Quand l’Etat finance 1,6 milliard pour mieux accueillir l’immigration à Mayotte, il peut financer avec l’aide des fonds européens la même somme pour le développement durable du département. La loi Erom du 28 février 2017 a enjoint l’Etat à mettre en outre-mer des contrats de convergence et de transformation afin de rattraper les retards de niveau de développement et de gommer les inégalités persistantes entre nos territoires lointains et l’hexagone. Les premiers contrats furent signés à l’été 2019. Ces contrats obéissaient à un cadre unique et uniforme pour tous les territoires qui d’une manière générale n’ont pas grand-chose en commun en termes de niveau de développement, ce qui traduit une certaine forme de paresse intellectuelle et administrative de la part de l’administration dont la fertilité d’esprit est reconnue comme la plus inventive dans le monde. S’agissant de Mayotte, ce contrat était totalement inadapté au point que j’ai dénoncé en son temps un contrat de divergence et non de convergence.
Ce contrat n’avait pas de véritable colonne vertébrale pour porter Mayotte. Il poursuivait comme seul objectif majeur l’accueil des migrants. D’un montant total de 1.6 milliard d’euros, il avait budgétisé à hauteur de 500 millions d’euros l’accueil des élèves comoriens déposés sur nos rivages dans la nuit par leurs parents par le biais de kwassa scolaires et à hauteur de 250 millions d’euros pour offrir des logements sociaux aux personnes régularisées.
Ce contrat est actuellement en cours de négociation entre l’Etat et le conseil départemental en vue de son renouvellement. De ce que nous savons ses orientations poursuivraient les mêmes logiques d’accueil des migrants. Dans cette perspective, le gouvernement a annoncé un effort exceptionnel de 800 millions d’euros pour tenir compte du niveau général de sous-développement et de sous-équipement du territoire. Comme en 2019, la feuille de négociation donnée au préfet prévoit de financer 500 millions d’euros de constructions scolaires pour encore et toujours mieux accueillir les enfants anjouanais que leurs parents continuent de nous confier clandestinement et 350 millions d’euros pour le logement social pour mieux accueillir les familles qu’il régularise chaque année. Au total, le gouvernement poursuit la même politique mortifère et schizophrénique dans laquelle il mobilise plus de 1200 membres de forces intérieures pour lutter contre l’immigration et finance sur 5 ans 1,6 milliard d’euros pour mieux les accueillir.
Qu’il sache trois choses : d’abord plus de 120 000 gamins attendent sur les rivages anjouanais pour aller à l’école à Mayotte alors qu’il y a déjà plus d’enfants anjouanais scolarisés à Mayotte qu’à Anjouan ; que plus de 80% de nos effectifs scolaires sont constitués d’enfants anjouanais; qu’en 2019, il manquait 600 salles de classe à Mayotte pour mettre fin aux rotations scolaires, il en manque actuellement 1200. Dans trois ans, il en manquera plus 2000.
Pendant ce temps qu’il investit massivement dans ces deux domaines de l’école et du logement social, la seule chose importante et de conséquent qu’il opère, c’est la captation des fonds européens destinés à améliorer le niveau général de développement de l’île pour installer ses immigrés, pendant ce temps l’aménagement sérieux et durable du territoire attend et les promesses faites aux Mahorais par les plus hautes autorités de l’Etat sont demeurées sans suite : université, piste longue d’aviation, port de Longoni, second hôpital, route nationale, seconde prison, hôtel de police, etc. sont laissées à l’abandon faute de capacité de financement par l’État qui utilise les fonds européens pour financer cette politique que l’opinion publique mahoraise excrète et a rejetée. Oui les Mahorais considèrent à juste raison que s’il est exact que l’État fait beaucoup dans l’île, elle estime que ce qui est fait pour l’immigration est contre Mayotte pendant que peu de choses sont faites pour les Mahorais et leur département.
Voilà et pourquoi je considère que le temps est venu de changer d’approche, de paradigme et de regard dans les politiques publiques mises en œuvre localement. Nous considérons que l’État doit être en mesure de mobiliser en priorité avec le concours des fonds européens un véritable plan de convergence avec une structure propre prenant en compte les orientations suggérées par les Mahorais et leurs élus. C’est ce que nous attendons de la loi d’urgence et de programme pour Mayotte. C’est à ce prix et à ce prix seul que nous considérerons être véritablement entendus, compris et acceptés par les autorités de notre pays. C’est à ce prix que nous considérerons que Mayotte est dotée d’une loi coconstruite entre les autorités étatiques et les élus légitimes de l’île.
Mansour Kamardine