Fin de la grève à Colas : retour sur trois mois de mobilisation

Après trois mois de mobilisation et des négociations difficiles ces derniers jours à Paris entre la CGT et Bouygues, le syndicat a décidé de mettre un terme à la grève. Les ouvriers de Colas pourraient reprendre le travail ce lundi 26 mai. Retour sur ce bras de fer qui a débuté le 25 février dernier.

Le bras de fer entre la CGT et Colas aura été tenace. Trois mois après le début de la grève, lancée le 25 février dernier par les ouvriers de l’entreprise ETPC, filiale de Colas, la CGT a annoncé mettre un terme au mouvement. Mais les négociations qui se sont tenues ces derniers jours à Paris, entre le syndicat et Bouygues, propriétaire de Colas, n’ont pas permis d’aboutir sur un protocole de sortie de grève. La CGT Mayotte a refusé de signer la proposition, estimant que les conclusions des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) y étaient intégrées, alors qu’elles considèrent ces discussions comme distinctes et non finalisées. Lors de ces NAO, les parties n’avaient pas trouvé d’accord sur la question de la revalorisation des salaires, et les syndicats ne veulent pas entériner ce sujet. Un ultime désaccord qui laissait penser à une reprise du mouvement et des blocages mais le syndicat a demandé aux salariés grévistes, ce 24 mai, de quitter leur piquet de grève et de retourner au travail ce lundi 26 mai au matin, face à une situation qui a trop duré. Retour sur ces trois derniers mois.

Les ouvriers d’ETPC lancent le mouvement

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Les primes de partage ne suffisaient pas aux grévistes d’ETPC qui estimaient avoir tous été touchés par le cyclone Chido

Tout commence le 25 février dernier, les différents sites de l’entreprise ETPC sont bloqués par les ouvriers, dont la carrière de Koungou, où se trouve le siège de la filiale. Après le cyclone Chido la première revendication est l’obtention d’une prime de 3.000 euros pour tous les ouvriers, ainsi que d’une revalorisation salariale. En réponse ETPC verse une prime de partage, entre 500 et 1.800 euros selon la situation de chacun. Une mesure qui ne répond pas aux attentes des ouvriers, ces derniers estiment que cela créer des différences entre eux alors que tous ont été touchés par le cyclone.

Le grève se poursuit et les ouvriers de Colas rejoignent le mouvement le 12 mars. Versement de la prime Chido, revalorisation des salaires, et amélioration des conditions de travail, les demandes sont les mêmes. Du côté d’ETPC, après une médiation et un accord trouvé avec la direction, les blocages reprennent le 14 mars. La direction d’ETPC dénonce des conditions inacceptables, telles que la rétention de salariés et de clients sur le site. Le 20 mars une ordonnance de référé impose la levée du piquet de grève chez ETPC sous astreinte de 1.000 euros par jour, contraignant les salariés à suspendre leur mouvement.

A Kawéni, la grève continue chez Colas, où les tensions restent vives. Le 21 mars, la direction de Colas demande l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer le siège de la société, occupé par des salariés en grève. En réaction, les grévistes érigent des barrages sur la route nationale, provoquant des perturbations de la circulation.

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Une banderole qui montre les revendications des ouvriers devant le siège de Colas

Suite au blocage du siège, les grévistes sont assignés devant le tribunal par leur direction. Le 28 mars, la justice rejette cette demande estimant que ces actions ne violent pas le droit. Cette décision est saluée par la CGT comme une reconnaissance du droit de grève.

Chido révélateur de problèmes plus profond

Du côté d’ETPC, après plus d’un mois sans rémunération et une condamnation du tribunal de Mamoudzou au versement de 5.000 euros suite aux barricades installées sur la route depuis le début du mouvement, le mouvement perd de la vitesse. Sur le piquet de grève, à l’entrée de la carrière, les syndicats expliquent que le cyclone Chido n’a fait qu’amplifier des problèmes qui existent depuis de nombreuses années. Manque de reconnaissance de la part de la direction, absence de revalorisations, impossibilités d’évolutions de carrière, différences de traitements entre les cadres et les ouvriers…, des difficultés plus profondes que déplorent tous les grévistes. La prime Chido et l’augmentation des salaires s’inscrivent dans la continuité de ces revendications. Le 1er avril, les salariés d’ETPC suspendent la grève face à une direction en position de force, souligne le syndicat. Les ouvriers craignent des licenciements. Une situation qui ressemble à ce que vont vivre les salariés de Colas, un mois et demi plus tard.

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Les salariés d’ETPC ont mis fin à la grève le 1er avril, face à une direction en position de force, indique le syndicat

A Kawéni, le mouvement de grève ne faiblit pas, les ouvriers de Colas poursuivent les blocages. Les salariés dénoncent des conditions de travail précaires, des salaires bas, et un dialogue social inexistant. Ils réclament également une augmentation générale des salaires de 9 %, une prime de transport de 300 euros, et l’alignement des droits sociaux sur ceux de la métropole.

Dans un communiqué, daté du 10 avril, la direction de Colas indique que depuis le cyclone Chido l’entreprise s’est mobilisée pour soutenir les habitants, aider les salariés et participer à la reconstruction de l’île. Elle précise que des actions d’urgence ont été mises en place comme la distribution de repas aux salariés, la mise en place d’accompagnement psychologique, de soutien scolaire, et surtout la direction indique avoir versé une prime « Chido » à 90 % des employés. L’entreprise affirme avoir privilégié le dialogue, ouvert une médiation (non signée par le syndicat) et poursuivi les négociations avec les autres syndicats. Elle condamne les blocages et rappelle son engagement auprès des autorités pour les travaux de reconstruction. Trois jours plus tôt, la société avait assigné en référé cinq grévistes pour blocage du site.

Une fin de grève pour quelles avancées ?

Le bras de fer se poursuit et le 25 avril, les grévistes de Colas et la CGT se rassemblent lors d’une grande marche de solidarité pour dénoncer le manque de considération des salariés à Mayotte. Le cortège se rend jusqu’à la préfecture et au Conseil départemental pour exprimer les revendications des salariés.

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Les grévistes ont bloqué à plusieurs reprise les routes

Pendant près d’un mois la situation ne change pas et le dialogue est au point mort. Il faut attendre le 19 mai pour que les négociations reprennent mais cette fois-ci à Paris. « Face à l’absence de progrès au niveau local avec la CGT Mayotte, les discussions ont été délocalisées à Paris. Cette rencontre a réuni des représentants de la CGT nationale et la direction France de Colas », précise la société dans un communiqué, insistant sur le fait que le dialogue social a été « maintenu sans interruption depuis le début du mouvement de grève », via neuf réunions dans le cadre des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) avec les trois syndicats de l’entreprise, et « trois réunions spécifiques avec la CGT Mayotte pour tenter de sortir de la crise ».

Cinq jours plus tard la grève se termine sans accord par le biais d’une décision unilatérale de la part du syndicat local, mais pour quelles avancées ? Dans le protocole proposé à Paris, les salariés avaient obtenu plusieurs points dont l’abandon des poursuites judiciaires et la revalorisation des primes autour des 3.000 euros, mais ce dernier n’étant pas signé, difficile de savoir ce qu’il en adviendra. Devant le siège de Colas ce samedi, le piquet de grève avait disparu.

Victor Diwisch

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