plus favorable pour la préservation du cadre de vie des habitants (bruit, pollution, intégration dans le paysage, patrimoine, contraintes sur l’urbanisme).

Il y aurait en outre la construction d’infrastructures essentielles avec le « rétablissement de la RN2 » et la création d’un pont en dessous pour le passage des engins de chantier et donc « pas de coupure de la route », assure Christophe Masson. En revanche, le site a un impact plus important sur les espaces agricoles, en termes de surfaces (285 hectares pour Bouyouni et 97 hectares pour le site de Pamandzi) et de potentiel agricole
 avec la majeure partie des terres considérée comme à fort potentiel. « Le jardin mahorais vivrier destiné à l’alimentation familiale étant prédominant sur les deux sites, l’impact sera prioritairement social et des mesures devront être prises dans le cadre du projet pour le compenser », a indiqué Christophe Masson. Le site de Bouyouni / M’Tsangamouji apparait donc très largement préférable au site de Pamandzi au regard des différents critères évoqués.

 

Les deux sites présentent des contraintes fortes et équivalentes sur le milieu naturel terrestre (habitats, faune et flore). Aussi, des mesures pour éviter, réduire ou compenser les impacts devront être mises en œuvre.
 Toutefois, le site de Pamandzi présente un impact significatif sur le milieu naturel marin. « Les enjeux sont forts pour la préservation de la biodiversité (tortues, dugongs, herbiers, récifs coralliens…) avec, au contraire du milieu naturel terrestre, des difficultés pour mettre en œuvre des mesures de compensation efficaces », note l’étude.

Enfin, le site actuel de Pamandzi offre des opportunités de reconversion et peut devenir un pôle générateur d’emplois liés aux usages du littoral, à l’enseignement, à la recherche ou aux activités touristiques et patrimoniales, ainsi qu’un secteur de développement urbain dans un avenir proche, afin de compenser les activités qui seront délocalisées.

B.J.

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