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Immigration clandestine : les données bloquées en préfecture, déplore Saïd Omar Oili

Dépité de ne pouvoir obtenir d’éléments chiffrés sur les titres de séjour, le sénateur mahorais en appelle par courrier au ministre de l’Intérieur. Il en va des évaluations des politiques publiques d’une part, et d’une étude d’impact de la suppression de la territorialisation des titres de séjour d'autre part.

Désireux de préparer ses prochains rendez-vous ministériels avec le gouvernement issu du choix du Premier ministre en septembre dernier, le sénateur Saïd Omar Oili rédige ses fiches. Mais il en est une qui reste incomplète, elle porte sur la Lutte contre l’Immigration Clandestine (LIC) à Mayotte. « Depuis décembre 2023, je demande le nombre de titres de séjour délivrés à Mayotte en 2023, le stock, le flux des renouvellements, l’âge et le genre des demandeurs, leur nombre avec et sans autorisation de travail, sans réponse. J’ai réitéré le 29 février 2024, et si le préfet m’a répondu le 29 mars suivant, puis le 30 octobre, je n’ai pas tous les éléments. Or, le stock des demandes, c’est important de le connaître car les politiques publiques à mener en découlent », nous explique le sénateur mahorais.

Assemblée nationale, Estelle Youssouffa, Mayotte, Lampedusa, Comores
Le Centre de rétention administrative en Petite-Terre

Sont tombés peu à peu dans son escarcelle quelques données, certaines en provenance de la préfecture de Mayotte, d’autres de statistiques nationales. On sait par exemple qu’en 2019, année qui précède la crise sanitaire, 24.307 étrangers ont été reconduits aux frontières de Mayotte (chiffre MI), qu’il y en a eu 11.996 l’année suivante plombée par les confinements, et 22.185 en 2023, année où l’opération Wuambushu a été lancée au cours du mois d’avril. « On peut déjà dire que ses effets n’ont pas été ceux attendus, avec moins de reconduites qu’en 2019 », commente Saïd Omar Oili.

Sur les 20 dernières années, 320.605 personnes ont été expulsées de Mayotte (chiffres nationaux), à 95% vers Anjouan. Or, l’île de l’archipel des Comores compte 340.000 habitants. Même si on peut estimer que quelques uns viennent des autres îles, Grande Comore et Moheli, on peut dire qu’on a reconduit en 20 ans l’équivalent de la population anjouanaise ! Pour estimer le taux de réitération après expulsion, avec le coût inhérent aux reconduites, il faudrait connaître précisément le nombre de dépôts de titres de séjour. D’où la demande du parlementaire.

Faute de données, Mayotte peu visible

Une des réponses a fini par lui parvenir : en 2022, 28.380 titres de séjour ont été déposés, dont 24.222 ont été délivrés (autant que le nombre de reconduites par an), soit un taux de validation des dossiers de 85,35%. L’année suivante, en 2023, deux fois plus de demandes ont été formulées, 56.760, mais seulement 20.051 titres de séjour délivrés, soit, 35% validés. Parmi ceux-ci, 5.087 étaient des premières demandes, et 14.964 des renouvellements. Nous sommes à peu près sur ce rythme pour 2024. « Mais ces près de 15.000 renouvellements tombaient sur l’année 2023, c’est un flux, d’autres renouvellements tomberont en 2024 ou 2025. Le chiffre que je n’arrive pas à avoir, c’est le stock de titres de séjour. J’ai l’impression qu’il y a une obstruction sur les données. Même le ministre des Outre-mer m’a glissé que nous devrions tous avoir ces éléments. »

Comores
L’équivalent de la population d’Anjouan expulsée en 20 ans !

Si le parlementaire insiste, c’est aussi parce que l’annonce par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, de la suppression des titres de séjour territorialisés implique qu’on évalue le pourcentage de détenteurs de papiers qui pourraient se rendre en métropole depuis Mayotte. « C’est compliqué à savoir, car les enfants ne sont pas comptabilisés étant donné qu’en étant mineurs, ils ne sont pas considérés comme étrangers, donc pas soumis à la détention d’un titre de séjour. C’est pourquoi je demande encore une fois que l’âge et le genre des demandeurs des titres de séjour me soient donnés », poursuit le sénateur.

Plus globalement, il s’est aperçu que par manque de données, Mayotte était peu visible aux yeux des administrations centrales, « les hauts fonctionnaires n’ont pas de lisibilité sur la situation à Mayotte ». Est-ce la raison de l’exclusion de Mayotte du décret d’application de la simplification des règles de contentieux relatif à l’entrée, au séjour, et à l’éloignement des étrangers devant les juridictions administratives pour laquelle le sénateur disait son étonnement il y a quelques jours ?

Dans la même lignée, il a demandé un bilan du contrat de convergence de 1,6 milliard d’euros, clôturé il y a deux ans. « Je n’ai pas eu de réponse au cours des dernières semaines, juste une note ce mardi matin par le stagiaire ENA, très peu détaillée. Alors que cela doit faire l’objet d’un suivi selon les lignes budgétaires avec des pourcentage précis d’engagement en face. » Un défaut de communication que nous vivons en tant que média et que nous avons répercuté au préfet lors de la dernière rencontre avec la presse. D’autant plus étrange que François-Xavier Bieuville n’est pas avare de chiffres lors de ces rencontres, une impression contrastée avec le quotidien où ses chargés de communication ne parviennent pas à obtenir les informations demandées.

« Je me demande si je ne vais pas solliciter la CADA, la Commission d’Accès aux Documents administratifs que peut solliciter n’importe quel citoyen ! », ironise en conclusion Saïd Omar Oili, qui a donc décidé d’adresser un courrier de doléances le 4 novembre dernier au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Anne Perzo-Lafond

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