Une tempête de cailloux à Doujani
Dans la nuit du 2 au 3 juin 2018, vers 2h du matin, des membres du comité de médiation des sages et de prévention de la délinquance, plus connus sous le nom de « gilets jaunes », effectuaient des rondes, près de la boulangerie de Doujani, avenue Abdourraquib Ousseine.
Observant un jeune homme qui rodait autour de la boulangerie, un des membres du comité lui aurait ordonné de rentrer chez lui mais le jeune homme se serait montré menaçant : « Tu vas voir, on va revenir ». Quelques minutes plus tard, une trentaine de jeunes serait arrivée, tous prêts à en découdre, armés de pierres, de bâtons, de tuyaux en fer et de marteaux. Dans cette bataille, que le tribunal qualifiera de « grande violence », trois membres du comité, eux-mêmes armés de pierres et de bâtons au moment des faits, auraient été blessés par trois jeunes, dont un grièvement, nécessitant l’intervention à deux reprises des services de secours.
La liberté de chacun s’arrête là où commence celle d’autrui
Cette affaire posait au parquet une question sensible sur la liberté d’aller et venir. Qui s’interrogeait sur le cadre légal d’intervention des citoyens et membres du comité des sages lors de l’interpellation de ce jeune homme qui trainait dehors. Plus généralement, comment légitimer l’action de ces membres du comité, à qui l’on demande de mener des actions proches de celles de la police ? Bien que l’initiative soit humainement largement compréhensible, la loi interdit que l’on fasse justice soi-même, pour que les Hommes ne soient pas soumis à « la loi du plus fort. »
Des réquisitions justes dans un contexte singulier
C’est dans ce contexte bien spécifique, que le substitut du procureur prononçait de longues réquisitions, qualifiées par l’avocate d’un des prévenus de « particulièrement honnêtes ».
D’après le parquet, le fait que des citoyens, excédés par la violence, aient décidé de se réunir au sein d’un comité, pour réaliser des maraudes de surveillances dans certains quartiers de Mamoudzou, peut être largement compréhensible mais ne doivent pas mener à des conflits armés. Il rappelait notamment que les membres du comité ne doivent pas s’octroyer le droit de punir « par châtiment » des jeunes dont ils ne cautionneraient pas le comportement.
Ainsi considérant que les membres du comité étaient armés, que des jets de pierres avaient été commis de part et d’autre, que la victime était absente durant la phase d’instruction et pour ce procès, mais en intégrant l’importance de la violence avec laquelle avaient été commises les blessures occasionnées à la principale victime, le parquet retenait certaines charges contre les prévenus et en excluait d’autres, que le tribunal a suivi.
Le temps des regrets
Le tribunal a ainsi relaxé, un des jeunes, qui était présent lors des faits et qui avait échangé des mots avec la victime, mais qui ne l’avait pas blessée. Le jeune homme, qui travaille actuellement dans un magasin de Mamoudzou, espère avoir une vie apaisée et refermer la page d’un passé agité : « Je regrette, quand on est petit, on ne pense pas à cela, quand on est en groupe, quand on nous dit de faire quelque chose, on le fait. »
Par ailleurs, le tribunal a condamné deux des trois jeunes qui comparaissaient, à huit mois d’emprisonnement et à dix-huit mois d’emprisonnement, pour avoir blessé deux membres du comité.
Entendu depuis la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses, un des prévenus incarcéré a regretté avoir agi ainsi six ans auparavant : « Pourquoi je ne suis pas rentré chez moi, pourquoi je suis allé avec les autres, ça n’a servi à rien, on était énervés. » Père de deux enfants, il souhaite désormais s’insérer professionnellement et se reconstruire personnellement.
Mathilde Hangard