C’est devenu un serpent de mer : le projet de la piste de longue en Petite-Terre n’a cessé d’être approuvé puis remis en cause au gré des gouvernements successifs depuis près de 40 ans maintenant, comme le rappelle le sénateur dans son courrier : « La question de la réalisation d’une piste longue à Mayotte est un débat récurrent depuis la fin des années 1980 et a fait l’objet de nombreuses études. L’objectif principal de ce projet est d’adapter l’infrastructure aéroportuaire aux vols long-courriers, afin de renforcer la continuité territoriale et de répondre aux besoins croissants de mobilité des Mahorais ».
En effet ce projet est d’une importance cruciale pour le développement de notre territoire. Et en 2025 il est toujours dans l’impasse au grand dam de S2O, « faute d’une véritable concertation avec les acteurs du territoire et d’une prise en compte complète des éléments scientifiques et techniques récemment mis en lumière ».
Des avancées et des rétropédalages depuis près de 15 ans

Un premier débat public avait eu lieu du 27 juin au 11 décembre 2011 a l’issue duquel la Commission nationale du débat public (CNDP) avait recommandé des études complémentaires. En mai 2012, le Gouvernement de l’époque prenait officiellement la décision de poursuivre le projet, mais en juin 2013, le rapport de la commission « Mobilité 21 » rétrogradait la piste longue parmi « les projets de faible priorité, entraînant un report au-delà de 2050 ». Sachant que les différentes études de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) ont montré qu’à l’horizon 2035, la présente piste de l’aéroport ne pourra plus être exploitée dans les conditions actuelles…
Ce n’est qu’en 2019, que le Président de la République, Emmanuel Macron, relance le projet. A nouveau la Commission nationale du débat public est saisie et lance une grande concertation permettant la réalisation d’études complémentaires sur l’implantation possible d’une piste longue. Ceci a débouché sur la publication d’un premier rapport en 2022 puis d’un second en 2024 comparant ainsi les deux sites, celui de Petite-Terre et l’autre de Grande-Terre.
Aussi, malgré des avancées le sénateur constate que « la gestion du dossier souffre d’un manque criant de concertation et de transparence. Le dernier comité de pilotage du projet s’est réuni en janvier 2023, sans qu’aucune autre réunion ne soit programmée depuis. De plus, la réunion du 7 mai 2024 avec votre prédécesseur n’a pas permis de présenter de manière exhaustive les scénarios étudiés », écrit-il. Il déplore aussi que le rapport intermédiaire n°2 de la CNDP publié en septembre 2024 « n’apporte pas tous les éléments nécessaires à une prise de décision éclairée, et qu’aucune donnée scientifique sur les risques liés au volcan Fani Maoré n’a été intégrée dans la concertation ».
Le choix du projet de piste longue exclu sans consultations scientifiques

C’est ce que dénonce principalement l’élu du palais du Luxembourg : « Il est apparu que la DGAC n’avait consulté ni les scientifiques, ni aucun expert en risques sismovolcaniques avant d’annoncer ce changement de scénario qui était d’écarter le projet de la piste convergente sur Petite-Terre au profit d’une implantation au nord de Grande-Terre, invoquant des risques naturels élevés sans qu’aucune présentation détaillée des scénarios n’ait été fournie, ni qu’une concertation préalable ait été menée avec les parties prenantes ».
Car en effet, en mai dernier le ministre des Transports de l’époque avait soulevé des risques sismologiques liés à l’apparition du volcan sous-marin Fani Maoré, remettant de facto en question le choix initial d’implantation de la piste longue sur Petite-Terre. Aussi, début décembre 2024, Saïd Omar Oili avait organisé une rencontre avec les scientifiques du REVOSIMA (Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte), membres de l’IPGP (Institut de Physique du Globe de Paris) et du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières).

Ils ont rappelé le contexte géodynamique et géologique de Mayotte dans le cadre duquel la crise sismique puis l’éruption du nouveau volcan Fani Maoré s’étaient développées à partir de mai 2018. « Les connaissances scientifiques actuelles du volcanisme à Mayotte montrent que plusieurs zones volcaniques de cette chaîne sont géologiquement susceptibles de produire à nouveau de l’activité volcanique. Cette reprise d’activité volcanique peut être détectée par le réseau de surveillance REVOSIMA mis en place à Mayotte mais la date de cette reprise est impossible à déterminer plusieurs années à l’avance (…) La probabilité d’une future éruption de l’ampleur de Fani Maoré, un évènement géologique exceptionnel à l’échelle de la planète, est très faible, en l’état actuel des connaissances, qui restent néanmoins incomplètes (…) La probabilité d’une nouvelle éruption d’une telle ampleur est évaluée au minimum à 0,008% sur les 100 ans à venir », ont écrit les scientifiques dans un communiqué.
Pour le sénateur de Mayotte, il est désormais urgent de relancer une concertation élargie, intégrant pleinement les acteurs du territoire ainsi que les experts en risques naturels. « Mayotte ne peut se permettre d’être privée d’une infrastructure aéroportuaire adaptée à ses besoins pour garantir à la fois une continuité territoriale efficace avec la métropole et la zone océan Indien, mais aussi un levier de développement économique et touristique indispensable pour notre territoire », et enfin, on l’a encore vu récemment, « Une sécurisation du transport aérien, notamment en cas de crise sanitaire ou naturelle ».