Sous les voiles d’ombrage, à côté de la MJC de Kawéni, les acrobaties et les danses s’enchaînent dans une ambiance festive, en ce début d’après-midi, le mardi 29 avril. Cette année, dans le cadre de son festival annuel, l’association Hip Hop Evolution a souhaité se rendre directement au cœur des communes le temps d’une journée, pour permettre aux jeunes de s’initier au hip-hop et à la danse mais aussi pour se reconnecter, après Chido, avec les danseurs et les crew (groupes) qu’elle accompagne depuis sa création, il y a 20 ans.
Relancer le secteur et les perspectives

« Le but du festival est de relancer la machine après le cyclone« , explique Sophie Huvet, directrice administration et développement de l’association, « ce sont les danseurs des différentes communes qui ont fait la programmation de l’évènement. Ceux qui voulaient recevoir des spectacles et des ateliers nous ont contactés pour les mettre en place et bien sûr cela leur permet aussi de proposer leur propre chorégraphie. On voulait leur montrer qu’avec notre association on les soutient, quand ils sont prêts on est disponible ».
« Pour les 15 salariés et les bénévoles de l’association c’était important de ne pas décaler le festival, même si le format n’est pas identique aux années passées », précise Sophie Huvet dont l’association a reçu le soutien financier de la Direction des Affaires Culturelles (DAC), de la politique de la Ville, du rectorat et de la DRAJES et un accompagnement des communes pour réaliser le festival. Une aide précieuse pour le monde de la culture impactée par Chido. L’association Hip Hop évolution a vu son site d’Iloni, « le paradis des Makis », détruit par le cyclone et a pu reconstruire le plateau artistique juste avant le démarrage du festival. « On a pu faire répéter les équipes sur notre site avant le festival et proposer à nouveau des perspectives aux groupes et aux artistes locaux mais aussi étrangers que l’on accueille à Mayotte », se réjouit la directrice.
« La dance plus importante que la violence »

Lors des ateliers, sur la piste de danse improvisée, une vingtaine d’enfants sont à l’écoute des professionnels, et s’essayent sans hésiter aux différentes disciplines. Toprock, danse debout, breakdance, hip-hop et danses traditionnelles, chacun y trouve son compte. « Le but c’est de montrer à ces jeunes qu’il y a de l’art qui provient de la rue et qu’ils peuvent se nourrir du hip-hop et de la danse pour s’en sortir dans la vie« , explique Massondi Said Ali, danseur professionnel de l’association, « en même temps cela leur permet de leur apprendre la rigueur, le sens du travail et de la réussite. On veut leur montrer que c’est possible de se dépasser », ajoute Karima Khelifi, également danseuse professionnelle de l’association. « C’est une première approche de la danse, et si demain ils ont envie de continuer de pratiquer on peut les accompagner vers les crew existants, comme celui de Sans Pitié de Kawéni », continue Massondi Said Ali. A la fin des ateliers, les jeunes ont réalisé une première chorégraphie en public, avec ce qu’ils ont appris dans la journée.

« Dans mon groupe beaucoup de gens sont sortis des violences grâce au hip-hop », remarque Faina Abou Moussa, 18 ans, danseuse de Cavani, qui a participé au spectacle final de la journée qui a regroupé 7 artistes de Kawéni et Cavani. « Si les jeunes se mettent à danser ils oublieront la violence et ils verront que la danse est plus importante. Dans notre société, nous les filles, on nous dit notre place c’est dans la cuisine, c’était pas simple pour moi au début mais j’ai quand même réussi a rejoindre un groupe de hip-hop », précise-t-elle.
« On attendait avec impatience de reprendre et de danser, c’est notre passion. Après Chido on avait presque tout oublié de la chorégraphie, mais maintenant c’est bon », continue la jeune femme, qui a débuté le hip-hop depuis quelques années et qui poursuit sa professionnalisation notamment grâce à Hip Hop évolution et le danseur Rayaha Faouzdinne, à l’origine du spectacle nommé « Latru Dongadzo » : « Notre jeu« .

« Jusqu’à présent beaucoup de monde ont participé aux journées. A Kahani on a eu un accueil incroyable avec la présence de 200 à 300 personnes, et 83 jeunes ont dansé aux ateliers. A Nyambadao il y en a eu 65 avec une centaine de visiteurs« , confie Sophie Huvet, « lorsqu’on commence à mettre la musique les gens viennent« .
Le festival se poursuit jusqu’au samedi 3 mai, les danseurs d’Hip Hop évolution se rendront à Majiméouni mercredi, à Kani-Keli jeudi sous un format « battle » entre danseurs de l’île à travers divers danses et surtout sous le rythme d’un violoniste. Vendredi sera dédié au centre artistique à Iloni, et l’évènement se terminera samedi à Ongoujou.
Victor Diwisch