Potable mais avec un zeste de prudence et une pincée de patience ! Le 20 février dernier, l’ARS de Mayotte a officiellement levé les inquiétudes concernant la qualité de l’eau distribuée. Après plusieurs mois de surveillance intensifiée, les analyses ont confirmé que l’eau est désormais conforme aux normes sanitaires, et peut être consommée sur l’ensemble de l’archipel, hormis dans trois villages du sud de l’île.
Toutefois, cette annonce, loin d’être une simple victoire, cache une réalité bien plus complexe. Si l’eau est en théorie potable, l’ombre des coupures d’eau quotidiennes persistantes, ainsi que les précautions à prendre pour la consommer, rendent la situation plus floue qu’elle n’y paraît.
Depuis le début de la crise de l’eau en 2023, la population mahoraise vit au rythme des coupures d’eau récurrentes. Et même si les autorités avaient espéré un retour à la normale d’ici fin 2024, les coupures d’eau continuent de paralyser le quotidien des habitants. Dans ce contexte, l’ARS continue de préconiser, de faire bouillir l’eau du robinet dans la première demi-journée suivant la remise en eau ou d’utiliser des comprimés de chlore pour la consommer pour des usages alimentaires. Mais finalement, cette prudence et ces gestes de précaution laissent un goût amer : l’eau, bien que déclarée « potable », n’en reste pas moins un produit qu’il faut traiter avec une vigilance constante.
Un contrôle sanitaire des eaux tripartite
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Pour s’assurer que les exigences réglementaires sont respectées afin de protéger la santé des consommateurs, l’ARS procède à des prélèvements sur les ressources en eau du territoire, qui font l’objet d’analyses tripartites entre le Laboratoire Vétérinaire et d’Analyses Départemental de Mayotte (LVAD 976), le Laboratoire Départemental des Eaux et d’Hygiène du Milieu (LDEHM) de La Réunion et le Laboratoire Départemental d’Analyses de la Drôme (LDA 26) dans l’Hexagone. Les résultats des contrôles sont rendus dans des délais précis : 72 heures pour les analyses bactériologiques, une semaine pour les analyses physico-chimiques simples, et 3 à 4 semaines pour les analyses plus complexes. Ces délais prennent en compte le transport des échantillons et la validation des rapports d’analyse. Une fois les résultats obtenus, ils sont étudiés par les techniciens et ingénieurs de l’ARS, qui rédigent un avis sanitaire afin d’assurer la conformité de l’eau aux normes de qualité et la sécurité des consommateurs.
Des analyses corsées après Chido
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Après le passage du cyclone Chido, la situation sanitaire a nécessité un renforcement des analyses, mais avec des moyens logistiques réduits. En effet, de nombreuses infrastructures ont été abîmées lors du passage de Chido, comme le laboratoire Vétérinaire et d’Analyses Départemental de Mayotte. Dix jours après le cyclone, les préleveurs de l’ARS Mayotte ont repris peu à peu leurs activités et pour contrôler la qualité de l’eau distribuée sur le département. Des contrôles stricts ont été effectués au sein du laboratoire Départemental des Eaux et d’Hygiène du Milieu (LDEHM) de La Réunion et du Laboratoire Départemental d’Analyses de la Drôme (LDA 26) dans l’Hexagone. Les analyses ont permis de constater une nette amélioration de la qualité de l’eau distribuée sur l’île, avec des niveaux de conformité similaires à ceux observés avant le cyclone. Pourtant, malgré ces bonnes nouvelles, le cyclone a laissé des traces : des zones restent particulièrement vulnérables, comme dans le Sud de l’île, et la vigilance reste de mise, sur l’ensemble du territoire.
La réalité des coupures d’eau complique l’équation
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C’est là que la subtilité de la situation se fait sentir. L’autorité sanitaire affirme que l’eau est « potable » sur l’ensemble du territoire, à l’exception des villages de Mbouini, Passi-Kéli et Mronabéja, où l’eau est jugée « non-potable » et que des comprimés de chlore doivent être utilisés pour consommer l’eau du robinet pour des usages alimentaires. Mais, à Mayotte, la déclaration de potabilité de la ressource n’est pas aussi simple à comprendre et à appliquer en pratique, qu’il n’y paraît. Pour la majorité des habitants, l’eau reste soumise à des coupures quotidiennes, et même lorsque l’approvisionnement est rétabli, il y a une incertitude sur sa sécurité immédiate. Si la coupure d’eau dure moins de vingt-quatre heures, l’ARS recommande d’attendre six heures avant de consommer l’eau pour des usages alimentaires, à moins de la faire bouillir pendant cinq minutes ou d’utiliser des comprimés de chlore. Si la coupure dure plus longtemps, l’attente avant de consommer l’eau s’allonge à douze heures.
Cela signifie que malgré la déclaration officielle concernant une eau à nouveau « potable » à Mayotte, la réalité quotidienne reste marquée par une profonde méfiance. Bien que l’agence de santé ait validé sa qualité, on suggère dans un double message à la population : d’appliquer les mêmes précautions qu’après ou avant Chido : faire bouillir l’eau ou utiliser des comprimés purificateurs pour boire l’eau du robinet, en raison des coupures d’eau omniprésentes, bien avant la catastrophe naturelle.
Au cœur de ce problème, se trouve un défi plus vaste que la qualité sanitaire de l’eau : celui de l’accès constant à une eau potable. Les coupures d’eau, bien qu’en diminution, persistent sur l’ensemble du département. Les résultats d’analyse de la qualité de l’eau distribuée révélés par l’ARS montrent une fois de plus que la difficulté n’est pas tant la qualité de l’eau en elle-même, mais l’insuffisance des infrastructures de production et de traitement de la ressource. Sans investissements massifs pour augmenter les capacités de production, de stockage et de distribution, les coupures d’eau resteront inévitables et la confiance des Mahorais à ce sujet continuera de vaciller.
Mathilde Hangard