François-Noël Buffet connaît bien les rouages des auditions au palais du Luxembourg puisqu’il a été sénateur pendant 20 ans et a effectué des travaux parlementaires sur les Outre-mer, en particulier sur la Nouvelle-Calédonie et sur Mayotte. Aussi c’est avec détermination et volontarisme que le MOM (ministre des Outre-mer) a exposé la vision et les engagements du Gouvernement pour les Outre-mer à ses anciens collègues. Il a tout d’abord annoncé que le prochain CIOM (Comité Interministériel des Outre-mer) devrait avoir lieu probablement au mois de mars 2025, et il s’est par ailleurs étonné que dans le dernier CIOM, en 2023, les parlementaires n’ont semble-t-il pas été associés.
« C’est regrettable, a-t-il dit. Nous allons réinventer le CIOM de 2023 pour le mettre à jour en 2025, c’est un gros travail… ». Puis il est revenu sur les problèmes de la vie chère en Martinique, île dans laquelle il se rendra cette semaine, ainsi que sur la situation en Nouvelle-Calédonie où l’État doit agir vite. « La vie chère est un problème majeur en Martinique. Quant à la Nouvelle-Calédonie, les dommages matériels sont massifs, c’est une urgence absolue ! ».
« Avoir un langage de vérité, tenir notre parole et nos engagements »
François-Noël Buffet a expliqué aux sénateurs quelle va être sa méthode et sa vision pour les territoires ultramarins. « Nous devons avoir un langage de vérité, tenir notre parole et nos engagements, notamment en ce qui concerne le contrat de convergence et de transformation, mais aussi au sujet de la continuité territoriale », tout en admettant que vu l’état des finances actuelles dans un contexte de réduction du déficit public, avec notamment une baisse de 250 millions d’euros pour la mission Outre-mer, les choses ne vont pas être faciles. En ce qui concerne sa méthode, le ministre veut la baser sur l’analyse, l’écoute, le dialogue, la clarté, l’ouverture, mais aussi le bon sens.
« Je souhaite travailler sur les rapports faits par les élus et les acteurs de terrain en mettant en place une culture de la consultation avec les collectivités. Il y a des spécificités en Outre-mer, il ne peut pas y avoir les mêmes normes que dans l’Hexagone. Il faut s’adapter aux territoires et dans la mesure du possible s’affranchir des normes européennes avec notamment le marquage RUP et le produit du BTP (…), afin de s’adapter aux territoires ultramarins ». Le résident de la rue Oudinot a également déploré dans son audition une trop faible construction de logements, notamment sociaux. « C’est une mauvaise surprise…Nous devons accélérer la procédure pour la construction de logements sociaux. 11.000 logements devaient être construits en 2024, or il n’y en a eu que 6.000. Nous devons donner des dérogations aux préfets afin d’offrir plus d’agilité territoriale pour les Outre-mer ».
Augmenter le pouvoir d’achat et mettre en avant les atouts et les richesses des territoires ultramarins
François-Noël Buffet souhaite augmenter la création de valeur à la fois sur le plan quantitatif mais aussi qualitatif en offrant une croissance vertueuse aux habitants des Outre-mer. « Nous devons rendre service à la population de ces territoires en comprenant les enjeux que sont notamment la lutte contre le chômage et l’augmentation des emplois à valeur ajoutée. Le taux de chômage dans ces territoires est en moyenne deux fois supérieur par rapport au niveau national. Il est même de 34% à Mayotte ! C’est un fléau que nous devons combattre ». Pour cela, il compte tirer parti du potentiel et de la richesse des territoires ultramarins. « Ce sont des territoires magnifiques, avec un potentiel considérable. Nous devons créer et développer de la valeur sur le moyen et long terme ».
Les principaux axes du prochain CIOM
C’est le gros dossier du ministre pour les prochains mois. Il veut ainsi poser les bases de réflexion du prochain CIOM en mettant en avant, d’une part, le développement de la souveraineté alimentaire, d’autre part, la transition écologique, puis le soutien à la recherche et à l’innovation, sans oublier les enjeux du quotidien et bien sûr la jeunesse.
Ainsi, concernant la souveraineté alimentaire, François-Noël Buffet souhaite accompagner les projets de production locale en développant l’agriculture et en structurant les filières. « Il y a une richesse formidable dans les Outre-mer avec des atouts qu’il faut valoriser », a-t-il indiqué. Concernant la transition écologique, le ministre veut favoriser la décarbonation dans ces territoires. « Avec la hausse des températures et la montée des océans nous devons mettre en place des politiques de prévention et d’anticipation afin d’offrir des perspectives d’adaptation ». Pour le soutien à la recherche et à l’innovation, le MOM compte s’appuyer sur le programme France 2030 et le réseau de la French tech…. Il n’a pas oublié non plus les projets structurants des territoires ultramarins. « Nous devons faire des efforts pour financer la construction des infrastructures importantes à travers les contrats de développement. Il faut que l’on avance… », a-t-il insisté.
Au sujet des enjeux du quotidien, l’ancien sénateur du Rhône est assez généraliste et consensuel : accompagner les investissements pour l’accès à l’eau potable, le logement la santé, mais aussi lutter contre la vie chère en baissant par exemple l’octroi de mer et le prix des carburants, notamment aux Antilles, mais aussi en trouvant des accords avec les autres territoires. « Nous devons tout poser sur la table. On ne peut plus continuer comme ça, comme en Martinique avec des violences et des dégradations. C’est choquant ! ».
Enfin concernant la jeunesse dans ces territoires, le ministre veut favoriser l’insertion, l’emploi et la formation des jeunes ultramarins. « Nous devons leur donner des perspectives d’avenir et lutter contre le décrochage scolaire ». A ce sujet, il a fait un petit aparté sur Mayotte et a salué le travail du RSMA. « Vous connaissez le SMA? en s’adressant aux sénateurs. C’est un dispositif formidable, extraordinaire, avec une grande efficacité pour les jeunes éloignés de l’insertion et du travail. Il faut soutenir ce dispositif ».
Aussi, comment parler de Mayotte sans évoquer le futur projet de loi qui devrait concerner notre territoire. Là aussi, le ministre se veut pragmatique et consensuel. « Il faut éviter le même modèle pour tout le monde. Concernant le projet de réforme constitutionnel, cela ne va pas régler tous les problèmes…Nous devons travailler sur le fond et faire des choses si cela sert la population, les citoyens et la République. L’enjeu est d’offrir des perspectives d’avenir à moyen et long terme ».
Le développement de la fibre à Mayotte
Par la suite François-Noël Buffet a été questionné par les sénateurs, membres de la délégation aux Outre-mer, dont la sénatrice de Mayotte, Salama Ramia, qui l’a interrogé sur le déploiement de la fibre sur notre territoire. En effet, 50 millions d’euros étaient prévus dans le budget 2024, or en février dernier, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal avait tout simplement annulé les crédits pour le développement de la fibre. « Il faut rendre le déploiement de la fibre plus inclusive. Les Mahorais ont besoin du déploiement de la fibre pour palier l’éloignement géographique, économique et social. Il faut offrir aux Mahorais les moyens de bâtir un avenir connecté. Nous n’avons pas de garantie budgétaire, qu’en est-il des crédits qui avaient été alloués ? », a ainsi demandé la sénatrice. Pour le coup, François-Noël Buffet a été très clair : « Nous allons remettre l’argent dans le budget 2025 pour le développement de la fibre à Mayotte. La question mahoraise est essentielle…Nous devons veiller au développement économique de Mayotte », a-t-il assuré.
B.J.