Une histoire de transmission, de résistance et de réinvention. En 2025, la scène musicale mahoraise s’apprête à vivre un tournant avec le retour attendu de Chaf Masta, figure incontournable du hip-hop local, et la montée en puissance de Musclé, alias Yâ-sinn Attoumani, producteur à l’univers sensible et métissé. À la croisée des générations et des genres, leur collaboration signe bien plus qu’un album : c’est la renaissance d’un souffle artistique collectif, ancré dans l’histoire de l’île et tourné vers l’avenir.
Un héritage en mouvement
Le destin de ce duo ne doit rien au hasard. Leurs pères — Chakir Zouhair et Nassur Attoumani — faisaient vibrer Mayotte dans les années 1980 avec le groupe SPZ, légendaire formation musicale alliant passion scénique et fusions sonores. Quarante ans plus tard, leurs fils — Chafik Zouhair alias Chaf Masta, et Yâ-sinn Attoumani alias Musclé — ravivent cette mémoire vivante, en la dotant d’une esthétique neuve et audacieuse.

Né à Passamaïnty, Chaf Masta incarne une voix vibrante et consciente d’une jeunesse mahoraise en quête de sens. Dès ses débuts avec Ma je viens de, il impose un style inclassable, à la croisée du rap, de la poésie urbaine et de la tradition orale. Des titres comme Jour J ou Sawa Sawa élargissent son audience, sans jamais trahir ses racines. Véritable passeur de culture, il fonde le label Almawt Music, un espace de production indépendant devenu pépinière de talents insulaires — de Layel à Lion X. Almawt, qui signifie « Mayotte » en arabe, se transforme en cri de ralliement pour une nouvelle génération d’artistes engagés.
Une esthétique plurielle et une parole mondiale
Si Chaf Masta porte la voix, Musclé en façonne l’écrin. Fils de l’écrivain et chanteur Nassur Attoumani, Yâ-sinn grandit au carrefour des arts, entre verbe et mélodie. Producteur à la sensibilité littéraire, il développe un univers musical unique, fait de rythmes contemporains, d’influences traditionnelles et de textures hybrides. Sa collaboration avec Chaf Masta marque une étape clé dans sa carrière, et une déclaration forte : faire entendre Mayotte en plusieurs langues, avec un son reconnaissable entre mille.

Leur nouveau projet est un hommage à la diversité culturelle de l’île. En mêlant shimaoré, français et anglais, ils dessinent un territoire sonore ouvert, militant, et profondément enraciné. Le rap se teinte de dancehall, le flow épouse les percussions locales, et chaque mot devient résistance. Leur direction artistique — exigeante, soignée — se traduit aussi visuellement : clips léchés, symbolique forte, esthétique assumée. Ce travail a déjà valu à Chaf Masta le prix du Meilleur Clip lors de la cérémonie Hishima, qui distingue les grandes voix culturelles mahoraises.
Un rendez-vous à ne pas manquer
Le premier extrait de leur collaboration sortira le 7 juin 2025 sur toutes les plateformes. Il marquera le début officiel d’un projet manifeste, où mémoire, modernité et métissage dialoguent. Une œuvre faite pour faire danser, penser, et surtout faire exister Mayotte au présent, dans toute sa complexité et sa beauté.
Mathilde Hangard