Les portes, Charly Jollivet est heureux de les ouvrir : « Nous sortons pour l’occasion des documents qui sont habituellement dans les cartons, pour montrer les originaux au grand-public. La population doit s’emparer de nos ressources, s’approprier l’Histoire de l’île, et que ce ne soit pas forcément que les scolaires. »
Cette année, les Archives départementales ont souhaité mettre en avant « Les constructions publiques depuis 1976 », en reprenant une exposition présentée en 2006 pour les 30 ans du conseil général. Les documents ont été réunis grâce à plusieurs fonds, nous explique Noura Maamani, Chef de service bibliothèque et fonds iconographique aux Archives départementales : « Nous avons cherché les éléments de différents équipements publics, mairies, écoles, hôpitaux, que nous ont fournis la Société Immobilière de Mayotte, l’agence d’architecte Réa et l’atelier mahorais d’architecture. Nous avons même récupéré un projet d’allongement de la piste aéroportuaire de 2055. Ainsi que de nombreuses archives orales. »
Si le territoire n’est pas très riche en termes d’équipements publics, le mélange documents écrits et oraux, présenté par Siti Yahaya Boinaidi, Chef du service des archives orales, vaut à lui tout seul de se déplacer vers les portes-ouvertes ce week-end. C’est une plongée dans le passé pas si lointain en termes de date, mais dont l’espace-temps semble avoir été dilaté sur ce territoire où tout est allé très vite. Un exemple, « avant 1976, la liaison Nord-Sud était impossible par voie terrestre, les médecins venaient en pirogue et à dos d’âne. Les chiconiens le savent bien ! »
« Les élus ne savaient pas ce que c’était qu’être maire »
Les panneaux sont divisés en 8 thématiques et accompagné d’un livret « Paroles autour d’une exposition ». Laissons Siti Yahaya Boinaidi nous faire voyager : « Avant 1975, il n’y avait pas encore de communes, mais 5 cantons, Pamandzi, Bandrélé, Mtsapéré, Mtsamboro, Tsingoni que l’on prononçait ‘Chingoni’. Lorsque les communes sont implantées en 1977, il n’y pas de bâtiment, parfois c’est un particulier qui met sa maison à disposition et qui fait office de mairie. A la fin des années 90, les nouveaux bâtiments émergent, mais les élus ne savent pas ce que c’est qu’être maire », et de basculer sur un témoignage oral, celui de Zoubert Adinani, un des grands hommes de Mayotte, premier maire de Tsingoni, « Beaucoup de conseillers municipaux étaient illettrés en français. Ils lisaient l’arabe et parlait shimaore dans les conseils (…) Un représentant de la préfecture nous expliquait comment cela devait se dérouler. »
Promenade dans le temps assurée avec Siti qui vous emmène faire le tour de l’île et ses seuls 60km de routes bitumées en 1976, « nous avons un témoignage d’un ancien élève qui explique qu’il devait se lever à 4h du matin pour aller à l’école, comme aujourd’hui, sauf qu’il fallait affronter les deux heures de pistes parfois impraticables car inondées, et qu’il finissait en pirogue. »
On en savait un peu plus sur les dotations tardives en salles de classe grâce à l’étude du CESEM sur le sujet, mais il est toujours bon de retrouver les repères qui était d’actualité avant 1977, « il n’y avait qu’une seule classe par canton, même pas une école », et les jeunes étaient souvent scolarisés par hasard, « c’est le cas d’une fillette qui amenait ses frères à l’école et à qui on a demandé de l’intégrer aussi ».
Alors bonne balade dans le temps ! Le bâtiment des Archives se situe derrière celui de Mayotte la 1ère aux Hauts-Vallons.
Anne Perzo-Lafond