Crabiers blancs des mangroves, caféiers de Mblo dans la forêt d’Hachirongou, aloès endémiques de la pointe d’Handrema ou encore orchidées des forêts sèches, le Nord de Mayotte regorge d’une faune et d’une flore riches mais encore peu connues. Pour pallier ce manque de connaissances, la Communauté d’agglomération du Grand Nord de Mayotte (CAGNM) et le Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte (GEPOMAY), ont lancé, ce lundi 26 mai, le projet de l’Atlas de la biodiversité (ABI) pour recenser les espèces et cartographier les enjeux. Un moment plus qu’opportun après Chido, alors que les écosystèmes tentent de se relever et que l’heure est désormais à la reconstruction.
Un outil pour cartographier les enjeux écologiques

Car au-delà du recensement des espèces, l’ABI a pour but de permettre aux communes et à la collectivité de mieux orienter l’aménagement du territoire, pour prévoir les risques, et améliorer la qualité de vie des administrés du Grand Nord. Ces derniers, très touchés par le cyclone, ont pu apercevoir l’importance des mangroves qui ont bloqué la montée des eaux mais aussi subir les dommages collatéraux de rivières obstruées. Dans le Nord et sur l’ensemble du territoire, le développement doit se faire en adéquation avec les écosystèmes, c’est le message que souhaite faire passer l’ABI.
Le projet comporte 5 volets d’actions. Le premier est dédié à la connaissance écologique. Après une première synthèse des données existantes, l’Atlas dressera une cartographie de la flore, de l’avifaune (oiseaux) et de l’herpétofaune (amphibiens et reptiles), pour ressortir les enjeux écologiques du territoire. Le second concerne la mobilisation citoyenne avec des sorties natures et des animations. L’éducation à l’environnement dans les établissements scolaires forme le troisième volet, puis se suivent, la formation des élus et agents, et la définition d’un plan d’actions post-ABI. Le projet qui coûte plus de 212.000 euros (financé à 80% par l’Office Française de la Biodiversité) s’achèvera en 2028 avec l’édition de rapports propres aux différents territoires du Nord, qui seront rendus publics.

« Il faut agir pour un territoire plus résilient, et l’Atlas nous permettra de mieux comprendre notre environnement pour mieux le défendre et l’aménager », résume Chakila Ali M’bae, vice-présidente chargée de l’environnement, de la biodiversité et de la prévention des risques à la CAGNM. « Ce document sera utile aux habitants, aux entreprises, aux élus et à notre jeunesse. C’est plus qu’un inventaire, c’est un outil d’avenir et de justice environnementale », ajoute l’élue qui précise que l’Atlas s’inscrit dans les actions « Post-Chido » menées par la CAGNM. L’intercommunalité souhaite mettre en place un plan intercommunal de sauvegarde, le dispositif « Kiblane Résilience » pour renforcer la culture du risque au sein de la population, un schéma directeur sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), avec un premier projet pilote à Acoua.
Les écosystèmes face à la nécessité du développement

« Le développement indispensable de Mayotte peut se faire en s’appuyant sur la biodiversité », insiste Amélie Van Gemert, présidente du GEPOMAY, qui a souligné les efforts opérés par l’intercommunalité pour mettre la biodiversité au cœur de sa politique. « Le but est que si une espèce n’existe qu’à un seul endroit, on puisse déplacer un projet d’aménagement ne serait-ce que de 100 mètres, pour la sauvegarder ». « L’idée n’est pas de bloquer les projets mais de pouvoir anticiper », explique Fayda Youssouf, directrice du cycle de l’eau à la CAGNM, « aujourd’hui on a un projet de parc sur la mangrove de Bouyouni et c’est en arrivant dans la phase faisabilité qu’on apprend qu’il y a une population de crabiers blancs. Donc si on avait un Atlas on aurait su qu’il fallait éviter cette zone ».
Concernant le projet de piste longue, le calendrier de l’Etat n’étant pas connu, la CAGNM et le GEPOMAY comptent maintenir leurs ambitions de recherches sur la zone, entre Bouyouni et M’Tsangamouji. « Il faut qu’on avance sur notre territoire et l’ABI pourra aiguiller le projet de l’aéroport notamment pour réduire les impacts sur la zone », confie Fayda Youssouf.

Autre chantier important, l’extension du port de Longoni, dont le PLU (Plan Local d’Urbanisme) sera connu entre la fin de cette année et le début de l’année prochaine. Les travaux prévus concernent toute la partie située entre la Centrale électrique d’EDM et la plage adjacente au port. Un projet d’agrandissement qui nécessitera de la déforestation et une destruction des sols. Là encore, si les premiers travaux de l’ABI pourront définir un diagnostic sur la zone et porter des recommandations, difficile de savoir jusqu’où les questions environnementales seront considérées face à l’argumentaire de la nécessité de développement du territoire. L’Atlas aura néanmoins le mérite de porter la voix des écosystèmes.
Victor Diwisch