Saint-Denis, La Réunion – Lundi 3 mars, sur le boulevard Jean Jaurès, au milieu des débris, les rares arbres encore debout rappellent la puissance du cyclone Garance. Végétation couchée, troncs brisés, branches enchevêtrées, sols boueux, les agents municipaux se battent contre un chaos de nature.
Le cyclone a traversé l’île le vendredi 28 février, entre 10h et 17h (heure locale). Placée en alerte violette pendant l’épisode, l’île est restée en alerte rouge jusqu’au matin du samedi 1er mars. Depuis, de nombreuses communes de l’île, et notamment du Nord, enchaînent les opérations de secours et de nettoyage. Policiers, pompiers, paysagistes, distributeurs d’eau et électriciens, travaillent sans relâche pour remettre les routes en état, sécuriser les accès et réparer les réseaux. Les hélicoptères tournent au-dessus des zones touchées, tandis que les secours acheminent vivres et médicaments. Si certaines routes ont été rapidement dégagées, de nombreux axes routiers restent impraticables, et plusieurs quartiers de l’île sont toujours privés d’eau, d’électricité et de réseau.
Après Garance, la sidération des Réunionnais
Trois jours après le passage de Garance, l’île de La Réunion se retrouve en pleine phase de nettoyage et de réhabilitation. À ce stade, le bilan causé par le cyclone fait état de quatre décès et de centaines de blessés. L’intensité de la tempête a pris tout le monde de court, comme en témoigne cette habitante de Sainte-Marie : « Quand le Préfet a déclenché l’alerte violette, j’ai pris mes enfants et on s’est confinés dans la salle de bain. J’ai vraiment eu peur ». Les rafales de Garance vont jusqu’à 230 km/h et les cumuls de pluie atteignent les 400 mm dans l’intérieur de l’île, entraînant des inondations dramatiques et des glissements de terrain. Actuellement, près de 60.000 foyers sont toujours privés d’électricité et plus d’un Réunionnais sur deux a des problèmes d’accès à l’eau. Face à cette situation, la ville de Saint-Denis a mis en place des citernes d’eau d’urgence pour soulager la population.
Chido et Garance, deux météores distincts

À moins de trois mois d’intervalle, deux cyclones d’une violence extrême mettent à rude épreuve la France, devant faire face à l’ampleur des destructions causées par le cyclone Chido à Mayotte le 14 décembre 2024, puis désormais, aux dégâts laissés par le cyclone Garance sur l’île de La Réunion. Bien que ces phénomènes aient été d’une intensité redoutable, leurs caractéristiques techniques et leurs impacts sur les populations se distinguent. À Mayotte, le cyclone Chido a frappé l’archipel mahorais avec des rafales de vent dépassant les 200 km/h, atteignant jusqu’à 226 km/h à Pamandzi. Ce vent intense a ravagé l’île, emportant des maisons, des arbres et coupant l’accès aux services essentiels.

À La Réunion, les rafales de vent ont atteint des vitesses de 214 km/h à l’aéroport de Roland Garros, et jusqu’à 230 km/h au piton Sainte-Rose. Pourtant, malgré une intensité comparable, l’impact de ces vents à Mayotte a été plus dévastateur. À La Réunion, l’impact de Garance s’est surtout mesuré par des conditions climatiques extrêmement humides, générant des pluies torrentielles et des inondations massives. À Mayotte, le cyclone Chido a provoqué des dégâts considérables, en balayant les infrastructures et le paysage de l’île, comme une tornade. Le cyclone Chido est la plus grande catastrophe naturelle ayant frappé Mayotte depuis près d’un siècle. À La Réunion, l’île n’avait pas connu de cyclone aussi dévastateur comme Garance, depuis le cyclone Hyacinthe, survenu en janvier 1980, qui avait causé la mort de vingt-cinq personnes.
Des impacts humains et matériels divergents
Malgré des conditions météorologiques relativement similaires, les cyclones tropicaux intenses, Chido et Garance ont eu des impacts humains et matériels contrastés. Bien que légèrement moins violent en termes de vent, Garance a causé de graves inondations et des glissements de terrain sur l’île de La Réunion, qui ont privé plus de 310.000 foyers d’eau potable, soit près de la totalité de la population de l’île, et plongé l’île dans l’obscurité pendant plusieurs jours. Les secours sont toujours à la recherche d’éventuelles victimes et de personnes disparues.

À Mayotte, les rafales de vent dévastatrices de Chido, ont détruit et endommagé les infrastructures essentielles de l’île, permettant la fourniture d’électricité et la distribution d’eau. Le bilan humain à Mayotte est très lourd, avec 40 morts confirmées et 41 disparus. Pendant plusieurs semaines, l’île a été plongée dans une crise humanitaire majeure, où des milliers de personnes se sont retrouvées sans abri et privées d’accès à l’eau, à l’électricité, au réseau et à de la nourriture. La différence de dégâts entre les deux îles peut être largement attribuée à la vulnérabilité des infrastructures mahoraises, déjà fragilisées par des années de sous-investissement. À titre d’exemple, de nombreuses écoles de l’île avaient été réquisitionnées comme centres d’hébergement d’urgence avant l’arrivée du cyclone, mais près de la moitié d’entre elles ont été profondément endommagées. Par ailleurs, Mayotte fait face à une situation économique difficile, avec environ 75 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté. En revanche, à La Réunion, bien que le cyclone Garance ait provoqué des dégâts considérables, l’île dispose d’infrastructures nettement plus solides et de protocoles de préparation aux catastrophes plus efficaces.
Une végétation tropicale, entre résilience et vulnérabilité

Par ailleurs, la végétation de La Réunion semble bénéficier d’une résilience plus grande face aux cyclones par rapport à Mayotte. Étant habituée aux tempêtes et aux cyclones réguliers, la nature réunionnaise s’est adaptée à ces phénomènes climatiques, ce qui a conduit à l’évolution d’un écosystème plus robuste face aux vents violents. Les forêts de La Réunion, notamment la forêt tropicale humide, ont évolué pour résister à de tels événements, avec des racines profondes et des arbres plus adaptés aux conditions climatiques extrêmes. En revanche, la végétation de Mayotte, bien qu’elle soit également tropicale, est moins préparée à des événements aussi puissants. L’île a moins d’expérience avec les cyclones, ce qui rend certains types de végétation plus vulnérables aux fortes rafales de vent. La végétation mahoraise a subi plus de destructions, avec des arbres déracinés et des zones écologiques gravement affectées, bien que les sols abritent encore des graines, permettant à terme aux écosystèmes de se régénérer, comme l’expliquait l’écologue et présidente du Groupe d’Etudes et de Protection des Oiseaux de Mayotte (GEPOMAY), Amélie Van Gemert, le 13 février dernier.
L’impact du changement climatique sur l’intensification des catastrophes naturelles

Les cyclones Garance et Chido illustrent clairement les répercussions directes des changements climatiques sur l’intensité et la fréquence des catastrophes naturelles, comme les cyclones tropicaux. En raison de l’augmentation des températures mondiales, le réchauffement climatique contribue à l’intensification de ces phénomènes, particulièrement dans l’océan Indien, où les conditions atmosphériques favorisent la formation de cyclones plus puissants. Bien que les impacts de Chido et de Garance puissent être différenciés, ces phénomènes sont tous deux liés à des conditions climatiques extrêmes exacerbées par le réchauffement de la planète et soulignent l’urgence d’adapter les infrastructures et les stratégies de gestion des risques face à des réalités climatiques planétaires en constante évolution.
Mathilde Hangard