Cela faisait trois semaines que l’agence sanitaire n’avait pas communiqué depuis le passage du cyclone Chido. En effet, pour continuer de surveiller l’état de santé de la population et de mesurer l’impact sanitaire du cyclone, la surveillance a dû s’adapter aux contraintes techniques et matérielles auxquelles les partenaires sanitaires ont été confrontés.
Des plaies surinfectées et des décompensations de maladies chroniques
Depuis Chido, au Centre hospitalier de Mayotte (CHM), les traumatismes et les plaies représentent les principaux motifs de recours aux soins. Une nette augmentation des passages aux urgences a été constatée du 21 au 29 décembre 2024, où 1.440 passages ont été enregistrés, en comparaison avec la période pré-cyclonique, où entre 100 et 150 passages aux urgences étaient enregistrés habituellement.
Parmi les motifs de prise en charge, Santé publique France-Mayotte mentionne que les « plaies et traumatismes » constituent « les principaux motifs de recours aux urgences du CHM, suivies des diarrhées et vomissements » mais aussi des recours pour décompensation de maladies chroniques, notamment où « la prise en charge de complications de diabète conduit à des hospitalisations chaque jour », mentionne l’autorité sanitaire. Par ailleurs, de nombreux patients se sont rendus aux urgences avec des plaies surinfectées, entraînant parfois de lourdes complications, telles que des nécroses et des chocs septiques, nécessitant parfois d’être amputés. La mise en place de l’hôpital de campagne, l’ESCRIM, a mieux réparti la prise en charge de ces urgences, où entre le 24 et le 29 décembre 2024, 1.170 patients ont été pris en charge en ambulatoire au sein de l’ESCRIM, rapporte SpF, où parmi ces 1.170 patients, « 34 ont été hospitalisés et 18 ont été transférés au CHM. » Même motif de recours aux soins dans certains centres de référence, où « les traumatismes sont très nettement le principal motif de consultation depuis le 20 décembre 2024 », commente SpF-Mayotte.
Des troubles psychologiques dans les foyers
Dix jours après le cyclone, des maraudes ont été organisées dans plusieurs secteurs de la commune de Tsingoni. Les retours terrain ont démontré qu’aucun décès n’avait été rapporté au sein de ces foyers enquêtés mais plusieurs blessés avaient été recensés. Sur la soixantaine de foyers investigués, la moitié signale qu’une personne au moins est atteinte d’un trouble psychologique, dont près de 1 sur 5 avec au moins un enfant de moins de 15 ans. « De nombreuses personnes souffrent de stress, de peur ou de détresse, des états exacerbés par les conséquences du cyclone », rapportent les enquêteurs. Santé publique France révèle également la « vulnérabilité des habitants » face aux conséquences du cyclone, où les déplacements sont compliqués, en raison d’un manque de taxis, des difficultés pour se procurer de l’essence, aggravant ainsi les retards de prise en charge tant physique que mentale.
« Une mortalité probablement sous-estimée »
Le dernier bilan victimaire fait état de 39 décès et plus de 4.260 blessés dont 124 grièvement. Néanmoins, pour l’autorité sanitaire, la mortalité serait « probablement sous-estimée en raison des difficultés à déclarer les décès ». La mission d’identification des victimes du cyclone mise en place par la Préfecture n’a pas encore transmis d’autres éléments. Des associations motrices du dispositif de « surveillance à base communautaire » sillonnent également le territoire, pour contribuer à une meilleure connaissance des causes des décès recensés.
Faute d’eau potable, les habitants consomment l’eau des rivières, des pluies et de la retenue de Combani
Alors que les annonces du gouvernement sur le rétablissement de l’eau et l’électricité font état d’une amélioration considérable sur l’ensemble du territoire, une grande partie de la population continue d’être privée d’eau et d’électricité, comme le rapporte Santé publique France : « Une partie importante des familles continue de consommer de l’eau brute provenant de rivières, de pluies ou de la retenue d’eau de Combani, faute d’accès à l’eau potable ». L’agence sanitaire précise également que le « manque de nourriture » constitue « un problème majeur » où plusieurs personnes ont « exprimé des situations de faim. » Dans ce contexte, si la priorité est à l’urgence vitale des personnes sinistrées, l’autorité sanitaire alerte les décideurs sur les risques d’épidémies de maladies hydriques, dûs à un manque d’accès à l’eau potable, suite aux dégâts subis par les infrastructures. « Les pathologies hydriques telles que les gastro-entérites aiguës à rotavirus, la fièvre typhoïde, le choléra, ainsi que des maladies comme la leptospirose et la bronchiolite, figurent parmi les menaces principales », mentionne SpF-Mayotte.
Mathilde Hangard