La visite ministérielle de ce lundi va-t-elle faire accélérer les choses pour sortir Mayotte de ce marasme après le passage de Chido ? C’est en tout cas ce qu’espèrent les élus de la 3CO que nous avons rencontrés à l’issue de leur réunion avec le nouveau ministre des Outre-mer, Manuel Valls, mardi dernier. Si l’espoir est de mise, les attentes et les doutes le sont tout autant concernant la mise en place de mesures d’urgence.
« Du sang, des larmes et de la sueur »
Cette phrase prononcée par le Premier ministre britannique, Winston Churchill, lors du bombardement de Londres par les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale pourrait-elle s’appliquer à Mayotte ? Sans faire de comparaison hasardeuse, force est de constater qu’après l’état de sidération et de désolation va venir le temps du bilan (humain, matériel,…) et celui de la reconstruction. Si à ce jour, on compte officiellement 39 morts et plus de 4.000 blessés, la refondation de Mayotte, quoi qu’on en pense, prendra du temps et coûtera très cher vu l’ampleur des dégâts occasionnés. C’est en tout cas ce qu’ont fait comprendre les élus de la 3CO lors de leur rencontre avec Manuel Valls. « Toutes les communes ont été impactées dans tous les sens du terme, a ainsi fait savoir au ministre des Outre-mer le maire de Chiconi, Madi Ousseni MOHAMADI, il y a la nécessité de reconstruire le territoire. A Chiconi par exemple, 50% du bâti scolaire a été touché, et à ce jour 1.500 foyers sont sinistrés sur les 3.000 que compte la commune. C’est considérable ! En outre, 3.000 personnes sont hébergées depuis le 14 décembre, environ 50% des foyers n’ont pas d’électricité, sans compter les difficultés d’accès à l’eau potable, tout ça c’est très compliqué. Nous voulons que l’État nous aide en prenant en charge la hausse des coûts occasionnés par Chido. Les élus de la 3CO attendent des mesures fortes ! ».
Même son de cloche du côté du maire de Sada, Houssamoudine Abdallah, qui souhaite également le soutien de l’État et la création d’un fonds financier pour « couvrir les charges et les dépenses urgentes. Nous avons des dégâts énormes, les établissements publics sont touchés…, 50% des écoles de Sada ne pourront pas recevoir des élèves à la rentrée. Nous souhaitons aussi avoir des bâches pour couvrir les bâtiments mais actuellement nous n’avons rien reçu. Nous demandons à ce que l’État nous accompagne à hauteur de 95% ! ».
Idem pour les maires des communes de Tsingoni, Issilamou Hamada, et de Ouangani, Youssouf Ambdi, qui ont déploré le manque d’anticipation et la nécessité maintenant de mettre le paquet sur l’après crise. « Chido n’a épargné personne, c’est un cauchemar ! On a besoin de vous. Depuis plusieurs années maintenant il n’y a pas de suite pour Mayotte… nous souhaitons la continuité de la politique gouvernementale pour notre île et ce même après 2027 », a alerté le maire de Ouangani, tout en réclamant « un plan de reboisement pour Mayotte ». Le ministre des Outre-mer leur a répondu en reprenant les principales mesures annoncées par le Premier ministre, François Bayrou, la veille au soir : loi d’urgence (le 8 janvier devant le Parlement), loi de programmation pour « la refondation de Mayotte », mobilisation des fonds européens, zone franche pour les entreprises, prêts garantis par l’État, illégalité juridiques des bidonvilles,… et Manuel Valls d’assurer qu’il ferait « pression à Bercy (ndlr, ministère de l’Économie et des Finances) malgré la situation budgétaire négative. Car l’urgence aujourd’hui est l’aide à l’habitat et à la réfection des toitures, ainsi qu’un plan de reboisement. Les aides continueront d’arriver le temps qu’il faudra et nous devons apporter un maximum de réponses ».
Des doutes saupoudrés d’espoir
A la sortie de la réunion avec le ministre des Outre-mer, deux édiles nous ont confié leur impression et leur sentiment, à l’image du maire de Ouangani : « Le ministre a ré expliqué les annonces faites par le Premier ministre, il a fait de la pédagogie, il n’y a rien de nouveau. Je pense qu’il est encore trop tôt pour se rendre compte de la portée des mesures, cela fait même pas trois semaines que Chido est passé… J’ai envie d’être optimiste comme tous Mahorais qui se retrouve dans cette situation, mais je m’interroge aussi sur plusieurs plans… Concernant la loi Mayotte rien n’a été mis en œuvre. On ne sait pas si le gouvernement va encore changer. On attend car pour l’instant on ne peut pas faire autrement ».
Le maire de Chiconi, quant à lui, n’a pas attendu la visite ministérielle pour agir et a mis en place un PC de crise au sein de la mairie ouvert H24. Néanmoins, il veut voir des actes concrets des annonces faites, une mise en pratique effective, et veut croire aux annonces. « Il faut toujours croire, sinon on laisse tomber l’écharpe (ndlr, de maire) ! Les ministres ont vu la réalité du terrain, il faut que l’État travaille avec le concours des maires ». Il a néanmoins déploré le contraste entre ce qui est dit par les autorités et la situation sur le terrain. « La réalité est tout autre… les denrées sont insuffisantes, nous avons eu 14.000 bouteilles pour environ 12.000 habitants, cela fait une bouteille par personne en 15 jours ! Les aides sont dérisoires, mais on fait avec… A quel moment la solidarité nationale va prendre le relai ? Car on est à bout », nous a-t-il avoué.
B.J.