Le 4 septembre au matin vers 6h, la gendarmerie est appelée pour un accident de circulation. Un 4×4 de type pick-up est sorti de la route à côté de la barrière de sécurité, il vient juste de percuter un groupe d’enfants, membres de la même fratrie, qui se rendaient à pied à l’école. Le bilan est très lourd puisque l’on déplorera par la suite la mort de 2 fillettes âgées de seulement 4,5 ans et 6,5 ans, et un jeune garçon en état d’urgence absolue qui sera transféré par hélicoptère au CHM.
Sans permis de conduire à bord d’un véhicule déjà accidenté qui n’aurait pas dû rouler
Les faits reprochés au prévenu sont accablants. En effet, ce dernier ne possédait pas le permis de conduire et conduisait un gros véhicule surpuissant de près de 200 chevaux, comme l’a rappelé un assesseur. Pour couronner le tout, le véhicule en question avait déjà subi un accident au mois de juin et suite au passage de l’expert celui-ci avait demandé à ce qu’il soit immobilisé car pas en état de rouler. Selon les premiers éléments recueillis par les enquêteurs, le véhicule aurait fait des zigzags avant de se déporter sur la voie d’en face et de percuter violemment un groupe d’enfants qui se trouvaient sur le bas-côté et qui marchaient en file indienne, comme leur avait appris leur père.
Le conducteur n’a pas été contrôlé positif ni à l’alcool ni aux stupéfiants. Ce que l’on comprend au cours de l’audience c’est qu’il roulait semble-t-il trop vite, qu’il a perdu le contrôle de son véhicule à la sortie du virage et n’a pas eu le temps de freiner car il n’a vu les enfants qu’au moment du choc. En larmes devant le tribunal, le prévenu trouvait difficilement les mots pour s’exprimer. « Je ne sais pas quoi dire. J’ai de la peine pour les victimes », dit-il en sanglotant. La présidente du tribunal, Ariane Balg, l’a ensuite informé de la peine encourue, « Cela peut aller jusqu’à 7 ans de prison et 100.000 euros d’amende ».
« Je ne voulais pas lui faire de problème »
Lors de son audition au mois de septembre, le prévenu avait menti aux enquêteurs afin de protéger une de ses connaissances, le propriétaire de la voiture. Mais devant le tribunal et face à la famille des victimes, le prévenu s’est décidé à parler et à changer sa version des faits. « Pourquoi revenez-vous sur vos déclarations et avez-vous menti ? interroge la présidente. – Cette personne (ndlr, le propriétaire de la voiture) a fait beaucoup pour moi dans la vie quand c’était difficile, je ne voulais pas lui faire de problème. Sa famille m’a toujours aidé, elle m’a recueilli quand mes parents ont été expulsés… ». Il faut dire que même s’il est responsable de ce drame, si le propriétaire du pick-up ne l’avait pas incité à conduire ce jour-là, la finalité aurait sans doute été tout autre. Avec des si…
Le propriétaire du pick-up, par ailleurs ami du prévenu, lui aurait demandé de transporter 3 personnes pour les amener sur un chantier de construction. Au moment de l’accident toutes sont sorties de la voiture et ont fui, sans doute pour éviter d’être contrôlées par les forces de l’ordre…
Un drame absolu
Pour l’avocat de la partie civile, maître Andjilani, c’est accident est tragique. « Ce sont des gamins qui se rendaient simplement à l’école, 2 sont décédés et un troisième est toujours hospitalisé à La Réunion. C’est un traumatisme pour cette famille. Le prévenu a pris la voiture alors qu’il ne sait pas conduite et qu’il n’a pas le permis ». Puis il a demandé un renvoi sur intérêts civils afin que les victimes soient indemnisées. Le ministère public dans son réquisitoire a estimé que le conducteur était arrivé trop vite dans le virage, qu’il n’a pas maîtrisé son véhicule et a fait une sortie se route. « C’est un comportement imprudent ! Des enfants sont morts en allant à l’école. C’est un drame absolu ». Le parquet a ainsi requis 5 ans de prison ferme dont 2 ans avec sursis, le maintien en détention du prévenu et l’impossibilité de passer le permis de conduire pour une durée de 5 ans. L’avocat du prévenu, maître Kondé, n’a pas caché son désarroi dans cette affaire. « Malgré mes 22 ans d’expérience en tant qu’avocat, que puis-je dire ? Quelle parole peut être entendue dans ce contexte… ? Mon client est hanté par ce qu’il a vu et entendu ». Au-delà du fait qu’il a plaidé en tentant de montrer qu’il n’y avait pas de « lien de causalité caractérisé », il a demandé au tribunal à ce qu’il y ait un supplément d’informations concernant notamment l’implication du propriétaire du véhicule dans cette terrible histoire, qui lui pour le coup à ce stade n’a absolument pas été mis en cause.
Après avoir délibéré le tribunal a suivi les réquisitions du parquet en abaissant simplement la peine du prévenu à 4 ans de prison ferme. En outre le supplément d’informations demandé par la défense a été accepté par le tribunal.
B.J.