Il n’est pas un bon candidat pour les médias. « Je veux rester dans l’ombre, il y a tellement à faire », et l’attitude de Fouad Abdou pendant l’interview ne dément pas cette position, les phrases sont courtes, pas un mot de trop. Ça a l’avantage d’aller à l’essentiel. Autre particularité, celui qui préside la commission provisoire chargée de remettre à niveau la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA) depuis octobre 2023, ne regarde à aucun moment dans le rétroviseur. Les comptes, il aura à les rendre à la fin de sa mission.
Le passé de la maison qui a notamment été épluché lors de la perquisition qui s’est déroulée le 14 juin dernier ne fera que poindre son nez à travers la bataille difficile qu’il a engagée depuis 8 mois maintenant.
Elle a commencé par les salariés, « il fallait payer les salaires de la quinzaine de personnes qui travaillent ici et qui n’ont pas cessé de venir à leur poste malgré tout et régulariser leurs contrats de travail ». C’est fait, et notamment grâce à un versement de la CMA France de 156.000 euros, « cela correspond à une redistribution dont bénéficient toutes les CMA de France ». Lui et son équipe ont également souscrit à une mutuelle à destination des salariés.
Ensuite, « il fallait arrêter les comptes. C’est bon ils ont été certifiés, et validés par la préfecture ». Et préparer l’Assemblée générale prévue mi-juillet. Le gros chantier. « Cela passe par la révision de la liste électorale pour préparer les élections du nouveau bureau en fin d’année » Il s’agit d’actualiser les adresses des 5.000 adhérents, « tout est dématérialisé. Mais j’en appelle aux artisans pour qu’ils répondent aux mails que nous avons envoyés. Il faut que tout soit mis au clair. »
Sécuriser la gestion lors des prochaines élections
Pas la peine de lui demander s’il compte se présenter aux élections de fin d’année quand on connait déjà la réponse, « ce n’est pas à l’ordre du jour, je dois terminer ma mission. Et elle est de remettre une Chambre des métiers et de l’Artisanat saine, aux bases solides à ce moment-là ».
Comment sécuriser la tête de la maison et éviter qu’elle vire de nouveau à l’écervelée lors des prochaines élections ? « Il y a une prise de conscience en interne. Beaucoup de chefs d’entreprises ne parvenaient pas à obtenir un K-bis et constatent les évolutions positives, beaucoup ici se battent pour l’intérêt commun. » A notre interrogation sur le maintien d’une équipe active avec les trois autres membres de la commission, il ne cille pas, « même si le blocage de l’île en début d’année nous a fragilisés, nous continuons à avancer ».
On comprend pourquoi le niveau de la dette qu’il a récupéré en arrivant est difficile à estimer, « avec le commissaire aux comptes, nous contactons un à un tous les fournisseurs pour qu’ils nous fassent remonter des factures impayées. Pour l’instant, c’est donc compliqué d’avoir le chiffre exact. » D’autre part, avec les deux autres chambres, CCIM et CAPAM, elle n’a pas hérité d’une situation totalement assainie lors de l’éclatement en 3 de la Chambre professionnelle.
« C’est sa maison »
Ses partenaires financiers dans la remise à niveau s’appellent préfecture, CMA France et Conseil départemental. « Là, avec les salaires payés, nous maintenons un fonctionnement au strict minimum, on tente d’apurer le passif ». La convention pluriannuelle 2024-2027 qui doit toujours être signée avec le Conseil départemental et qui devrait apporter de l’oxygène, attendait la régularisation des comptes 2022, « c’est fait, on va pouvoir la signer ».
Un travail pas à pas qui laisse deviner l’état sinistré dans lequel les précédents gestionnaires de la maison l’ont laissée. « Pour l’instant, je ne souhaite pas forcément élargir le nombre d’adhérents, mais accompagner les 5.000 qui sont là déjà, faire un travail de qualité avec eux. »
Pour dégager des recettes, il va falloir mettre en place des missions, et réactiver les formations. « Il y avait des projets montés avant que je n’arrive, mais des blocages administratifs empêchaient de les mener. Par exemple, la formation numérique pour les salariés qui ne sont pas à l’aise dans ce domaine. » Pour décoincer les choses, il est allé deux fois à la CMA à Paris pour prendre conseils et contacts. L’école de la mode qui est en stand-by « devra ouvrir avec ou sans moi, mais elle devra ouvrir. » Les premières actions sont mises en place dans la perspective de la convention pluriannuelle avec le CD, « des journées d’information pour les porteurs de projets de création d’entreprise. Nous les guidons dans les démarches pour s’immatriculer, et les accompagnons sur les démarches comme la garantie décennale, les prêts bancaires, etc. »
Quand il n’a pas revêtu l’habit masqué de super sauveur de la structure, Fouad Abdou est à la tête d’une entreprise de gestion des fluides et de génie climatique. Un pied dans chaque défi, « je dédie le lundi et le vendredi à la CMA ».
Il a pour objectif de réorganiser l’accueil au 1er étage du grand bâtiment blanc des Chambres consulaires : « Le chef d’entreprise doit sentir que c’est sa maison, il faut qu’il s’y retrouve ».
Anne Perzo-Lafond