De là où elle est, Moidjoumou Mzemadja doit avoir un large sourire : le Comité du Patrimoine ethnologique et immatériel (CPEI) vient de valider le versement de la fiche sur la « Poterie traditionnelle de Mayotte » dans l’Inventaire National du Patrimoine culturel immatériel (INPCI), indique le Conseil départemental.
Lancé en mars 2008, l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel répertorie les pratiques vivantes grâce à l’aide de communautés, de groupes et d’individus. Il répond ainsi aux obligations de la Convention UNESCO, mais il fournit également un outil de connaissance pour les publics.
« Il s’agit d’un travail de longue haleine mené de 2019 à 2023 par la Direction de la Culture et du Patrimoine du Département, qui a mobilisé des recherches de terrain auprès des artisans locaux et une étude approfondie de la documentation scientifique », explique le Département. Un artisanat qui « fait partie intégrante de l’identité culturelle de Mayotte ». Une réussite de la Direction des Affaires culturelles de Mayotte et du Service Régional d’Inventaire de la Région Réunion dans une collaboration fructueuse.
L’avenir au pied d’argile
Nous avions rencontré en 2008 une des dernières potières à travailler « à l’ancienne », c’est-à-dire sans tour de potier. Après avoir récupéré la terre notamment sur des padzas, Moidjoumou Mzémadja la travaillait avec de l’eau, la façonnait à la main avant de la caler sur trois pierres qui lui servaient de foyer pour la cuire. Toute petite, c’est en voyant sa mère travailler la terre pour en sortir des poteries, qu’elle a commencé. Sa petite fille nous avait alors expliqué que des wazungu (occidentaux) l’avaient incité à vendre ses objets, « une grosse poterie alors se vendait 20 centimes ! », nous avait-elle expliqué.
Elle se lamentait que personne ne veuille reprendre la suite : « Il n’y a presque plus que Moidjoumou qui réalise des poteries ici. C’est le même problème pour les chapeaux et les paniers : qui les fabriquera lorsque toutes ces vieilles dames ne seront plus là ?, interrogeait-elle. Les jeunes veulent travailler dans les administrations maintenant. Plus ils gagnent de l’argent, plus ils perdent l’idée de la famille. J’aime pas ». C’était en 2008.
Depuis, ce n’est pas la grande relève, mais peu à peu, quelques artisanes et artisans sont sortis de cette terre mahoraise pour façonner une nouvelle filière, en se dotant malgré tout d’outils plus perfectionnés. Peu travaillent encore « à l’ancienne ». Ce succès de l’inscription à l’INPCI va peut-être booster les volontés.
Anne Perzo-Lafond