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Le Département et l’État engagent 12 millions d’euros pour lutter contre la pauvreté à Mayotte

A l’occasion de la Journée internationale des Nations-Unis pour l’élimination de la pauvreté, le Conseil départemental a organisé une conférence ce jeudi sur cette thématique. Ce fut également l’occasion de procéder la signature du Pacte des Solidarités, destiné à lutter contre la pauvreté et à renforcer les solidarités à Mayotte, en présence d’Anne Rubinstein, Déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté.

Initié par le président de la République en 2018, le Plan national de lutte contre la pauvreté, devenu par la suite le Pacte des Solidarités, a pour objectif de « lutter contre les inégalités dès la petite enfance », de « prévenir la pauvreté et de renforcer les politiques d’accès à l’emploi pour tous », de « combattre l’exclusion social en permettant l’accès aux droits », et enfin de « promouvoir la transition écologique et solidaire ». Le président du Conseil départemental, Ben Issa Ousseni, s’est dit honoré de présenter ce Pacte des Solidarités pour Mayotte. « C’est un tournant décisif dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Ce Pacte qui s’étendra jusqu’en 2027 va permettre de répondre à l’urgence de lutter contre la transmission générationnelle de la pauvreté, et ce dès la petite enfance. Il s’agit d’offrir un avenir meilleur pour notre jeunesse en facilitant notamment son insertion professionnelle ».

De g. à dr. : Laurent Alaton, Anne Rubinstein, Ben Issa Ousseni et Madi Velou

Grâce à une subvention de l’État à hauteur de plus de 1,5 million d’euros par an pendant 4 ans, soit plus de 6 millions d’euros, le Département va pouvoir mettre en place des actions de lutte contre la pauvreté et la précarité. « Avec le cofinancement de l’État et les aides du Conseil départemental, le budget pour lutter contre la pauvreté va s’élever à près de 12 millions d’euros pour les 4 prochaines années. Cela démontre ainsi notre volonté d’agir. Chaque euro investi, le sera pour une société plus juste et plus inclusive. La lutte contre la pauvreté, c’est un défi collectif, c’est l’affaire de tous », a déclaré Ben Issa Ousseni.

Quel est le diagnostic de la pauvreté à Mayotte ?

Depuis maintenant plusieurs années le 101e département a le triste record du taux de pauvreté le plus élevé de l’ensemble du territoire national avec près de 77% de la population mahoraise en dessous du seuil de pauvreté, alors qu’il est de 14% au niveau national. Même si ce chiffre de 77% remonte à 2017 et n’a pas été actualisé depuis, il reflète néanmoins les nombreuses difficultés sociales et économiques présentes à Mayotte. Ainsi quand le PIB (Produit Intérieur Brut), c’est à dire la richesse produite par habitant, est de 36.897 euros en métropole, il est 4 fois plus faible à Mayotte avec 9.170 euros/ habitant. En outre, un quart des femmes de 20 à 54 ans sont des mères isolées, en grande précarité. Dès 35 ans, les femmes sont de moins en moins souvent en couple et entre 55 et 59 ans, à peine plus de la moitié d’entre elles vivent encore en couple.

Observatoire des inégalités, pauvreté, Mayotte
A Mayotte, la pauvreté est partout présente

Concernant l’illettrisme et le décrochage scolaire, les difficultés de lecture des jeunes de 17 ans sont de 75 % à Mayotte. Par ailleurs, deux fois plus de Mahorais n’ont pas de diplôme (bac et +) comparativement à l’Hexagone, si bien que 25.000 jeunes de 15 à 29 ans ne sont toujours ni en emploi ni en études ni en formation. En ce qui concerne l’accès aux soins, seuls 63% des habitants sont affiliés à la CSSM, et 45% renoncent carrément aux soins. Enfin pour l’alimentation, là aussi les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque l’insécurité alimentaire frappe un foyer sur deux avec 57,1% de la population concernée. La dénutrition infantile persiste chez près de 8% des enfants, alors que 10 % des enfants des 10-12 ans sont en situation d’insuffisance pondérale (4% dans l’Hexagone). Autre constat, la moitié des adultes mahorais déclarent être en insécurité alimentaire modérée ou sévère.

Pour lutter contre la précarité le Département compte expérimenter la carte Mobilité préfinancée

A ce jour, Mayotte est le seul département à envisager de mettre en place une carte mobilité préfinancée pour les bénéficiaires du RSA (Revenu de Solidarité Active) et les personnes en situation de pauvreté. Il s’agit d’une carte bancaire qui serait créditée de la somme de 1.000 euros maximum, valable pendant 6 mois et rechargeable une fois. Un réseau de professionnels serait ainsi « partenaire », comme les taxis ou les commerces d’alimentation qui accepteraient d’être payés avec cette carte. Il ne pourrait pas y avoir non plus de saisies d’argent pour des impayés. « Nous comptons tout d’abord faire une expérimentation, puis ensuite une évaluation avant de généraliser ce dispositif » a indiqué Madi Velou, vice-président du Conseil départemental, chargé de la Solidarité, de l’Action sociale et de la Santé. Le but est ainsi de promouvoir l’autonomie avec une carte bancaire personnalisée et de pouvoir préfinancer tout type de prestations.

Ben Issa Ousseni a signé le Pacte des Solidarités pour Mayotte (DR)

Les atouts seraient nombreux à en croire les initiateurs de ce dispositif, comme par exemple « le suivi du dossier usager/bénéficiaire avec la capacité d’informer un demandeur à tout moment », ainsi que « le suivi de l’utilisation et de l’effectivité des aides en temps réel pour faire évoluer le dispositif », ou bien encore « l’adaptation du montant aux besoins personnalisés de l’usager et les allègements des procédures de gestion ». L’objectif serait de simplifier le parcours usager et renforcer la qualité du service en proposant un moyen de paiement moderne qui permettrait notamment d’automatiser le versement des aides et ainsi d’éviter les risques. Une piste que le Département souhaite donc expérimenter pour lutter contre la pauvreté et la précarité.

La CALPAE (Convention d’Appui à la Lutte contre la Pauvreté et d’Accès à l’Emploi) a ainsi permis en 2022 de soutenir 24 actions en lien direct avec les orientations nationales et les besoins constatés à Mayotte. Au total, 8.771 personnes ont pu bénéficier d’accompagnement dans le cadre de la stratégie pauvreté sur l’année 2022. Pour 2023, ce sont 7.209 personnes qui ont bénéficié des actions financées, toujours dans le cadre de la CALPAE.

B.J.

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