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Perquisition sur les années sombres de la Chambre métiers et de l’artisanat ce jeudi

C’est un trou noir par lequel seront passées les trois chambres consulaires de Mayotte. Sauf que pour celle des métiers et de l’artisanat, la dégringolade s’est faite après que les projets soient sortis de terre. Volonté de nuire ou amateurisme, l’enquête en cours devra permettre d’y voir clair.

Les locaux de la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) étaient perquisitionnés ce 13 juin au matin. Nous avons contacté le procureur Yann Lebris pour en connaître le motif, « il est trop tôt pour communiquer sur cette enquête en cours. Nous le ferons en temps et heure », nous répondait-il.

Personne ne sera surpris néanmoins, puisque cette perquisition fait suite à l’audit mené en mai 2022 par le Contrôle général économique et financier (CGEFI), à la demande du préfet. Petit retour en arrière.

L’école régionale des métiers de la mode financée par des fonds européens avait été laissée en errance

Comme les deux autres Chambres, celle du commerce et de l’industrie et celle de l’agriculture et de la pêche, celle des Métiers et de l’Artisanat avait été ébranlé par le passage au droit commun avec financements européens, qui commandait la fin de l’enveloppe alloué chaque année par le conseil départemental, pour passer au financement d’actions à monter. C’est ainsi que l’équipe en place menée par Jean-Denis Larroze avait lancé en 2013 une section boucherie, puis l’Ecole régionale de la mode en 2020, etc. C’est même une mahoraise qui, expatriée dans la Nièvre, décrochait le meilleur CAP boucherie. Mais sans trop de volonté d’accompagnement du conseil départemental à l’époque. Dès 2020, aucun budget primitif n’est plus voté. Au moins, si les finances ne sont pas au beau fixe, les chantiers sont lancés.

Un bureau élu, mais des chaises vides

En octobre 2021, les élections à la CMA font émerger une nouvelle équipe, présidée par Radhia Oumari. Difficile de savoir si le nouveau bureau fait preuve d’amateurisme ou s’il y a une  volonté de sabrer ce qui a été mis en place, mais début 2022, alors qu’il s’agit de renouveler les conventions de l’école de la Mode afin de délivrer des titres professionnels, la présidente et le responsable de la formation pratiquent la politique de la chaise vide, nous rapporte un ancien. S’en suit une inondation à l’Ecole de la mode, et un laisser-aller qui incite à mettre le Contrôle général économique et financier (CGEFI) sur le coup. Les résultats de l’audit rendus en juin 2022 soulignent un fort déséquilibre financier et émettent 45 recommandations. Certains évoquent 2,5 millions d’euros de dettes, mais la préfecture parle « d’absence de présentation d’un état détaillé et fiable de la dette ».

La section boucherie avait démarré en fanfare

L’Etat intervient à deux reprises. La première pour installer un comité de pilotage composé de la présidente de la CMA, Radhia Oumari, du SGAR de la préfecture, de la DEETS, des Finances publiques, de CMA France, etc. On se dit que la structure est sauvée, pas du tout, quelques mois après, la préfecture informe de l’échec du comité, « non-respect des dispositions statutaires, législatives et règlementaires », pas de présentation de budget, ni de compte administratif, pas plus que de budget primitif. On ne sait comment ce beau monde n’arrive pas à recadrer la présidente, qui ne respecte toujours pas les conditions règlementaires d’envoi des convocations à l’assemblée générale, qu’elle fait voter les comptes 2021 le 31 juillet 2023… non certifiés par le commissaire aux comptes, etc. Et c’est la préfecture qui le dit à travers sa 2ème intervention, un arrêté de dissolution de la CMA.

La CMA France en appui

Une commission provisoire est mise sur pied, composée de quatre artisans, qui découvrent que des centaines de milliers d’euros ont été perçus par la CMA Mayotte, notamment de l’Europe et du conseil départemental, sans justificatifs de concrétisation des actions. On se doute qu’il y a matière pour les enquêteurs de fouiller.

CMA, Mayotte, CFA
La commission provisoire avec Fouad Abdou (2è sur la gauche) et le directeur général de CMA France

En mars 2024, nous avions longuement interviewé Fouad Abdou, à la tête de l’entreprise de plomberie Air fluide OI, et président de la commission provisoire. « Notre priorité, ça a été de payer les salaires de la quinzaine de salariés de la structure qui n’avait rien perçu depuis plusieurs mois. Nous avons pu le faire grâce à un accompagnement de 156.000 euros de CMA France et de l’Etat », il évoquait une trésorerie qui commençait à « sortir du rouge ». Une convention pluriannuelle 2024-2027 était en cours de signature avec le conseil départemental. Et ce mois de mars 2024, les artisans étaient de nouveau accueillis au sein de leur Chambre.

Le président de la commission provisoire annonçait l’intention de la CMA de relancer l’Ecole régionale de la mode et la formation boucherie pour « redonner vie au CFA ». Entretemps, un beau gâchis dont il va falloir identifier les responsables.

Anne Perzo-Lafond

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